mardi 18 février 2014

Psychopathe de l'amour

Fabulations du 12 février 2014 à 6 heures 27 du matin...

Laissez tomber. Je craque pour Peter.
Je suis une vraie détective d'internet. Avec un seul prénom, j'ai retrouvé sa vie, sa famille, ses photos... Quand je vois tout ce qu'on peut apprendre avec si peu d'informations, je suis tellement contente de ne jamais avoir ouvert de profil privé Facebook!

M'enfin, au détour d'une page, il y avait cette photo avec sa mère qui écrivait en commentaire qu'elle avait hâte que son fils rentre aux states après son diplôme cette année.
J'ai eu un pincement au cœur.
Non mais, ridicule, achevez-moi!
Je connais pas ce type.
Je suis juste une psychopathe de l'amour.

N'empêche, je le revois déclamer mon prénom avec énergie lorsque nos regards se sont croisés, comme une évidence. Moi, je croyais qu'il s'appelait James. J'avais zappé. Je l'avais même zappé complètement avant de tomber sur lui ce soir là. Lui, il avait demandé de mes nouvelles à mon amie il y a pas si longtemps de ça.

Je ne sais pas pourquoi il m'a plu autant et si vite.
Mais il hante mon esprit qui s'embrase à l'idée de le revoir.
Peut-être que ce n'est qu'un placebo parmi tant d'autres.
Et qu'il me faut cet illusoire là pour ne pas souffrir.

Mon corps, lui, accuse le choc.
En charpie, il ne peut pas mentir.
Une rupture est une rupture.

Mais Peter, quand même, il a un beau regard. Il a un doux sourire. Et quelque chose de vraiment sain à le côtoyer, même brièvement. Alors, je saurai assez vite si cela me convient ou pas. Si c'est encore s'attacher à quelqu'un qui doit déjà partir, comme toutes mes dernières histoires. Quel intérêt.

On croirait pas comme ça, mais je ne suis ni dans la recherche, ni dans l'attente.
Il m'est juste tombé dessus, par inadvertance.
Alors avec prudence, je souhaite jauger. Déceler en l'homme la potentialité d'un véritable échange.
Et si jamais les atomes crochus se font tendres, je pourrai enfin prendre la décision d'être patiente.
Le temps comme allié, et se donner toutes les opportunités possibles et imaginables d'avancer petit à petit sans enjamber les marches.

vendredi 14 février 2014

La Saint Valentin ne me porte pas en son coeur.

Je le sais.

Et même si il n'y a pas une semaine mon amoureux et moi nous nous séparions, au fond c'était peut-être le plus beau cadeau que l'on pouvait s'offrir.

Bonne Saint Valentin alors.

mercredi 12 février 2014

La vie entremetteuse

Bon, ben voilà.
Il y avait eu comme une révélation ce jour d'avril.
Une transe furtive, une illumination.
La vie nous réunissait.
J'ai écouté la vie, je me suis ouverte à toi et mon cœur encrassé, tu l'as fait reluire à nouveau.
J'aurais dû l'écouter jusqu'au bout, elle m'avertissait aussi de ne pas brûler les étapes.
Mais en moi, peu m'importait l'ordre où les actes, puisqu'ils se justifiaient par l'amour.
J'ai pensé que nos petits cyprès magiques trouvés sur le lieu de notre rencontre allaient grandir et s'épanouir comme jamais, puisque l'amour les nourrissait avec nous.
Je croyais sincèrement que cela suffisait. Qu'on pouvait vivre comme cela.
Mais ton cyprès baigné dans trop d'eau est vite tombé malade.
Et quand pour une absence d'une semaine je t'ai confié le mien, il s'est séché sous ton soleil meurtrier.
Lorsque je suis revenue de mon voyage, j'ai beaucoup pleuré.
J'ai beaucoup pleuré sur nos cyprès d'amour.
Sur notre négligence.
Et la naïveté de croire que notre sentiment ne nécessitait rien d'autre que lui-même pour entretenir l'histoire.
Qu'il vaincrait seul les aléas de l'existence.
Parce qu'il était le plus fort. Le plus intense qu'il m'ait été donné de ressentir jusque là.
Parce que c'était la vie qui m'avait dit. Qui t'avait présenté à moi.
Et que je croyais en la vie.

Aujourd'hui, je n'ai pas de larmes à t'offrir.
Mon sorcier bienveillant.
Nous n'avons peut-être pas tant bienveillé l'un sur l'autre.
Mais je ne t'en veux pas.
Et même que je t'aime.
Mais comme mon petit arbre, c'est un émoi raidi et jauni qui s'effrite en mon cœur.
Il n'aura pas survécu à l'hiver.
Je ne t'en veux pas.
Je ne m'en veux plus.
Notre histoire est morte et c'est la prochaine qui portera en elle le fruit de nos erreurs.
Un cycle interminable.
La vie entremetteuse.

mardi 11 février 2014

Attention, ceci est un message de rupture

"Je t'aime fortement et je suis heureux de connaître un être aussi merveilleux que toi.
Je t'aime fortement et je suis pleinement satisfait de cette belle discussion constructive de cette nuit.
Je t'aime fortement et je suis heureux que tu sois libre d'aimer comme tu le sens, sans que je sois ta prison.
Je t'aime fortement et je ne t'oublie pas. La suite de la vie a été annoncée cette nuit, avec franchise, avec douleur, mais avec libération, et je t'aime tout autant davantage.
Je t'aime fortement et je souhaite garder cette beauté de lien qui nous a unis à notre rencontre, et que nous avons continué de développer durant ces merveilleux mois à tes côtés.
Je t'aime fortement et je t'aime fortement et je t'aime fortement...
Je t'aime fortement et je te remercie d'exister.
Tu es belle, et je t'aime vraiment fort...Merci..."

lundi 10 février 2014

Play-Doh

Fouuh, c'est pas facile.
On rêve tous d'une idylle.

C'est juste qu'il n'y a pas une semaine, j'étais fière de me dire que j'avais pas besoin de ça.
Que même si c'était le désert de Gobi dans mon couple, c'était pas si important, parce que de toute façon j'étais bien toute seule. Que c'était parfait de ne pas avoir à chercher, sans avoir à être monopolisée par ce qu'on a trouvé déjà. Un cadre sans grosse contrainte, en somme.

Et puis Peter. Sentir ses sens répondre aux appels invisibles. Insidieusement.
Puis complètement assumés, si les limites n'avaient pas été posées au préalable.
Dans un autre contexte, j'y serais allée franco, je crois. Cash, je l'aurais serré contre mon cœur, je l'aurais cajolé sans trop lui demander son avis. Parce qu'il est cette mignonnerie incarnée, c'est affolant. Affriolant. Je regardais ses mains, parfaitement dessinées, proportionnées, légèrement musclées et sinueuses. Je regardais ses mains, et je voulais les palper, les passer dans mes cheveux. Je voulais écarter ses doigts, pétrir ses phalanges comme on manipule l'argile, je voulais façonner son corps incroyable, sa chute de reins, soulager ses épaules. J'avais envie de le porter, le faire tourner dans les airs, il me dépasse à peine et j'aime ça je crois, les hommes qu'on embrasse les talons à plat, qui s'encastrent tout seul entre nos formes respectives. Pâte à modeler.

Je regardais ses yeux, d'un bleu exotique, pacifique, où coulent les lagunes, ses dents d'enfant, et ses boucles blondes qui lui tombaient sur la nuque, et mon Dieu, oh mon Dieu! Neutralisez-moi! Le fantasme du boys band dans un petit corps d'homme. Or ce n'est pas son accent à tomber qui m'éloignera du mythe.

Je ne savais plus où regarder, tout mon être voulait l'emprisonner dans mes bras. Ma bouche se mordait les lèvres de lui crier d'un grand éclat de rire qu'il me faisait complètement craquer, jubiler, fondre, mes mains se tordaient sur elles-mêmes pour ne pas, et pendant ce temps, avec ses mots à lui, il faisait vibrer l'écho de mon âme mise au placard cette soirée là, il s'exprimait avec une telle sagesse et joie de vivre, un recul et un non jugement sur les choses, je n'en croyais pas mes oreilles, un boys band intelligent qui sort de l'école normale supérieure, ça n'existe pas!

Ce garçon respire la gentillesse à trois kilomètres à la ronde.
Mon problème étant que j'ai un sérieux faible pour les gentils.

Mais bon.
La parenthèse se referme.
Et puis je me suis promis de ne plus précipiter mes battements de cœur, même s'ils partent à l'abordage sans moi, de me réserver le temps de faire des choix muris et assumés dans leur intégralité. Ce qui implique de se respecter jusqu'au bout des ongles, au détriment de personne.
Donc voilà.

En attendant, j'ai aucune nouvelle de mon sorcier bienveillant depuis une semaine.
Penser pour la prochaine fois à ne plus s'essayer au jeu du "hey tiens, et si j'arrêtais de l'appeler, qu'est-ce que ça donnerait?".
Parce que ça ne donne rien.

Tristesse.

Quand je vois ce qu'une intensité de flamme telle que la notre peut devenir quand on ne l'entretient pas, ça me fait réfléchir à deux fois.

dimanche 9 février 2014

Peter

Ça fait du bien d'écrire ses nœuds.
On les pose alors devant soi et on peut les y laisser.
Les frustrations, les contrariétés, les déceptions, les inhibitions.
Balayées par les mots justes qui résonnent.

C'était avant-hier, je disais à mon amie qui partage un peu la même situation sentimentale que moi, que si je le voulais je pourrais trouver tout un tas d'hommes intéressants avec qui me fondre, mais que si je prenais réellement le temps d'approfondir la compréhension de l'autre avant de me ruer vers une affinité physique et le lien affectif qui en découle, je ne ferais peut-être pas les mêmes choix.
Des connections intenses avec des êtres, des âmes-sœurs comme on pourrait les appeler, ce n'est pas si rare. On va pas copuler avec toutes. C'est souvent inutiles voire même désavantageux. Comment dire, c'est comme une partie de belote coinchée. Si tu coupes, tu prends le pli. Mais y'a plein de cas où tu peux te défausser, et même si le pli tu le récupères pas toi, tu laisses peut-être alors la main à ton partenaire qui lui a de meilleures cartes à jouer par la suite. Bah voilà. Une relation sensuelle, c'est couper. C'est direct être maître et prendre la main. Mais c'est peut-être mal joué, et peut-être que ça va t'empêcher de faire ton dix de der de la fin.
Je préfère garder mes cartes et prendre le temps d'analyser la valeur de la relation et la forme la plus adéquate qui pourrait lui seoir (verbe bizarre j'en conviens).

Bref, hier soir j'ai rencontré un Peter.
C'est étrange parce que j'évoquais ce prénom anglophone ici il y a quelques jours.
C'était il y a deux ans lorsque je l'ai vu pour la première fois. On a accroché tout de suite.
On parlait la même musique.
Puis il avait ce petit accent à croquer.
Ce regard doux, calme, bienveillant.
Dans ce grand appartement, il est resté dormir pour moi je crois.
J'étais en couple avec mon garçon des étoiles à ce moment là et je ne voulais pas jouer avec le feu, alors je l'ai laissé en plan, un peu.
Parce qu'il me plaisait.

Par la suite, il m'a envoyé ces petits messages tout mignon pleins de fautes de français où il me partageait ses humeurs, ses découvertes, ses passions. Il m'invitait à des soirées, des danses, des barbecues, des piques niques.... Je n'ai jamais osé. Puis j'ai perdu son numéro de téléphone l'affaire s'est réglée d'elle-même.

Aujourd'hui, je n'arrive plus à savoir quel statut je porte sur moi. Et où j'en suis avec mon sorcier bienveillant. Depuis qu'il m'a avoué ne plus imaginer faire sa vie avec moi et notre couple durer, ça m'a calmée net. J'arrive plus à me convaincre qu'on puisse être réellement ensemble dans de telles circonstances et avec un tel état d'esprit. Même si on s'aime.
Même s'il traverse une passade.
Et que des passades, dans une vie, on en traverse tous.
Même si c'est moi qui n'ait pas accepté le motif de la rupture, cet octobre.
Qui ait tout fait pour l'accompagner, l'encourager, lui amener de la bonne humeur et du positif, lui montrer que lorsqu'il ira bien, ça pourrait fonctionner nous deux, malgré la distance.
Mais actuellement, ça ne va que dans un sens.

Mes "je t'aime" tombent à l'eau.
Reçoivent des "merci c'est gentil".
Mes déclarations ne font que m'enthousiasmer seule parce que je sais et je le comprends, il n'est pas en mesure de me donner quoi que ce soit.
Je ne peux pas lui reprocher d'être dans une période difficile de sa vie.
Et quatre mois et quelques de galère, c'est quoi sur l'ensemble d'une existence?

Alors je rencontre des Peter.

Qui se souviennent de mon prénom, bien qu'on se soit vus une fois il y a deux ans de ça.
Qui discutent avec moi libres, en équilibre, sans attente.
Qui me parlent de confiance. Celle que l'on donne à la Vie et qui nous la rend.
Avec un sourire.
Pas charmeur.
Juste, de bien-être.

Heureusement que je ne cherche pas l'amour.
J'aurais pu finir par le trouver un de ces quatre, au détour d'un hier.


samedi 8 février 2014

J'aurais pas dû répondre

J'en ai ma claque de ces gens qui pensent que la souffrance est le seul critère de mérite de quelqu'un.
Que parce que les êtres ont souffert, ils ont compris. Et que cette souffrance laisse une trace, une profondeur, une marque de repère d'un individu à un autre.

Déjà, de un : il y a des gens qui ont souffert et qui n'ont pas compris.
Et de deux : d'autres qui n'ont pas besoin de souffrir pour comprendre.

Je crois que ce qui m'irrite, c'est que l'on m'impose cette vérité comme l'unique vérité.
Et que lorsque je dis que chacun a le choix, on me rétorque que le choix n'existe pas, que l'homme est conditionné blabla bla bla bla le discours type. C'est sur que si déjà dans le dialogue on m'oblige à penser que je n'ai pas le choix, effectivement ça le limite.

Je ne suis pas contre ce genre d'arguments. Tout simplement parce que je suis pour les vérités multiples et simultanées, qui souvent peuvent être opposées mais non contradictoires.
Non, ce qui me fout en rogne, c'est qu'on puisse m'affirmer que si je ne tiens pas le même discours, c'est parce que je n'ai pas encore assez réfléchi. Pas assez vécu. Pas assez souffert.
Que parce que je ne suis pas d'accord, je suis restée à la surface du sujet.
Que si j'ai plein d'idéaux, de bons sentiments, d'impressions d'infini et de liberté, c'est parce que ma vie a été simple. Que c'est pas parce qu'on pleure de temps en temps qu'on peut prétendre avoir connu la douleur réelle et donc touché la profondeur de ce qu'est vivre. Que si je savais, ça se saurait sur mon visage. Parce que les gens qui ont du vécu derrière eux, ça saute aux yeux.

Et quand j'explique à la personne qu'elle est en train de me juger hâtivement, elle me répond qu'elle constate seulement l'évidence.
Mais quel est le constat? Sur quoi est-il basé, sinon l'ignorance, ou l'anticipation de son expérience propre?

Qu'est-ce que ça me saoule.
Devoir faire la liste de mes malheurs pour donner de la consistance à ma pensée.
Pour qu'en face, on me prenne au sérieux.
Ça n'a aucun sens.

Je suis moi. Je suis autant moi avant d'énumérer mes blessures qu'après. Je suis la même et mon argumentaire n'a pas changé. Il ne s'est pas éclairé.
On ne juge pas une opinion en fonction de celui qui l'émet. On la prend comme elle est, pour ce qu'elle signifie. Comment peut-on prétendre créer un véritable dialogue si d'emblée on se permet d'affirmer à son interlocuteur que "si tu dis ça, c'est parce que tu es ci ou ça, ou que tu n'es pas ça, que tu as vécu ça, ou que tu n'as pas assez vécu". C'est poser une image forcée sur ce qui n'existe pas encore et restreindre la réflexion un maximum avant même qu'elle n'ait été entamée. Ça me fatigue.

Non seulement ça, mais que ces personnes se nourrissent du conflit qu'elles provoquent, parce que c'est probablement de cette manière là qu'elles se sentent parfois exister. Je n'ai pas envie d'être de la nourriture pour ces gens là. Et je n'ai pas besoin que l'on m'estime en fonction d'un certain seuil de douleur atteint.
J'aimerais que l'on regarde mon état d'esprit et mes actes, que l'on s'accorde à dire que chacun peut avoir sa vérité et qu'elle est autant valable, et que l'on ne se permettre pas de mieux savoir ce qui me concerne à ma place.

...

Et dire que cette conversation pénible d'une heure a commencé comme ça :
"- Oh, vous vous en allez déjà?
 - Oui.
 - Mais pourquoi ça?
 - Parce que je me fais chier."

jeudi 6 février 2014

On joue aussi avec les coeurs dans les cours de récré

Je me souviens, en maternelle, assis aléatoirement autour des tables de cantine, ils faisaient ce signe avec le majeur et l'index, une barre et un pont qui ressemblaient assemblés à un escargot, ça voulait dire qu'on était amis. Et si le petit pont venait à croiser la barre, ça voulait dire qu'on ne l'était pas. C'était ce garçon mignon qui nous l'expliquait. Ils rigolaient entre eux, se montrant chacun hasardeusement des petits escargots et des petites croix et moi je regardais ça les yeux ronds, n'osant pas articuler mes mains, de peur de trahir mes sentiments et ma personne. Ce devait être une des premières interactions avec un garçon dont je parviens à me remémorer. J'avais trois ou quatre ans et déjà le béguin qui dégaine plus vite que son ombre.

Bon, ces histoires d'escargots ça n'a pas duré plus d'un jour. Il était une classe au dessus de moi et on m'avait mise seule à cette table de grands pour remplir les rangs. Preuve que je n'avais déjà pas d'amis à l'époque...

Quand je fais le point sur ces débuts à l'école et les prémices, les essais d'un fonctionnement de groupe, je me rends compte que c'était vachement éclectique et éclaté, le rapport avec l'autre. On n'était pas défini, et à la fois si, un peu. On voyait bien qu'il y avait des enfants naturellement méchants. D'autres, naturellement charismatiques. D'autres naturellement suiveurs. Des rêveurs, des agités. En avance ou en retard sur leur âge. On en avait déjà conscience, même tout gamin.

J'ai du mal à comprendre quelle place m'était attribuée dans ce groupe.

D'une part, on m'embêtait.
Dans ma classe, il y avait ces deux enfants qui barbouillaient de noir mes coloriages et ensuite appelaient la maîtresse qui me grondait. Dans la cour, des garçons que je ne connaissais pas qui jetaient mon doudou à travers la grille des égouts. Je ne comprenais pas le but de tout ça. Je ne comprenais pas l'utilité de nuire à autrui. Et ce qui m'a le plus marqué, ça a été vraiment, malgré toutes mes interrogations, de ne pas comprendre.

De l'autre côté, j'étais une poupée pour les grands. Il y en avait une qui se prenait pour ma mère, qui me forçait à m'habiller, me boutonner jusqu'au cou, me mettre le manteau pour que je n'attrape pas froid, elle était balèze et me retenait avec elle pendant la récré ce n'était pas amusant du tout.

Je me sentais l'obligation de sauver les opprimés de la cour. Je réservais un peu de mon temps pour jouer avec ceux qui n'avaient pas de camarades, parfois même un peu à contre cœur. Pourtant, personne ne m'en avait jamais donné l'ordre. Parfois, c'était simplement la curiosité d'apprendre à connaître ceux qui étaient différents des autres.

Il m'arrivait aussi d'enrôler des enfants pas difficiles dans des grandes épopées que j'inventais le temps de la pause déjeuner, avec des cartes que je dessinais à la craie au sol ou encore des objets magiques confectionnés à la va vite. En général, j'étais insatiable même si certains se fatiguaient vite.
J'inventais aussi des jeux plus simples avec les éléments de la cour, accessibles à tous. Il y avait le jeu du crocodile et celui de la maladie. Des jeux qui se sont répandus dans les autres classes et perpétués auprès de la nouvelle génération. Des jeux qui ont eu une vie après mon départ. Ma grande fierté d'écolière.
Peut-être y joue-t-on encore aujourd'hui, qui sait?

A part ça, j'avais des copines géniales pleines de ressources. Ma meilleure amie était la fille la plus populaire, la plus drôle, la plus intelligente de la moyenne classe et celle qui est restée le moins longtemps scolarisée dans cette école (évidemment). J'avais des copines imaginatives, créatives et qui aiment l'amour. On avait toujours de quoi se renouveler.

J'étais amoureuse du play-boy de la classe. Comme toutes. Il avait genre une foule de groupies en orbite autour de lui à chaque fois qu'il se déplaçait. C'était ma vision de très jeune fille de l'inaccessible. Alors quand nos deux planètes venaient à entrer dans leur champ magnétique respectif, je me débrouillais toujours pour lui voler un baiser sur la joue. Un jour il m'a coincée dans la bibliothèque de la grande classe pour me demander pourquoi fallait-il à chaque fois que je l'embrasse par surprise, comme ça.
-"C'est parce que je t'aime!"
Tellement simple.
Quand on est retourné à notre place, les autres élèves autour de la table nous ont demandé si nous allions nous marier, bien qu'on s'était gardé de leur avouer quoi que ce soit. Lui s'est empressé de démentir :
-"Non, bien sur que non! On ne peut pas se marier si vite! Il faut attendre encore un peu avant d'être sûrs."
Je sens encore mon cœur faire ses petits bons dans ma petite poitrine.

Bien qu'après toutes ces déclarations, aucune fille ne le lâchait d'une semelle, j'ai pensé qu'il avait fait la même promesse à toutes. Et comme elles se targuaient devant lui d'être de merveilleuses femmes au foyer alors que je ne savais ni plier mes habits moi-même, ni faire mes lacets correctement, encore moins me faire cuire un œuf, j'ai cru qu'elles et moi on ne jouait pas dans la même cour.

Prise d'un complexe d'infériorité, je suis allée me trouver un amant.

Peter. Il avait un parent anglais et était arrivé en milieu d'année. Quand il m'interrogeait sur le pourquoi, pourquoi d'un coup je m'étais mise à le coller, je répondais que c'était parce que j'avais le coeur brisé, et qu'il fallait que je me trouve un remplaçant pour oublier.
Ah, la lucidité infantile....
Je crois que je voulais provoquer mon amoureux, aussi.
DTR. Define The Relationship, qu'ils disent dans les séries girly.
Bah moi, à cinq ans, je voulais ça. Définir concrètement mes relations avec autrui.

A la fin de l'année, la dernière en maternelle, il m'a littéralement coincée contre un mur prendre son courage à deux mains pour me poser la question, à savoir pourquoi je l'avais ignoré depuis des mois. Je lui ai parlé de toutes celles qui lui tournaient autour, et qu'il n'avait pas besoin de moi, puisqu'il pouvait choisir parmi la classe entière. Il m'a répondu qu'une seule lui plaisait. Et que si j'étais sage, avant la fin de l'année, il me dirait son nom.

Apparemment, je n'ai jamais été assez sage.

J'ai eu ma résolution d'histoire six ans plus tard, lorsqu'à la rentrée du collège j'ai surpris un groupe de filles parler de lui. Elles se plaignaient qu'à l'époque, il n'avait pas voulu être avec elles. Qu'il ne voulait être qu'avec Anne O. Et quand on souhaitait savoir pourquoi, il disait :
-"C'est parce qu'elle, elle joue avec moi."

Je jouais avec lui.
Ça n'a tellement plus la même définition aujourd'hui.

J'ai pensé que ce prénom qu'il devait me donner, c'était peut-être le mien.
Mais bien qu'il fut à nouveau dans le même établissement que moi au collège, je n'ai jamais osé aller le lui demander.
Franchement, la timidité c'est mignon trois minutes.

Par le plus grand des hasards, dans une autre ville, j'ai retrouvé son nom sur la liste des invitations d'un festival étudiant que ma section organisait et dans lequel j'interprétais mes chansons, un de mes premiers concerts en plein air. Un de mes premiers concerts solo. Je me souviens, il avait plu pendant les balances. J'avais demandé à la personne qui l'avait invité si elle pouvait me prévenir de sa présence le moment opportun. Et lorsque l'instant est arrivé, j'ai accouru vers lui m'exclamant :
-"Tu te souviens de moi, je suis ton amoureuse de maternelle!"
Et voilà. Une fois qu'il m'a dit oui, j'avais l'air con. Parce que c'est tout ce que j'avais à lui dire et qu'il n'était pas tout seul.

Mais derrière mon piano, entre deux accords, je l'ai aperçu tout au fond qui souriait.

Il y a des romances qui subsistent parce qu'elles sont si anciennes qu'elles semblent couler dans nos veines, ancrées dans notre patrimoine génétique. Comme si elles avaient toujours été là et grandi avec nous.
C'était pas grand chose pourtant.
Des histoires d'enfant.

Mais si j'avais son mail aujourd'hui, je pense que je lui écrirais.


Toujours un coin qui me rappelle by Eddy Mitchell on Grooveshark

mercredi 5 février 2014

L'absurde des situations

Je ne sais pas trop ce que j'ai avec les anniversaires.
Je crois que ça fait huit ans maintenant que je lui écris à cette date.
Alors que je ne l'ai probablement pas revu depuis cinq ans.
Une coutume, peut-être.
Peut-être qu'un jour, il répondra.

En réalité, avec le temps, cela m'est devenu égal. Je n'essaie plus de renouer contact. Bien que parfois, je trouve ce constat un peu dommage. Je ne lui parle pas de moi. Je ne lui demande pas comment il va, où si un jour nous aurons l'occasion de casser la croûte ensemble à nouveau.
Je lui souhaite juste un bon anniversaire.
Sincèrement.

Je repense à ces années fac.
Mes histoires étaient teintées de romance. D'une nostalgie anticipée. C'est assez étrange.
Cette impression de vivre à fond l'instant.
Sur le palier de la porte.
Sans jamais oser entrer.
Mettre un pied dans l'antre du palpable.

Faut dire qu'ils ne m'ont pas vraiment aidés, les garçons de l'époque.
Ou peut-être était-ce moi. Oui, surement.
Je devais le faire exprès.

J'ai toujours eu un faible pour les surdoués.
La peur de ne pas avancer assez vite, qu'en sais-je.
Chercher à se confronter à un esprit compétitif.
Fallait-il qu'ils soient misanthropes sur les bords...
Je me suis cassé un paquet de dents sur des têtes dures.
Et puis je les impressionnais, je crois.

Ils s'en sont posé, des questions. C'est ça, les intellectuels. Même si ça a un grand cœur, ça réfléchit avant d'agir, ça pèse le pour et le contre et ça fait des listes imaginaires.
Je les rendais fous.
J'étais aussi logique que j'étais aberrante. C'était dans ma nature.
Aujourd'hui, j'apprends davantage à trouver les mots pour chacun. Mais à l'époque, ça sonnait incompréhensible pour beaucoup. Enfin, ceux à qui j'osais ouvrir un début d'âme.
C'est la jeunesse aussi. On cherche une cohérence.
Eux, ils cherchaient l'incohérence. L'absurde.

Oui. Ensemble, nous étions une sorte de grosse farce absurde.

J'aimais ça.

Le genre de rencontre complètement décalée de la réalité.
Ça me manque.
Les contextes.

Bon, les êtres un peu aussi.

J'ai retrouvé le disque de ce pianiste surdoué et depuis quelques jours ça tourne en boucle dans mes esgourdes. Il était pas mauvais, ce con. Même qu'il me dégoute un peu.
A l'heure qu'il est, Dieu sait quel chemin a-t-il parcouru, et combien d'étoiles a-t-il rejointes...
Le genre de type qui va trop vite pour moi.
Je me dis qu'on n'est pas fait pour tous aller à la même allure.
On habite à côté maintenant, en plus. A une rue d'écart.
Je ne pense pas que ça change grand chose à ce gouffre qui nous sépare.
La dernière fois qu'on s'était revus, on avait parlé onze heures et oublié de dormir.
J'ai envie d'encore parler à quelqu'un onze heures durant sans m'ennuyer une seule seconde.
J'ai envie d'apprendre, que l'on m'amène des points de vue que je n'envisageais pas déjà. Et rentrer chez moi murir les réflexions. J'ai envie qu'on m'éveille à ce que je ne vois pas.
Alors je cherchais ceux dont la pensée va plus loin et plus vite que les autres.

Je me persuadais qu'ils étaient un puits à réponses.

Tout en évitant soigneusement de les trouver en moi-même.

vendredi 3 janvier 2014

Les blessures arides

Peut-être que c'est simplement terminé, et que c'est pour ça qu'il n'y a plus rien à en dire.
Peut-être que ce qui fait pleurer, c'est s'accrocher au vide, à ce qui a semblé exister et placer tous ses efforts à tenter de matérialiser des prises imaginaires. Que les larmes, ce sont la peine que ces efforts vains là procurent, pas la rupture. Que vouloir à tout prix ne pas voir abîme les yeux. Et qu'à force, à coups de crève rétine et tous ces liquides de douleur qui se déversent, on en aura asséché les fleuves de nos cœurs et on s'y sera fait, à vivre en parfaits aveugles crevassés du diaphragme. Que la solution elle est là. Elle est d'arrêter trois secondes de se lamenter sur tous ces "si seulement" et se rendre à l'évidence, la larme au sol et les mains en l'air.