mercredi 25 mars 2015

Pour quoi faire

Sous la pluie, je me mouille à sortir de ma coquille.
Sensation de malaise.

Je me fais chier dans les bars.

J'ai pas l'énergie à faire semblant que ça m'amuse de parler pour ne rien dire.

Mon amie a croisé hier ce surdoué du piano, qui lui a dit qu'il culpabilisait de ne pas répondre à mes messages. Elle lui a fait promettre qu'il m'appellerait bientôt. Qu'à cela ne tienne, je lui envoie un texto pour lui faciliter la tâche : "Salut, je suis avec mon amie qui m'a dit qu'elle t'avait croisé récemment, j'aimerais bien qu'il m'arrive la même chose! Quand est-ce qu'on se voit?"
Réponse froide en retour. Dialogue stérile.
Les boules qui montent.

Après tout, ça ne fait que deux, trois ans qu'on ne s'est pas retrouvés, cache ta joie!

Ça m'énerve, mais après tout, je n'ai qu'à pas tenir à ce genre de rencontre. Les dernières fois, on en parlait onze heures d'affilées à en oublier de dormir. Et le sentiment rare d'en retenir quelque chose.

C'est pas grave. Je vieillis. J'ai plus de force à perdre pour ce genre d'acharnement relationnel.

A contrario, il y a ce garçon qui me prend dans ses bras, me soulève et me fait tourner lorsqu'il m'aperçoit au comptoir. Il était juste venu récupérer un tupperware, et s'en va en faisant semblant de se prendre la porte vitrée lorsqu'il me fait ses au revoir. J'ai partagé une, deux soirées avec lui. Putain! J'aimerais bien un jour, pianiste surdoué de mes couilles, depuis les 7 ans qu'on se côtoie, que t'arrêtes avec tes jeux de chaud-froid pour qu'on puisse enfin avoir un échange normal. Ou qui se construit sur la durée, par exemple. Je ne sais même pas pourquoi je pense toujours à toi.

"Quand les gens ne sont pas là, ils n'existent pas."

Tu m'avais un jour déclaré. T'étais jeune alors je te pardonne.
Mais maintenant.
Faut assumer, t'entends.
Faut l'assumer, ce lien pas commun qui nous retient l'un à l'autre.
Mais peut-être que c'est justement le moment de tourner la page d'une histoire inachevée.

C'était beau, improbable. Des instants, des déclarations envolées, subtiles, absurdes, tout à la fois.
C'était toi qui avais redonné vie à mon cœur, pour mieux le piétiner de ta lâcheté ensuite.
C'étaient nos cerveaux qui s'enlaçaient sans cesse. Nos corps qui jamais n'osaient se toucher de trop.
C'étaient nos musiques. Un respect mutuel. Ta volonté de nous laisser dans cette case à part, les gens et nous, nous et les gens. Des délires immatures. C'étaient nos redécouvertes, par hasard, des années après. D'autres formes de partage, un espoir qui renait.
T'as toujours demandé de mes nouvelles aux autres. Ils me transmettaient tes regrets de ne pas avoir gardé le contact. Et moi qui continue de t'appeler, sans t'avoir. Allez, une fois par trimestre peut-être. On sait jamais, on n'habite qu'à une rue d'écart. Une rue d'écart!

Qu'est-ce que tu fous!
Si c'est pas de l'hypocrisie, c'est quoi?
Trop fatigué pour faire l'effort de prendre ton téléphone? C'est toujours moi.
Et le courage dans tout ça?
Et ton intégrité d'homme?
Elle est où ta figure, sérieux?

C'est à chaque fois la même salade.
Je l'ai apprise par cœur. A m'en filer la gerbe.
Tu me la feras plus avaler, celle-là. Je te le promets.

Mais bon, je verrai bien jeudi.

dimanche 22 mars 2015

Et sourire aux enfants des autres

Évidemment, on se demande bien ce qui n'a pas tourné rond, lorsqu'on se retrouve seule à la table tout autour de ses amis de toujours, sans bague à l'annulaire, sans nourrisson au bras, sans mie à se mouvoir épaule contre épaule. On fait un peu tache dans le décor. On regarde l'autre clampin de la soirée qui est arrivé les mains dans les poches, et pas les doigts dans les doigts et forcément on se dit tiens. On se dit qu'on aimerait bien un peu de chair. Un peu d'envie. Un peu de cette peau pour la mordre, se nourrir d'un désir que l'on n'exprime pas depuis des mois, faute d'une relation hors norme.

A Paris, d'un de ces dimanches printaniers avant l'heure, un homme blond d'un charme sauvage, aux yeux bleus assortis au soleil, un peu à l'arrache avançait à contre sens devant moi. J'avais mes grandes lunettes noires anti-pollen alors je me sentais protégée et permise de le fixer à l’abri des regards. Et pendant que j'observais prétendument dissimulée reluire ses grandes pupilles, je compris trop tard que ses pas le conduisaient à moi. Il s'arrêta à mon niveau me faire la bise :

- Bonjour, moi c'est Marco. Et toi? Je peux te serrer dans mes bras?

Interloquée, prise par l'effet de surprise, je le laissais m'offrir son élan de tendresse.
Je ne pus que balbutier des "...m...mais pourquoi? ...en quel honneur?" qu'il me demandait déjà s'il pouvait faire un bout de chemin avec moi. Je n'étais pas toute seule, mon amie m'accompagnait.
Mais il était beau, et il avait de l'audace.
C'est sur l'instant, ce qui l'a sauvé.

Il m'a présenté son bras, je m'y suis engouffrée, le temps de rêver un peu à l'impossible.
Il avait fêté son anniversaire dans la semaine, je fêtais le mien le lendemain.
Il avait trente ans, Marco.
Peut-être qu'il s'est dit que c'était l'âge, et le beau temps pour tenter.
Tenter le diable.

Je voyais bien sous ses faux airs légers, qu'il n'avait pas eu une vie facile. Qu'il en voulait une autre, de vie. Qu'il voulait se sortir de toutes ces choses. Dans un éclat. De rire, de folie....d'existence.
Je lui dis que je repartais le lendemain dans la matinée. Il ne me crut pas. Il me demanda la permission de m'embrasser. Je refusais.

Il n'insista pas.
Et tout en me serrant dans ses bras une dernière fois, il me glissa à l'oreille avant de s'éclipser comme il était arrivé :

- Je te souhaite de faire une belle famille.

Une belle famille.

A moi.
La fille seule à la tablée, qui sourit aux enfants des autres.

Cela fait longtemps qu'un homme ne s'est pas projeté à mes côtés.
Moi je suis l'amour d'un instant, même s'il dure.
Je suis peut-être trop, aussi.
Ou pas assez.

Mon mec extra me dit que je ferais bien de le quitter. Qu'il ne sera jamais en mesure de m'offrir ce dont je mérite. Qu'il voit bien que j'aspire à construire, et que lui, eh bien, c'est un éternel solitaire. Avec toutes ses fuites, ses blessures, ses barrières.
C'est sûr que quand j'entends qu'en quarante ans, je suis sa troisième plus longue relation, je sais que ce ne sont pas des paroles en l'air. Quand je parle de notre histoire à mon entourage, la réponse est unanime : "moi à ta place, je ne pourrais pas tenir". Et moi, à ma place, qu'est-ce que je ferais?

Si personne n'y croit.
S'il n'y a que moi.

Je ne comprends pas. Il n'arrête pas de me dire qu'il ne peut m'apporter l'amour que j'attends.
Alors qu'il me l'apporte. A chaque fois.
D'une manière si touchante qu'elle m'en décroche des larmes.
A chaque fois.

Que voit-il que je ne vois pas?