mardi 19 août 2014

Surréaliste

Je peux l'entendre de ma fenêtre.
Dans mon pâté de maisons, il y a quelqu'un qui sifflote mes chansons.

dimanche 17 août 2014

CQFD

Un petit cri silencieux du haut de ma terrasse, les lueurs orangées.
"Sortez-moi de là".
Le calme plat.

Une oscillation constante, coriace entre vivre l'éclat, chercher la compagnie s'aérer l'esprit par l'excentricité d'un moment magique et un peu fou, et rester chez soi, s'atteler au travail, à la reconstruction, chercher l'utile, l'essence, le soi véritable.
J'étouffe.

De l'intérieur, j'étouffe.

Besoin de m'ouvrir à autre chose que ma pomme. Voir du pays dans les regards. Besoin d'entendre d'autres histoires. Celles des autres, un peu. Pour changer.
Peur de ressasser. La question fatidique du "comment tu vas?". Et devoir raconter encore tous ces mots, tous ces maux qui tournent en boucle en mon crâne ad vitam aeternam pour la énième fois.

Personne ne sait.

Comme si, je croyais pas en la possibilité que quelqu'un puisse me réconforter.
Alors, à la place, je lance des bouées bouteilles à la mer. Des messages anodins.
Please, sortez-moi de là.
Vite, une main, que je l'empoigne. Qu'elle m'amène voir le jour.
Qu'elle m'aide à contempler.
Les étoiles.
Celles que chantent les sirènes.

Mais personne ne sait.
Personne ne sait, alors personne ne vient.

C'est complètement débile.
Alors tant pis.

Demain, je me prendrai par la main.
La gauche dans la droite, entrelacées.
J'irai m'amener voir le jour.
Celui que les anonymes se partagent.
Je m'amènerai en balade. A la terrasse d'un café.
Un lieu où la potentialité de le croiser n'existerait pas.
A part chez moi.
A part, dans un pays étranger.
Comme ça, j'aurais plus à penser que peut-être.
Que peut-être, il reste un espoir.
Je m'amènerai en balade sans le chercher du regard. Sans frémir d'excitation à l'idée de le revoir.
Je prendrai des feuilles blanches.
Tout à écrire.
Dessiner, qui sait.
Mon stylo et moi, on inventera des romances. Le bric-à-brac de ces états d'âmes qui s'accumulent en ma poitrine. A la limite de déborder.
Et je cesserai de regarder mon téléphone.
Attendre qu'il appelle.

C'est étrange. Quand je veux m'aérer l'esprit, je pense à lui. A l'inviter boire un verre. Il avait ce don de rendre la vie légère. Agréable, un peu fougueuse et rebelle aussi. Avec lui, les rêves et les envies, c'était à portée. Presque palpable. Easy, de les réaliser. Parce qu'on était fous, l'un comme l'autre.

Mais pas fous l'un de l'autre.
En vue des circonstances.

samedi 16 août 2014

Et à quand le mot fin

Tu me manques, quand même.
C'est fou. Je sais pas pourquoi tu me manques comme ça.
C'est comme si t'étais là.
Que tu surveillais.
Le fil de mes journées.
Mes gestes. Mes pensées.
Me viennent les images, ton visage, tes mots. C'est dingue, vraiment.
Comme si t'avais toujours de quoi commenter.
Comme si ensemble, on avait déjà tout vécu.
Et que tout, tout me ramenait forcément à toi.
A nos souvenirs.
A tes pas dans ma chambre. Dans ma cuisine. Ma douche. Sur ma terrasse. Tout entier.
T'as repeint les murs de ta présence.
Des taches, des résidus de nous.
Partout.
Dehors, je te vois aussi.
Tu me suis.
Dans chaque piéton. Conducteur, passager.
Les inconnus dans la rue te ressemblent.
Tout te ressemble.
Tout m'évoque toi.
Les chansons.
Elles sonnent comme le générique inaltérable de notre film.
Blanc sur noir.
Tu sais, celui interminable.


Eternally Missed by Muse on Grooveshark

jeudi 14 août 2014

Se laisser submerger

C'est de ma terrasse que l'on voit le mieux les étoiles.
J'aurais dû y penser plus tôt. A vouloir m'exiler loin de la ville, que l'endroit le plus protégé des lumières, le sanctuaire, c'est encore chez moi.
J'écoute Blackout.
Cette musique dont les anges parlent.
Ce murmure qu'ils nous glissent.
Les larmes aux bords des yeux grands ouverts sur la nuit.
J'écoute Blackout et c'est comme un choix à faire.

Revenir sur mes pas, inlassablement.
Comme cette après-midi, lorsque la voiture m'a déposée à ton arrêt. Refaire le chemin en sens inverse, à pied, jusqu'à chez-moi. Celui que j'ai emprunté mille fois.
Au moins dans mes rêves.

Je pourrais ressasser éternellement.

Je me réveillerai un jour, comme ça, perdue dans ma boucle. Ne sachant plus quel jour on est, ni depuis combien de temps j'ai arrêté de vivre le moment présent. Je ne saurai même plus à quoi tu ressembles, quelle place tu avais, et si tu as compté. Si tout ça, ça valait la peine.
La peine que je me donne à rester immobile.

Don't kid yourself
Don't fool yourself
This love's too good to last
And I'm too old to dream


Si je le voulais, je pourrais décider de m'y mettre dès maintenant.
Clôturer les regrets. M'immerger pour de bon dans l'instant, à moi, rien qu'à moi, et faire ce pour quoi je suis ici. Décider de la vivre aujourd'hui, cette vie qui est mienne. J'ai tellement de projets qui m'attendent. De bras qui m'entourent. Alors pourquoi.
Pourquoi, dans le fond, je ne veux pas.

Il n'y a qu'un pas à faire.

Je regarde ma petite table ronde, ces êtres assis là à m'observer, invisibles.
Je ne dois pas pleurer.
Je ne veux rendre triste personne.
Je leur suis trop reconnaissante pour tout ce qu'ils organisent pour moi. Pour les petites attentions, les regains d'ingéniosité afin de me redonner le sourire, pour le soutien, l'amour inconditionnel, la foi qu'ils me portent alors que moi, je suis juste immobile. Alors que moi, je ne fais que ressasser. Dans le noir, je ne veux pas voir. Le chant scintillant les étoiles. Des averses de je t'aime et toute la pluie tombe sur moi. Imperméable. Insubmersible. Alors qu'il faudrait.

Pour une fois, il faudrait.


Blackout (credits reprise) by Muse on Grooveshark

mercredi 13 août 2014

Démesure

Ecrit un 23 juillet 2014 à 00h48 :

Ok, il est probable que je sois en train de tomber amoureuse.
C'est assez effrayant.
Et en même temps, touchant.
Être aux premières loges de ce truc qui nait en moi, c'est incroyable. Vivre les pépites qui crépitent partout à l'intérieur, ces bouts de trésors qui se créent en mes souvenirs et qui aspergent mes parois de lumière, de scintillement, de couleurs. Ça m'émeut. Me fait dire "merci".

Merci pour tout ça.

Alors c'est compliqué, oui. Et il faut du temps.

Mais tout ce que je vois devant moi. Wow.
Je dois avoir la mémoire courte, mais je ne me rappelle pas avoir si souvent admiré quelqu'un de la sorte. Et plus je le découvre, plus je suis fière d'avoir été attirée par lui. Je le trouve sain. Responsable. Respectable. Brillant. Drôle. Subtil. Curieux. Intelligent, bien sûr. D'un charme à tomber. Des manies adorables. En fait, il a ses défauts. Mais des défauts qui me plaisent. Qui me servent. Qui m'aident à avancer. Il a les défauts qu'il me faut. Et les qualités qui m'élèvent. Me donnent envie de m'améliorer.

C'est con hein, mais ça faisait longtemps que je n'avais pas admiré quelqu'un comme ça.
Pas parce qu'il en met plein la vue (même si je trouve que quand même, un peu) mais parce que c'est un mec bien. Et que je ne vois rien pour l'instant qui puisse me rebuter.

L'amour rend aveugle, à ce qu'on dit.

Alors à la place, je sens. Sa sincérité, ses blocages, ses disponibilités. Ça va être compliqué. Mais c'est ce que j'ai demandé au bon Dieu, je crois. Ce travail à faire là. De patience.

De mesure.

mardi 12 août 2014

Conversation à deux visages collés

Extase d'un 22 juillet 2014 à 02h00 du matin :

"C'était mon bonheur de la journée..."
fit-il après que nos regards emplis de malice se soient croisés en montant les escaliers. Je ne compris pas tout de suite pourquoi. Mais je finis simplement par réaliser qu'il n'était pas insensible à mon sourire.

D'ailleurs.

- Il a changé ton sourire, non?
- Bah non, pourquoi?
- Je sais pas. Il me plaisait pas autant que maintenant.
- C'est une des premières choses que tu m'as dite pourtant, au tout début. Que tu trouvais mon sourire sexy!
- Je radote alors?
- Apparemment.
- Non, mais. C'est pas possible. Il était différent. Avec cette bouche, là, on dirait...
- ...
- ...on dirait...une fille de la télé!
- Hahahahaha!
- Une présentatrice, comment elle s'appelle déjà....raah, je regarde jamais la télé....mais c'est une des rares assez jolie...
- Ah bon?
- Et tes yeux, ils ont changé aussi....ils sont plus....
- Plus quoi?
- Hmmm...c'est pas les mêmes, tu vois bien! Ils sont moins...
- ....moins tristes?
- C'est peut-être ça...

Des insignifiances

J'avais dit que je les posterais pour exorciser.
Voici les fœtus de mes remous internes, les fausses couches de mes élans à l'expression.
Maintenant qu'ils sont là, à la vue de tous, leur existence prend vie.
Et fin dans un même temps.
Et ça soulage.


08/07/14
J'ai des milliers de je t'aime qui se perdent en mes oreilles internes.
C'est bizarre de ressentir simultanément ces "je suis tellement bien comme je suis" et ces "il me manque terriblement".

24/07/14
-Il est comment ton copain, Anne?
- Il est beau.

Long silence à la tablée familiale.

- Alléluia!

29/07/14
Tu l'appelais princesse aussi.
Lorsque j'ai vu ce terme défiler dans tes textes de jeunesse, je n'ai pas pu m'empêcher de ronchonner un peu quant à la redondance. Tu m'as dit, c'est rare que j'appelle quelqu'un comme ça.

Effectivement, ça l'était. Tu l'appelais princesse aussi. La seule fille à qui tu penses encore, pour qui il te reste des regrets. Qui sait, tu la confondais peut-être avec moi.

lundi 11 août 2014

Comme un voeu à l'étoile

Une embuscade.

Après m'être enfoncée au fin fond du trou paumé de la ville et avoir monté les deux étages du bâtiment, j'entends l'aspirateur gronder de l'autre côté de la porte. Étrange, vu que l'après-midi jeux tant vantée aurait déjà dû commencer une heure et demi plus tôt. J'entre. Nous sommes bien seuls. Deux sur cinq. Les survivants. Pas d'argentin. Pas d'ami joueur de go. Lâchement abandonnés à notre sort. Pour couronner le tout, c'est eux qui devaient amener la plupart du matériel. Nos amis communs étant ceux qui ne sont pas venus nous nous retrouvons donc à deux inconnus, avec trois pauvres jeux, et tout le temps pour apprendre à se rencontrer.

Un mariage arrangé?

Come on. Qu'est-ce que c'est que ce bazar. Au fond de moi, je suis en colère. A l'extérieur, ça me fait rire, ces situations burlesques. Mais quand même. Je suis sûre que son excuse pour ne pas être là, elle était bidon. Et forcément, je ramène tout à moi. Je pense qu'il n'était pas au courant, qu'il n'avait pas envie de me voir, me donner de faux espoir, ou même qu'il était en meilleure compagnie ailleurs. Ailleurs.

Petits pincements au cœur.

Pas si grave, il y avait du pain d'épices maison pour me consoler. Et croyez-le ou non, cette après-midi jeux s'est transformée en condensé de souhaits formulés à la Terre et exaucés dans l'instant présent. Après des parties endiablées de Carcassonne, vers les vingt heures, sa couchsurfeuse italienne est arrivée. Nous avons commandé une pizza et pris la route direction la mer. Tout au bout des roches blanches, guidés par une lune pratiquement pleine, observer les perséides. Peine perdue, l'astre nocturne rayonnait trop puissamment. Dans ce ciel encore éclairé, une étoile filante, seulement. Elle fait écho à la première de la saison qui s'est révélée à moi, cette soirée là. Quand je lui avais avoué que je ne m'étais jamais allongée sur ma terrasse de la sorte, il m'avait demandé s'il y avait d'autres choses que j'aurais eu envie de faire, comme ça. Je lui avais répondu, monter sur mon toit. On s'était promis. Comme un vœu à l'étoile. Qu'un jour, on irait les regarder ensemble du haut de la ville.

Pas d'étoiles filantes cette nuit, mais un bout d'arc-en-ciel lunaire.
Ce n'était peut-être qu'un halo assez lointain et large pour faire illusion.
Mais on a encore le droit de croire en la possibilité que l'on préfère.

Finalement, je me suis laissé embarquer par le maître de maison et son invitée italienne, pour une randonnée au pied levé jusque dans les cimes. On m'a prêté des chaussures de marche, et même si elles n'étaient pas vraiment à ma taille, c'était la première fois. Que j'allais dans les bois, les collines, les rochers avec des chaussures adaptées. Renaissance. Extase de pouvoir avancer légère, en confiance avec un appui réel, une prise dans le sol. Soudain, j'avais des ailes, je gambadais devant. C'était si facile! Moi qui aimais tant marcher, mais qui n'étais jamais à l'aise dans les conditions requises. Je l'étais. Cette fois-ci, je l'étais. J'avais bien moins peur des descentes. J'escaladais avec plaisir, sans craindre la semelle glissante. C'est là que je me rends compte que ce n'était pas une question de compétence chez moi, mais d'outil. Et les barrières, elles n'étaient que matérielles. Perchée sur la roche, au sommet, et le vent transperçant ma peau humide, j'avais cette vue à 360 degrés sur l'horizon. La mer en face, et toutes ces petites îles mystérieuses qui se forment. Je repensais inévitablement à l'argentin et moi face à la mer, à moitié nus sur les rochers, lui s'exclamant en pointant du doigt un lointain carré "je veux grimper sur ce chateau, là" "la dernière fois je suis allé le visiter mais il n'était pas accessible, il faut l'escalader. Viens Anne, allons passer la nuit là-bas, allons escalader le château fort!". Il me demandait souvent si j'aimais escalader. Si je voulais bien monter avec lui. Je croyais pourtant que c'était pas mon truc, tout ça.

C'est con. On parlait de tout un tas de projets. Mon petit potager et la permaculture. Quand je suis rentrée chez moi aujourd'hui, les jardinières et clôtures en bois venaient d'être livrées. C'était une après-midi jeux mais c'est qu'on avait un jeu rien qu'à nous à inventer et construire ensemble. On venait à peine de commencer. Et l'Italie, je ne fais que croiser des italiennes et des lieux de séjours qui s'ouvrent à moi mais, je voulais partir avec lui.

Je voulais partir avec lui.

Mes vœux s'exaucent peu à peu.
Reste le facteur manquant.
Celui qui fait qu'on s'en réjouit qu'à moitié.
Mes vœux s'exaucent mais ne se partagent jamais vraiment.

Des vœux à partager...
Est-ce que c'est pour moi?

Ne devrais-je pas me réjouir de ce que j'ai déjà?


Blackbird by Brad Mehldau on Grooveshark

vendredi 8 août 2014

Renaître encore

Ciel bleu sur ma terrasse.
Douce chaleur, mes fleurs ont éclos et grandi en mon absence.

Je viens de recevoir un appel d'un numéro inconnu. Un ami de l'argentin qui m'invite à une de leurs après-midi jeux demain. On sera cinq. Il sera là. Comme ce dernier ne leur a pas dit qu'on était ensemble (bien que la dernière fois, ils l'aient sûrement deviné), il ne leur a certainement pas dit non plus qu'on s'était séparés.

Ce n'est pas grave.
Ça me fera plaisir de le revoir en petit comité, comme ça.

J'essaie de ne pas penser à l'éventualité qu'il soit l'instigateur de cette invitation.
Tout à l'heure, dans une fin de journée ensoleillée, mes pas me dirigeaient vers ses endroits, le chercher du regard. Croiser des vélos et imaginer, une seconde, qu'il serait là. Que nos routes se croiseraient une nouvelle fois.

Je me suis sermonnée.
"Anne, tu n'as besoin de personne pour te sentir vivre. Tu n'as pas besoin de croiser qui que ce soit pour donner à ce jour un sens."
Cette nécessité d'agir en fonction de me déraisonne.

Alors j'ai avancé.
Les yeux droit devant.

Peut-être que le but aujourd'hui, c'est d'agir pour soi-même.
Je pensais avoir passé cette étape il y a fort longtemps.
Mais j'ai probablement oublié comment on faisait, depuis le temps.

Dans cette forêt, je ne l'ai pas évoqué de la semaine.
Quelques minutes seulement sur le trajet retour.
Je savais bien que de retour chez moi, ses affaires encore à la maison, je n'y échapperais pas.

Mais ça va.
Je n'ai pas envie de me laisser aller à la déprime.

Alors à la place, je récure. Je range, je frotte. Je mets de l'ordre dans ma vie et dans mes pensées.
Dans ma boite aux lettres, des petits cadeaux de l'existence.
Dans ma boite mail, l'éditeur qui écrit que le rendu sonore et visuel est au delà de toutes ses espérances. Des sourires.
J'en ai abandonné quelques-unes moi, des espérances.
Pour la bonne cause.

J'ai tous ces articles qui parlent de lui, commencés et jamais finis.
Je pensais avoir tout le temps de les écrire. Parce que cette histoire, malgré les contextes, elle était faite pour durer. Pour moi. Seulement pour moi.
Je vais les poster en vrac.
Comme ça j'aurai également fait le ménage en ma mémoire.
Mes brouillons ne seront plus hantés par son fantôme et je pourrai tirer un trait sur les aléas.
Renaître.
Et renaître.
Et renaître encore.

vendredi 1 août 2014

J'suis toute nue sous mon pull, etc.

Dernière ligne droite avant le départ.
Une semaine dans la forêt, où il m'est donné de faire un travail spirituel dans le service aux autres.
Dernière ligne droite sur ma terrasse alors que la nuit tombe doucement.
Je me sens confiante.

J'ai du mal à penser que tout ça soit un hasard, que mon histoire se termine juste avant ce départ là.
Et comme ce voyage, prévu des mois à l'avance, ne peut être qu'une initiative positive, je conclus que ce qui le précède et ce qui en découle également. Si tout ça, ce n'est que du positif... Je n'ai plus qu'à me réjouir!

Depuis quelques temps, je cicatrice vite.

Je vois les choses autrement, aussi.
Elles ne sont plus autant ces coups de poignard assénés dans le ventre, alors que mes bras étaient grands ouverts, prêts à accueillir.
Je comprends l'amour à travers les épreuves.
La bienveillance de la vie qui, de concert avec mon moi profond, souhaite m'aider à grandir.

Et quand c'est un peu difficile, je m'arrête.
Un instant, je bois un thé, m'accorde une douceur.

Sous ma petite robe, pour aller à la boulangerie, j'étais toute nue.
J'étais toute nue face à l'autre, et je n'avais pas peur.
Sans filet.
Sans protection.

Sans menace ni danger.

C'est peut-être ça au fond.
Pourquoi avoir si peur de se découvrir?

Dans tous les sens du terme, bien évidemment.

Je voulais aussi remercier les personnes qui passaient par là.
Vous avez des mots qui ressemblent à de l'amitié.
On ne se connait pas. Le réconfort, la bienveillance gratuite, comme ça, je ne sais pas ce que ça vaut.
Mais je le sens.

Ce sont mes petits trésors à moi.

Une vie de merde oui, mais une belle vie de merde

J'aurais dû comprendre ce qui m'attendait lorsque dans les escalators ce papi s'est tourné vers moi, me lancer avec un visage lumineux :

- La vie est belle!

J'aurais dû le comprendre, avec toutes ces personnes dans la rue et leurs phrases positives et encourageantes sur mon sourire, ma beauté, ma façon d'être, comme ça, déposées en offrande à mes chevilles enflées.

J'aurais dû comprendre que ça allait être une journée de merde.

Mais j'ai rien vu venir.

Entre tous ces aller-retour pour rien, ces objets à rendre qui compriment les doigts, les chaussures bousillées par les rayons du vélo, le sac défoncé par le cambouis de la roue arrière, le résultat du dépistage pas entièrement clean et mes règles proches anéantissant ma capacité à encaisser les aléas, je pensais pas qu'il choisirait ce moment là. A l'ombre d'un parc, après avoir posé ses doigts d'une bienveillance sans borne le long de mon échine rouillée, pour me quitter. Pour m'annoncer que ça fonctionnait pas. Vous savez, les termes du contrat. Qu'ils n'avaient pas changé de son côté. Qu'il avait toujours autant besoin de légèreté, d'une relation qui coule. Et qu'avec moi, c'était rugueux. Ça frottait. Qu'il ne voulait pas ça. Pas aujourd'hui, ni dans ces conditions là. Qu'il ne voulait pas se forcer.

Il m'a posé tout ça comme un doute, une question m'étant adressée. Qu'est-ce qu'on fait, Anne?
- Fais ce que tu penses être bon pour toi.
Évidemment.

C'est vrai qu'il se forçait de temps en temps.
Pourquoi faisait-il ça?
Il disait souvent qu'il y avait un décalage entre lui et moi. Dans les attentes, la manière d'envisager une relation, c'est sûr. Dans la façon d'aimer. Qu'il lui fallait en moyenne un an et demi pour tomber amoureux. On en riait. On s'en moquait, parfois. Mais il disait aussi qu'il n'avait jamais ressenti autant d'intensité avec quelqu'un. Ce genre d'alchimie là. Il disait qu'il commençait à y avoir une fissure dans le grand mur qu'il s'était forgé. Que si je regardais au travers, je serais sans doute satisfaite de ce qui se tramait derrière. Il disait que ça ne le dérangeait plus tant que ça, si on devait tomber amoureux. Il disait que bien qu'il ait peur de ne pas avoir fini son deuil, qu'il craigne ce que cela implique, il avait envie de partir en voyage avec moi. Qu'il avait envie de me découvrir. Que je l'intéressais. Que je le fascinais. Que je l'attirais. Que je lui faisais peur.

J'ai un peu pleuré dans ses bras.
Environ un dixième de mes larmes retenues.
Puis, doucement, nous sommes rentrés côte à côte. Un vélo entre nous.
On a fait quelques blagues sur le trajet.
Et quand on parlait pas, je me mordais les lèvres.

On s'est dit au revoir à un carrefour.
Il m'a dit "prends soin de toi".
J'ai eu envie de marcher, au lieu de prendre le métro.
Au bout d'un moment, je me suis rendu compte qu'on avait pris la même route, et que je le voyais s'éloigner dans la circulation, petit à petit.
Je me suis arrêtée à un escalier, y faire dévaler mes lourds sanglots.
Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi c'était si lourd.

Parce que j'y ai cru?
Parce que je ne m'y attendais pas?
Que je croyais avoir encore le temps de faire émerger ce qui était important à l'histoire?
Que je le trouvais parfait pour mes déboires? Qu'on avait les mêmes valeurs, mêmes manières d'aborder la vie? Qu'il me plaisait? Qu'il me faisait plus rire que n'importe qui?

La veille, je lui avais confié "je crois que j'ai peur que tu me laisses".

Et puis, on s'était vus quatre jours d'affilées. Un record pour lui.
Il avait été là quand je n'allais pas bien. En fait, il me guettait. Il n'était pas endormi quand il m'a serrée fort pour sécher mes larmes, l'autre nuit.
C'était trop, sûrement.

En mon esprit, une voix s'est mise à parler.

D'où elle vient, cette peine?
T'appartient-elle réellement?
Appartient-elle au contexte?
Est-ce qu'elle existe, au moins?

Je me rappelle dans le parc, entre deux larmes essuyées sur son bras, il m'avait sorti assez naïvement :
- C'est si grave que ça?

Non, c'est pas si grave.
D'ailleurs en fait, c'est pas grave.
Ça peut faire mal quand on décide de rouvrir des blessures. D'assimiler une situation à ce qui nous arrive régulièrement et faire des conclusions dramatiques sur la fatalité du destin. De croire qu'on n'arrivera jamais à passer le cap d'un truc bien et que c'est pas pour nous, le bonheur.

Mais Anne, c'était pas ce que t'avais demandé?

Dans une de tes prières d'il y a quelques jours, t'avais pas remercié de vivre ces émotions de crainte de l'abandon, du rejet, de la solitude que tu découvrais émerger en toi et que tu souhaitais ardemment travailler, mettre à rude épreuve? T'avais pas demandé la permission et les occasions de progresser dans ce travail là?
Ce n'est pas exactement ce qu'il se passe?
Ce n'est pas ici, l'occasion?

Ce n'est pas ce que tu as voulu, au plus profond?
Pas qu'on te quitte, non. Mais que tu puisses te libérer de ces émotions là qui t'entravent.
Ok. D'où elles viennent? Pourquoi sont-elles là?
Sont-elles nécessaires à quoi que ce soit? Sont-elles justifiées?
D'ailleurs, as-tu encore besoin ou envie de pleurer sur ton sort?

Non.

D'accord.

Une chiure de pigeon tombe pile à mes pieds.
Je crois que le moment est choisi de se relever.

Une fois rentrée, je ferai un grand ménage. Donner de la place à mon esprit, pour respirer. J'appellerai mon ami joueur de tablas, et on ira chanter des bols face à la mer pendant des heures. Chez moi, je lui lirai des Calvin & Hobbes à haute voix, et on se marrera comme des enfants en mangeant des graines. Il kiffera grave ma cuisine et ça me fera chaud au cœur. Finalement, je me coucherai assez apaisée et le matin, j'ouvrirai les yeux émerveillée par mes rêves de feux d'artifice.

Oui, j'aurais dû comprendre ce qui m'attendait.

J'aurais dû comprendre ce qui m'attendait lorsque dans les escalators ce papi s'est tourné vers moi, me lancer avec un visage lumineux :

- La vie est belle!