dimanche 23 octobre 2022

Comme une herbe folle qui craquèle le béton par la rage de vivre

Je ne sais même pas si j'ai le droit d'être en colère. Si cette boule au ventre, elle a la légitimité de sa place. Je ne sais pas parce que comme d'habitude, tu ne donnes pas de nouvelles. Je n'ai ni les éléments, ni les informations. Je n'ai rien sur quoi baser un quelconque jugement. Juste, cette boule, qui grandit, devient lourde et amère au fur et à mesure que les chemins se desserrent, que les intentions se désengagent d'une direction semblable.

Je ne comprends décidément pas comment tu fonctionnes.
J'avais l'impression que ce qu'on a vécu là, c'était un peu magique. Et que, malgré les emplois du temps chargés, on restait toujours à une seule rue d'écart. J'aurais cru, comme moi, que l'envie de me serrer aurait été plus forte, j'aurais pensé que t'aurais cherché à capter mon sourire l'espace de cinq minutes, le temps d'un café, l'instant d'un regard échangé, plutôt que le silence.

Le lendemain par message, après avoir compris mon enthousiasme, tu m'écrivais "ouf, j'ai réussi mon audition". C'est dingue. C'est comme si tout ce temps t'avais préparé ton entretien d'embauche pour ce poste dans mon coeur. Et qu'une fois les délibérations établies et ta place approuvée, tu ne te présentais pas sur ton nouveau lieu de travail.

Je ne te comprends pas mais je veux te demander, pourquoi tu es toujours si impliqué, puis tu disparais. Pourquoi c'est si fort à chaque fois et que naturellement, ça ne te vient pas à l'esprit d'entretenir ce lien. Je ne comprends rien. Je suis si bouleversée. A chaque fois. Tu retournes ma vie, tu laboures mon quotidien. Puis tu me laisses en jachère. T'as méticuleusement tout mis en place pour que ça marche, puis tu te casses comme si c'était pas toi qui l'avait demandé. Comme si c'était pas utile, que t'en voulais pas.

En fait, je percute pas comment ce qu'on a vécu tous les deux ce soir là n'a pas créé l'envie en toi.
A peine quitté, ton corps en transit en salle d'embarquement, tu m'écrivais : "Moi aussi je voyage avec un goût de reviens-y."
Et depuis, c'est comme si tu n'étais jamais rentré.
Tes mots prononcent "à bientôt" comme s'ils voulaient dire "au revoir".

Et moi, en t'attendant, je suis défaite. Décomposée. Je suis si lente à démarrer. Si difficile à freiner par la suite. T'as fait tout ce chemin pour me cueillir mais t'en fais rien et ça me rend barge.

Je ne comprends pas, il n'y a rien de cohérent dans tes attitudes. Quel est le sens ? Et tous tes mots...
Pourquoi ?
Pourquoi tu me fais ça ?
C'est si cruel.

Je n'arrive plus à fonctionner correctement.
Tu débarques comme une fleur, juste le temps de ranimer mon coeur. Et tu le piétines.
A l'intérieur, si tu savais le massacre que tu es en train de commettre. Je t'en veux. Tu m'as fait ça à chaque fois. Pourquoi. Pourquoi tu t'acharnes sur moi de la sorte. Pourquoi tu m'as pas laissée tranquille ? Après toutes ces années à tenter d'effacer les marques de ta lumière en mes souvenirs, tu reviens une fois que j'ai bien fini le travail et encore une fois, tu le saccages ? Tu n'as donc aucun respect pour ce que je peux ressentir ? Tu crois qu'avec moi c'est du libre service ? Que c'est buffet à volonté ? Que tu peux tout prendre comme ça, parce que tu avais faim ?

Je suis si révoltée. Ton attitude insensible et inconséquente est en train de me créer de vrais traumatismes. Et en plus, je sais déjà comment ça se termine.

Je le sais déjà, parce que je l'ai vécu un million de fois. Tu vas réapparaitre de nulle part, ou par l'intermédiaire d'un de mes proches à qui tu vas demander de mes nouvelles.Tu vas sommairement te justifier, en donnant des explications claires qui font sens, puis tu feras réopérer la magie d'une rencontre avec tes mots, tes actions et pensées éclatantes. Alors, je te pardonnerai. Parce que toi en face, il m'est impossible de croire en ta nuisance. Et comme à chaque fois, après toutes ces choses en moi que t'auras fait briller, naitra l'espoir. Et avec, l'envie d'assister tous les jour au miracle de ton existence. Comme si, c'était la seule chose pour laquelle j'étais faite. Envers et contre tout ton poison, tes disettes et ton égocentrisme. Tant pis. Comme une herbe folle qui craquèle le béton par la rage de vivre, j'irai craqueler ton cœur par la rage de t'aimer. Et si ta carapace est trop solide, je n'aurai pas le choix. Je m'en irai mourir dans un coin d'obscurité, desséchée par tes promesses vaines et arides et ce sera la fin d'un souffle court.

vendredi 21 octobre 2022

Tu veux pas qu'on essaie ?

Je crois qu'il faut que je te parle. Que je te dise, ici, les choses.
Tu sais, c'est comme un vieux rêve qui se réalise. Quand je pensais à toi, à notre histoire, et que j'imaginais comment ça aurait pu se finir autrement. Tu serais revenu et tu m'aurais avoué "non mais en fait, c'est pas ce que tu crois". "En fait j'ai fui mais...c'est parce que je suis fou amoureux.". A chaque fois, je réinterprétais tes gestes, me demandant "peut-être que...", "qu'en réalité...". Qu'en réalité, tu ressentais les mêmes choses que moi. Mais qu'on était juste cons. Et pas compétents en la matière. Intérieurement, j'avais ce fantasme du mec sûr de lui qui perdait ses moyens en ma présence. De l'artiste génial que j'intimidais. Un retournement de contexte. Je rêvais qu'un jour nos chemins se recroisent et que tu lances un "je ne t'ai jamais oubliée".

J'en rêvais, t'entends.
Ça a tourné en boucle en mon esprit des années durant.

Tu ne m'as pas dit : "Je ne t'ai jamais oubliée".
Tu m'as dit : "Je me souviens de tout."

Tout. Des motifs et de la texture de ma culotte la première fois que l'on a dormi dans le même lit, il y a 15 ans de cela. De chacune de mes phrases que tu m'as répétées mot pour mot, de mes postures, tu as refait mes gestuelles de mains, de mes habits, de mon style, de mes goûts, tu te souvenais de tout. Tu m'as dit : "tu ne peux pas savoir comme je t'ai hypersexualisée en mon esprit. J'ai un catalogue d'images de toi presque infini en moi.". Et quand je te demande le contenu de telles images tu me réponds :
"La fois où j'étais assis par terre et tu étais allongée sur mon lit, la tête à l'envers."
"La fois à la sortie du car en chemin vers la fac, tu marchais devant moi et on voyait ta nuque."
Et quand je réagis avec un "c'est tout ?", tu rétorques "c'était extrêmement marquant pour moi".

Alors j'ose t'avouer que c'était moi l'accroc. Que notre rencontre fortuite du premier soir, c'était une mascarade. C'était moi dans un élan de folie, qui avais orchestré le hasard. Quand tu me fais la remarque "t'avais un petit appétit à l'époque", je te réponds "non, j'étais juste amoureuse et tu me retournais le bide".

Tu es tombé des nues.
"- Tu aurais dû me le dire ! On serait sortis ensemble !
- Oui, mais ta copine...
- Il suffisait d'un geste, tu m'aurais cueilli.."

Et pendant que tu prononçais de vive voix tous les mots que j'avais façonnés un millier de fois en mon cerveau, j'essayais de rester calme. De me raisonner, me dire que c'est trop tard.

"- Tu n'as pas arrêté de me remballer. Tu te rappelles pas ? Tu me disais "ouiii mais Anne, toi il vaut mieux t'avoir en amie plutôt qu'en amoureuse parce que les amitiés, ça se garde."
- C'est parce que j'assumais pas, que j'essayais de me convaincre...
- Et quand ce soir là, on a dormi ensemble et qu'on s'est apporté de la tendresse toute la nuit, tu te souviens ? C'était magique, et toi qu'est-ce que tu as fait ? Tu as dormi seul par terre tous les soirs d'après !
- Mais c'est parce que je me suis senti tout honteux cette nuit là ! Tu ne te rappelles pas ? Le matin, au réveil, on était collés l'un à l'autre et je bandais. Et toi tu m'as dit, amusée "je crois que ça toque en bas" et j'ai eu si honte. Tu te rends pas compte comment je complexais vis à vis de ton expérience....moi je me sentais novice et tu me racontais toujours tes histoires qui avaient l'air incroyables...je me disais "wow, j'aimerais bien les vivre avec elle", mais j'avais peur de ne pas être à la hauteur. "

Je t'assure, tu l'as été. Tu as été bien plus capable que le toi de mes fantaisies passées.
Tu disais que j'avais eu plein de phrases qui avaient impacté ta façon de penser le désir pendant longtemps mais tu vois, ce qu'on a fait toi et moi la dernière fois, 15 ans après...pour moi, c'était mémorable. J'avais même pas réussi à concevoir en mon imaginaire la force de ta sensualité. Je pensais que tu pouvais être doux, certes, mais d'une tendresse rigide. Je n'aurais pas cru à ta chaleur, à la fluidité de tes gestes, je n'aurais pas cru en la persistance de ton désir. En ce courage que tu auras déployé, cette fois-ci, au lieu de fuir, pour me dire les choses, toi, pour m'exprimer avec respect tes envies, pour me demander, avec pudeur, si tu pouvais toucher mon bras. Je ne pouvais pas imaginer comme tu t'emballes, et tes lèvres sur ma peau qui me scellent à toi, je ne pouvais pas croire en tes yeux d'un bleu effronté qui me fixent avec candeur, mes cheveux sur ton visage, comme une cabane qui nous abrite de la lumière. J'ai encore la sensation de tes mains qui me serrent. Je ressens encore tes cris. Je les sens en moi. Je l'écris ici mais je ne pourrais pas exprimer à quel point je n'y croyais pas.

Au réveil non plus, je n'y croyais pas. Même si tu étais resté blotti contre moi durant ton sommeil.
C'est sur, c'est moi qui vais me souvenir, cette fois.

Je ne sais pas si on attend les mêmes choses.
Avant qu'on s'élance, t'as ajouté : "sois mon amie".
Un peu rude, en vertu de tout le reste.
Alors, j'ai aussi conscience que tu m'as dit qu'avant de pouvoir faire l'amour à quelqu'un, t'avais besoin de la considérer comme ton amie. Mais, et si, pour une fois, on décidait d'arrêter de se tromper de message ?
Je ne sais pas si je souhaite encore te faire croire que je peux juste être ton amie. En toute sincérité, c'était si fort, si complet, ça ravive tellement les sentiments en ma mémoire que je ne pense pas tenir très longtemps sans tomber dedans à pleine vitesse, avec tout ce que j'ai, sans protection face à la douleur. Je ne pense pas pouvoir faire semblant, faire genre ça m'atteint pas et je suis au dessus du reste.  Genre je gère, t'inquiète.

Je gère rien du tout, moi. T'as fracassé en un coup toutes mes barrières et tu m'as fait me sentir comme une petite fille en ta présence. Et maintenant que t'as dans la main toutes mes faiblesses, tu vas en faire quoi ?

Ménage mon coeur, s'il te plait. Et respecte moi.
Allez, quand je te reverrai, je serai honnête. Je te dirai que ce dernier moment a été plus important que tu ne l'imagines. Je te dirai à quel point je te trouve incroyable. Et que si toi t'as jamais cessé de me désirer, moi je crois que je n'ai jamais cessé de t'aimer. Même si ça a été très dur de me l'avouer à moi-même. Aujourd'hui, j'ai peur certes. Parce que tu m'as fait du mal. Parce que j'ai la récurrence de la mauvaise expérience de toi qui disparais sans jamais donner de nouvelles. Et me rendre compte qu'on tient pas aux instants ni aux gens de la même manière. Mais je t'ai aussi entendu être à fond et impliqué dans des relations humaines. Je sais que tu peux le faire. Je me dis juste, aujourd'hui, on habite à une rue d'écart. Et enfin, tous les deux, en même temps, on est libres. Sans contraintes morales. Tu veux pas qu'on essaie ?
Tu sais, de tomber amoureux.

Enfin, pour ma part, je suis pas sûre d'avoir à faire beaucoup d'efforts.




mardi 18 octobre 2022

Soul eyes

C'est incroyable la vidéo. Elle fige le temps en mouvement, un drôle de paradoxe.
En mon esprit, ta colonne vertébrale, si droite, tes épaules, si larges pour un gamin de vingt six ans. Dodeliner comme un métronome sur ton clavier, tes bracelets, si imposants, tes mains si fines marteler violemment les notes. Ta nuque qu'on a envie de mordre et tes cheveux, mon dieu tes cheveux... Je m'en souviens, t'étais habillé comme ça tous les jours, comme un jeune clodo défoncé et ton t-shirt ample qui laissait entrevoir le dessin de tes omoplates, je me rappelle maintenant, pourquoi t'étais si sexy, et pourquoi j'avais autant de mal à respecter mes principes en ta présence.

J'avais tellement envie de faire l'amour à ton intelligence. Et t'agripper les cheveux.

C'est dur, ce que tu me fais. Revenir 15 ans après et me faire croire qu'on peut rattraper l'histoire.
Tu t'es jamais rendu compte de l'effet que tu avais sur moi. T'es en train d'ouvrir une faille temporelle de laquelle tu n'es pas prêt à recevoir le désir. Ce désir d'antan que je revis instantanément lorsque je revois les images de tes vingt ans.

Je ne dirai pas que tu n'as pas changé. Mais tout ça est bien vicieux. Tes gestes ont pris en assurance, tes doigts s'aventurent en confiance sur ma peau, toi qui tremblais tellement de te coller à moi. Toi qui n'as jamais osé faire le pas, tu m'embrasses le cou. Tu prononces les mots. Tu m'avoues "cette fois, je me suis dis que si j'avais envie de toi, je te le dirai'.". Tu n'as pas tourné autour du pot. Tu as remis le sujet sur la table plusieurs fois. Après tout, maintenant, tu es un homme.

Et depuis que j'ai commencé à écrire ce texte, je soupire à chaque phrase. Comme s'il fallait encaisser chaque image rémanente de ton corps, et les sensations folles de la douceur de tes caresses mêlée à la puissance de ton envie de pétrir. C'est un dosage parfait que je n'ai cessé de chercher en les autres et toi t'es là, t'arrives comme le poil dans la soupe de toutes mes bonnes résolutions et tu me redonnes le goût de la sensualité.

De toute façon, t'as toujours eu le don pour me redonner goût aux choses.
Pitié, cette fois-ci, ne t'en vas pas.

lundi 17 octobre 2022

Pour voir si les couleurs d'origine peuvent revenir

C'est lui-même qui m'a conseillé d'écrire.
Que si je voulais laisser quelque part une trace de ma visite sur Terre, les mots étaient l'un des moyens les plus accessibles de transmission.

En ce moment, ma vie se résume à dénouer des histoires qui débutent il y a 15 ans.
Je ne sais pas si la vie fonctionne par cycles, ou par périodes. Pourquoi maintenant ? Pourquoi tout me ramène à mes 20 ans si férocement ?

J'aurais pu penser en vue des circonstances que j'étais nulle pour interpréter les réelles intentions des gens. Mais en y réfléchissant une seconde fois, je pense plutôt que j'ai eu plus souvent que la moyenne en face des gens impossibles à interpréter. Des gens avec des cerveaux différents, des systèmes de pensée marginaux et que malgré mes efforts, il ne suffisait pas de toute la sincérité du monde pour comprendre leurs réactions, au delà de ma portée intellectuelle et émotionnelle.

C'est comme ça. J'ai rien pité à rien toute ma jeunesse. Ni à leurs mots, ni à leurs gestes, ni à leurs va-et-viens constants, leurs "oui, non, peut-être". M'en suis fait des cheveux blancs à tenter de remettre de l'ordre dans leurs logiques rocambolesques et maintenant que je relis les vieux textes avec désormais la traduction à mes côtés je me dis qu' "à côté", c'est vraiment le terme. Toute ma vie à passer à côté. De si peu pourtant. Il aurait suffit de vraiment rien, parfois, pour faire basculer les histoires.

J'ai relu des pages et des pages de frustrations d'actes manqués, d'erreurs de timing, d'envies qui se côtoient sans jamais se croiser. La déception d'espoirs qui venaient s'échouer et mourir dans le néant de l'attente. Une lecture assez amère, en somme.

15 ans plus tard, que valent les liens qui se renouent ? Que valent les "et si ?"
Faut-il se donner la peine de répondre à des questions si anciennes lorsqu'elles se rappellent à nous ?

J'ai peur d'avoir mal.
Les sentiments d'avant. Tout était puissant et intense, parce qu'on a la force de la jeunesse avec nous et la furieuse envie de brûler nos années sous le totem de l'expérience.

Mais ces sentiments d'avant avec ce coeur d'aujourdhui. Est-ce que c'est bien raisonnable ? Est-ce que ça ne va pas davantage l'user qu'autre chose ? Est-il encore apte, ce coeur craquelé, à contenir la fougue des amours de jadis ?

Je ne veux pas finir la course à bout de souffle.
Même si je ne serai pas contre retrouver quelques couleurs.