vendredi 21 octobre 2022

Tu veux pas qu'on essaie ?

Je crois qu'il faut que je te parle. Que je te dise, ici, les choses.
Tu sais, c'est comme un vieux rêve qui se réalise. Quand je pensais à toi, à notre histoire, et que j'imaginais comment ça aurait pu se finir autrement. Tu serais revenu et tu m'aurais avoué "non mais en fait, c'est pas ce que tu crois". "En fait j'ai fui mais...c'est parce que je suis fou amoureux.". A chaque fois, je réinterprétais tes gestes, me demandant "peut-être que...", "qu'en réalité...". Qu'en réalité, tu ressentais les mêmes choses que moi. Mais qu'on était juste cons. Et pas compétents en la matière. Intérieurement, j'avais ce fantasme du mec sûr de lui qui perdait ses moyens en ma présence. De l'artiste génial que j'intimidais. Un retournement de contexte. Je rêvais qu'un jour nos chemins se recroisent et que tu lances un "je ne t'ai jamais oubliée".

J'en rêvais, t'entends.
Ça a tourné en boucle en mon esprit des années durant.

Tu ne m'as pas dit : "Je ne t'ai jamais oubliée".
Tu m'as dit : "Je me souviens de tout."

Tout. Des motifs et de la texture de ma culotte la première fois que l'on a dormi dans le même lit, il y a 15 ans de cela. De chacune de mes phrases que tu m'as répétées mot pour mot, de mes postures, tu as refait mes gestuelles de mains, de mes habits, de mon style, de mes goûts, tu te souvenais de tout. Tu m'as dit : "tu ne peux pas savoir comme je t'ai hypersexualisée en mon esprit. J'ai un catalogue d'images de toi presque infini en moi.". Et quand je te demande le contenu de telles images tu me réponds :
"La fois où j'étais assis par terre et tu étais allongée sur mon lit, la tête à l'envers."
"La fois à la sortie du car en chemin vers la fac, tu marchais devant moi et on voyait ta nuque."
Et quand je réagis avec un "c'est tout ?", tu rétorques "c'était extrêmement marquant pour moi".

Alors j'ose t'avouer que c'était moi l'accroc. Que notre rencontre fortuite du premier soir, c'était une mascarade. C'était moi dans un élan de folie, qui avais orchestré le hasard. Quand tu me fais la remarque "t'avais un petit appétit à l'époque", je te réponds "non, j'étais juste amoureuse et tu me retournais le bide".

Tu es tombé des nues.
"- Tu aurais dû me le dire ! On serait sortis ensemble !
- Oui, mais ta copine...
- Il suffisait d'un geste, tu m'aurais cueilli.."

Et pendant que tu prononçais de vive voix tous les mots que j'avais façonnés un millier de fois en mon cerveau, j'essayais de rester calme. De me raisonner, me dire que c'est trop tard.

"- Tu n'as pas arrêté de me remballer. Tu te rappelles pas ? Tu me disais "ouiii mais Anne, toi il vaut mieux t'avoir en amie plutôt qu'en amoureuse parce que les amitiés, ça se garde."
- C'est parce que j'assumais pas, que j'essayais de me convaincre...
- Et quand ce soir là, on a dormi ensemble et qu'on s'est apporté de la tendresse toute la nuit, tu te souviens ? C'était magique, et toi qu'est-ce que tu as fait ? Tu as dormi seul par terre tous les soirs d'après !
- Mais c'est parce que je me suis senti tout honteux cette nuit là ! Tu ne te rappelles pas ? Le matin, au réveil, on était collés l'un à l'autre et je bandais. Et toi tu m'as dit, amusée "je crois que ça toque en bas" et j'ai eu si honte. Tu te rends pas compte comment je complexais vis à vis de ton expérience....moi je me sentais novice et tu me racontais toujours tes histoires qui avaient l'air incroyables...je me disais "wow, j'aimerais bien les vivre avec elle", mais j'avais peur de ne pas être à la hauteur. "

Je t'assure, tu l'as été. Tu as été bien plus capable que le toi de mes fantaisies passées.
Tu disais que j'avais eu plein de phrases qui avaient impacté ta façon de penser le désir pendant longtemps mais tu vois, ce qu'on a fait toi et moi la dernière fois, 15 ans après...pour moi, c'était mémorable. J'avais même pas réussi à concevoir en mon imaginaire la force de ta sensualité. Je pensais que tu pouvais être doux, certes, mais d'une tendresse rigide. Je n'aurais pas cru à ta chaleur, à la fluidité de tes gestes, je n'aurais pas cru en la persistance de ton désir. En ce courage que tu auras déployé, cette fois-ci, au lieu de fuir, pour me dire les choses, toi, pour m'exprimer avec respect tes envies, pour me demander, avec pudeur, si tu pouvais toucher mon bras. Je ne pouvais pas imaginer comme tu t'emballes, et tes lèvres sur ma peau qui me scellent à toi, je ne pouvais pas croire en tes yeux d'un bleu effronté qui me fixent avec candeur, mes cheveux sur ton visage, comme une cabane qui nous abrite de la lumière. J'ai encore la sensation de tes mains qui me serrent. Je ressens encore tes cris. Je les sens en moi. Je l'écris ici mais je ne pourrais pas exprimer à quel point je n'y croyais pas.

Au réveil non plus, je n'y croyais pas. Même si tu étais resté blotti contre moi durant ton sommeil.
C'est sur, c'est moi qui vais me souvenir, cette fois.

Je ne sais pas si on attend les mêmes choses.
Avant qu'on s'élance, t'as ajouté : "sois mon amie".
Un peu rude, en vertu de tout le reste.
Alors, j'ai aussi conscience que tu m'as dit qu'avant de pouvoir faire l'amour à quelqu'un, t'avais besoin de la considérer comme ton amie. Mais, et si, pour une fois, on décidait d'arrêter de se tromper de message ?
Je ne sais pas si je souhaite encore te faire croire que je peux juste être ton amie. En toute sincérité, c'était si fort, si complet, ça ravive tellement les sentiments en ma mémoire que je ne pense pas tenir très longtemps sans tomber dedans à pleine vitesse, avec tout ce que j'ai, sans protection face à la douleur. Je ne pense pas pouvoir faire semblant, faire genre ça m'atteint pas et je suis au dessus du reste.  Genre je gère, t'inquiète.

Je gère rien du tout, moi. T'as fracassé en un coup toutes mes barrières et tu m'as fait me sentir comme une petite fille en ta présence. Et maintenant que t'as dans la main toutes mes faiblesses, tu vas en faire quoi ?

Ménage mon coeur, s'il te plait. Et respecte moi.
Allez, quand je te reverrai, je serai honnête. Je te dirai que ce dernier moment a été plus important que tu ne l'imagines. Je te dirai à quel point je te trouve incroyable. Et que si toi t'as jamais cessé de me désirer, moi je crois que je n'ai jamais cessé de t'aimer. Même si ça a été très dur de me l'avouer à moi-même. Aujourd'hui, j'ai peur certes. Parce que tu m'as fait du mal. Parce que j'ai la récurrence de la mauvaise expérience de toi qui disparais sans jamais donner de nouvelles. Et me rendre compte qu'on tient pas aux instants ni aux gens de la même manière. Mais je t'ai aussi entendu être à fond et impliqué dans des relations humaines. Je sais que tu peux le faire. Je me dis juste, aujourd'hui, on habite à une rue d'écart. Et enfin, tous les deux, en même temps, on est libres. Sans contraintes morales. Tu veux pas qu'on essaie ?
Tu sais, de tomber amoureux.

Enfin, pour ma part, je suis pas sûre d'avoir à faire beaucoup d'efforts.




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Du temps à tuer?