dimanche 31 mars 2013

Viennent toquer en ma poitrine les rengaines majestueuses

J'écoute Schubert.

Ça me rappelle cette salle Ravel, le piano à queue et mes pieds nus dansant sur le plancher les yeux fermés. Le deuxième mouvement de la sonate numéro 19. Mon regard lorgnant au dessus de ses épaules et les octaves s'emballer avec ses doigts immenses.

C'était aussi mon inventeur d'énigmes qui aimait Schubert. Je me souviens des premières fois où il l'évoquait, tous les deux dans le garage aménagé en chambre de ma meilleure amie partie au Pérou le matin même. La lumière jaunie par une vieille lampe de chevet, il me disait qu'il s'identifiait parfois au compositeur. Il me le disait avec son air ailleurs, extraterrestre, comme toujours. Il me le disait alors qu'il faisait tourner un disque de Bach en fond sonore, des œuvres pour violoncelle ou contrebasse, je ne sais plus vraiment. On s'était endormis en parlant, l'un contre l'autre. C'est moi qui m'étais réveillé la première. J'avais alors pensé, c'est bien la première fois que je dors aussi confortablement le cou cassé sur le torse de quelqu'un.

Celui-là, c'était un homme né pour s'emboiter parfaitement avec mes songes.
Le corps moulé comme un oreiller aux plumes imaginaires.
Entre autres.

Schubert, c'est également un de ces impromptus présentés en concours. Le dernier notamment. Je suis repartie l'esprit ébahi avec une mention d'honneur et les félicitations du jury. C'était tellement inattendu et gratifiant qu'après ça j'ai arrêté les concours, je crois. Je ne comprenais pas la nécessité d'autant de stress pour un bout de papier, de toute façon.

Aujourd'hui, peut-être, je me sens davantage prête à confronter mon savoir-faire à des individus lambdas ou pas. Parce qu'il y a désormais une intention, une réflexion derrière.
Aujourd'hui, je sais pourquoi je joue.
Et que j'aime jouer.

Schubert, mon premier coup de cœur en cours de technique d'écoute. La jeune fille et la mort en ré mineur, second mouvement d'un quatuor à cordes qui s'installa à jamais en mes esgourdes. Celui là, et la Pavane pour une infante défunte de Ravel quelques mois plus tard. Les années fac. En vue du poids similaire des titres, j'aurais peut-être dû en déduire quelque chose.

Je ne sais rien de Schubert. Je n'ai rien appris de lui, encore moins retenu les leçons.
Je me contente d'écouter la liste entière des résultats de recherche Grooveshark, au hasard des rencontres musicales.
Néanmoins, je finis par reconnaître, les tubes de l'époque.
Cela me parle de plus en plus fort. Viennent toquer en ma poitrine les rengaines majestueuses. Elles m'émeuvent, me transportent. Sans effets spéciaux, ni feux d'artifices. Les yeux grands ouverts, la bouche grande ouverte. Les oreilles. Infiniment respectueuses.

Je suis tellement plus touchée par cette simplicité là.
Parce qu'elle n'est pas pauvre. Mais géniale.
Réduite à l'essence d'une mélodie.

Une mélodie comme celle-là, par exemple :

Piano Trio In E Flat, Op. 100 by Franz Schubert on Grooveshark

Cela me donne envie d'en bouffer au petit déjeuner, du Schubert. L'ingérer en entier. En saisir la profondeur, l'étendue, le centre.
Puis une fois digéré, l'esprit repus, m’atteler à la tâche.
Laisser s'échapper les airs de mon être qui ne demande qu'à s'ouvrir.

vendredi 29 mars 2013

Toi et moi prisonniers dans la cage de Faraday

Quand tu commences à porter le tee-shirt qui m'a servi de pyjama pour conserver mon odeur sur toi toute la journée, c'est qu'il se passe peut-être quelque chose, n'est-ce pas?
Quand tu m'envoies des messages pour me demander : "Hey, tu descends sur ********* ce weekend? Je te jure que si on se voit je le dirai à personne et on pourra toujours faire comme si on ne se voyait pas pendant deux semaines..." c'est que tu te languis, pas vrai?
Alors que ça fait juste trois jours.
Trois pauvres jours que t'es rentré dans ta caravane.

Je pensais que c'était moi qui m'emballais trop vite. Que je te regardais avec des yeux exagérément scintillants pour un mec qui à la base devait rimer à rien et avec rien. Et puis tu m'avais bien remise en place la dernière fois quand tu m'avais demandé si l'éventualité que tu couches avec d'autres filles était encore de rigueur pour moi, car pour toi elle l'était. Je pensais qu'avec toutes nos phrases déballées sur l'oreiller, tu avais compris. Que lorsque je t'avouais que j'étais en train de m'attacher et que j'en avais ma claque de ces relations pour du beurre, tu étais d'accord avec moi, puisque tu étais resté. Qu'il te fallait juste davantage de temps, nos rythmes de prises de conscience ne s'étant pas tout à fait accordés.

J'avais alors poussé un grand c'est dommage ce soir là.

Une résignation face aux cycles communs de la vie. Tu sais, les cruels jeux de suis-moi je te fuis et la parfaite synchronisation des timings ratés du cœur. Au début c'était toi l'emballé, je te plaisais comme pas possible et depuis bien trois ans et t'étais tout content qu'on puisse se rapprocher de quelque manière que ce soit, tu m'avais dit "j'aimerais bien essayer quelque chose avec toi" et je t'avais arrêté net en t'expliquant que nous deux c'était plutôt un accident, que je cherchais à tomber amoureuse et que tu me rappelais trop la situation avec mon garçon des étoiles (c'est à dire homme merveilleux, excellents rapports, mais pas suffisamment attirée pour éprouver plus que de l'infinie tendresse) pour que j'accepte de vivre en un temps si court deux fois la même histoire.

J'ai été franc jeu dès le départ parce que je ne voulais pas que tu te fasses de films, parce que la déception, les désillusions étaient ce que je ne souhaitais t'infliger pour rien au monde, au prix certes de quelques aveux sévères mais pas rudes ni secs, parce que j'ai du respect pour toi dans toute mon affection.

Puis je me suis surprise à te trouver beau.

A aimer ton corps et ton visage, malgré tous ces aspects qui sans me répugner ne me plaisaient pas pour autant. A être troublée pendant plusieurs minutes lorsque tu t'es subitement levé de ta chaise en pleine discussion embrasser mes lèvres au restaurant. Mes poils qui se hérissent dès que tu poses tes baisers sur ma peau, sans exception à la règle. Je me suis surprise à être émue lorsque je captais ton regard. Émue lorsque tu me serrais dans les bras plus fort que d'habitude. Comme si c'était important. Comme si chaque instant passé en ta présence ne devenait pas distrayant, mais mémorable.

J'avoue, j'ai en premier songé "oh oh, c'est embêtant".
Je ne voulais pas que ce soit toi.
Parce qu'au tout début, bien que je t'adorais en tant que personne, tu ne m'attirais pas.
Et que c'est pas bon signe. Et plutôt à l'opposé du coup de foudre.
Mais ça marchait, à mes dépends.
Pas à pas tu grignotais des parcelles de mon cœur, jusqu'à atteindre une autre profondeur d'émotion.
Je me suis dit, même si t'es pas parfait ni même celui que j'attendais, j'ai envie d'essayer moi aussi, parce qu'il se passe quelque chose. Que tu me rends sensible.

Évidemment, t'étais dépourvu en guise de réponse.

Avec tous mes doutes, mes refus précédemment exposés à ta tronche, tu savais plus sur quel pied danser. Et comme je suis quelqu'un qui ressent et réfléchit à plein régime, t'étais perdu par la vitesse à laquelle la roue tournait. La seule chose que tu as pu me concéder, c'est que tu avais peur.
De moi, notamment.
Qu'à force de t'en parler, ça ne t'avait qu'embrouillé l'esprit. Tu avais rajouté quelques barricades à ton fort intérieur pour encaisser le choc frontal de mes réflexions intimes. Je le comprends tout à fait.
Je sais que je n'ai pas été d'une grande aide, dans cette affaire.

Excuse-moi.

Maintenant, prions pour que nos deux temporalités sentimentales se rejoignent.
Que je ne me sois pas lassée de ta prudence lorsque tu auras enfin pris le courage de te jeter à l'eau.
Mettre un terme à ces situations qui se retournent et s'inversent. Inlassablement.

On a beau savoir comment cela fonctionne.
C'est pas la même histoire d'agir en conséquence.

samedi 23 mars 2013

Pourquoi pas

-"Désolé de te harceler mais c'est que tu commences à un peu me manquer..."

Il était tout doux ce dernier coup de fil. Je ne sais pas si je l'ai déjà entendu me dire que je lui manquais avant ce soir. C'est peut-être à cause de notre conversation sur l'oreiller de mercredi. Où j'ai pu lui confesser que mon excitation ne venait pas d'une envie globale et impersonnelle. Que j'avais pas envie de faire l'amour, mais de lui faire l'amour. Que c'était lui, l'instigateur de mes pulsions sauvages et passionnelles, que c'était le regarder, le sentir, le toucher, le savoir près de moi qui me mettait en émoi et que s'il n'était pas là, il n'y aurait pas à le remplacer. Parce que ce n'était pas un besoin qui venait de moi, mais bien lui qui le provoquait.

Ça l'a fait bander direct. J'ai trouvé ça tellement mignon. Qu'une déclaration en somme assez sentimentale le rende tout chose et l'emplisse de désir.
Cela prouve que le sexe est encore relié au cœur, malgré tout.

Alors je sais qu'il a peur de s'ouvrir. Surtout en face d'une fille qui ne craint pas de lui confier tous ses questionnements et doutes. Qu'il sache d'une manière si précise mes incertitudes ne doit pas franchement le rassurer. Et je ne suis pas en mesure de lui promettre quoi que ce soit. Le réconforter, lui dire que c'est le bon. Mais...

Je commence à envisager un covoiturage sur le trajet d'une existence commune. Peut-être. Pourquoi pas. On n'a pas le même âge, on n'en est pas au même point de notre vie, on n'en a pas les mêmes attentes alors oui c'est à première vue, pas forcément ce que j'aurais choisi à la base. Il voudrait prochainement un enfant alors que je n'ai pas encore trouvé ma propre stabilité intérieure. Il boit, il fume et se drogue occasionnellement alors que j'accorde une grande importance au corps sain pour avoir l'esprit qui suit et que mes expériences amoureuses passées avec l'alcool et la drogue ne m'ont pas laissée de marbre. Et la spiritualité, bien qu'il soit ouvert et indulgent vis à vis des idéologies d'autrui, il trempe pas du tout là dedans alors que c'est mon moteur, ce qui m'anime. Je m'étais dit, pour avoir vécu des situations assez extrêmes, que la prochaine fois je ferais attention à ce qui dès le départ ne correspondrait pas à mes valeurs, mes projets, mon mode de vie. Cela parait pourtant essentiel si on pense un temps soit peu sur une durée. Mais ce gars est tellement chouette. Et même pas une erreur de casting. Il a le coeur éblouissant, la générosité exemplaire. C'est si beau de savoir donner de la sorte. Que même lorsqu'il m'affirme qu'il a peur de s'ouvrir et qu'il met un tas de barrières j'ai du mal à croire à ce que j'entends en vue de ce qu'il m'offre déjà. Un être d'un amour absolu.

Tiens, c'est peut-être ce qui nous rapproche.

jeudi 21 mars 2013

Confessions intimes

"Je crois que je viens de passer environ onze heures assise sur le trône..."

Message suffisamment personnel pour être envoyé au mauvais destinataire, bien évidemment.

lundi 18 mars 2013

Ame sensible

Kidnapping immédiat dans le couloir d'entrée:
-"Tu es Anne, n'est-ce pas? Sa copine! On a beaucoup entendu parler de toi!"
Déjà, première nouvelle.
Je suis sa copine.

Apparemment.

Des bruits de couloir.

Ils sont tous plus âgés. Déguisés, et bourrés.
Ils ont leurs mômes qui dorment à l'étage.
Ils m'assurent tous que ce type là, ils le chérissent.
Même si je le leur ai pas demandé.

Ils nous regardent nous embrasser avec des sourires béats. Ils ont des perruques, des fleurs dans les cheveux et des "zob" au marqueur noir sur le front. Bonjour le public. Ils m'amènent tout content près de leur piano intégralement désaccordé, où le ré sonne plus haut que le ré dièse. Ils font des câlins collectifs, qui se transforment en catch collectif, qui se transforme en bataille de chantilly collective. Mais j'étais déjà sortie du local lorsque je croise le voisin à trois heures et demi du matin qui en plein raffut incroyable au lieu de se plaindre du bruit m'invite à boire un ti-punch chez lui.

Je vois mon saltimbanque de jongleur tituber pour la première fois.
Je le vois beau et mon cœur vaciller à m'en faire perdre l'équilibre, moi qui ne bois pas.
Je nous vois danser sans musique. Mal.
Mais heureux.

Et ses yeux qui brillent. Ma main qui serre son bras. Les concours débiles de celui qui tient sa jambe le plus tendu, le pied posé sur les poteaux des trottoirs. Ces tentatives pas furtives de se faire l'amour dans la rue, sans cesse interrompues par la ville animée du samedi soir. Et ça fait rire les gens.
Et même qu'on se marre bien aussi.

Puis.

Les discussions sous la pluie le vent le froid des abcès que l'on se devait de percer pour. Rien. Pour du beurre, parce que ça ne résout pas les situations, ça ne fait que les rendre plus intelligibles. Malgré tout, on se sent davantage perdu lorsqu'on a déballé son balluchon à conneries sentimentales et autres doutes affreusement inutiles et existentiels. Et maintenant?

Et maintenant.

Maintenant j'ai les bras qui s'ouvrent. L'émotion qui m'emplit lorsqu'ils se referment sur toi. Le regard attiré par ta chair, la bouche par ta peau tendre, et le temps qui s'oublie lorsque c'est le matin et que ton visage dors entre mes doigts. Je ne discerne plus tes dents sales et tordues. Je ne vois que ton sourire. Ça me fait l'effet d'un coup de soleil sur le cœur, sauf que j'ai jeté la crème protectrice. Parce que je veux pas prévenir plutôt que guérir. Parce que je veux brûler. D'une chaleur douce. D'un amour sincère.

Je m'éprends, t'entends?
Et parce que c'est de toi, c'est peut-être un cadeau.








jeudi 14 mars 2013

Je veux trembler

Dans mes rêves de cette nuit, j'entendais les premières notes de la contrebasse alors que je m’apprêtais à quitter pour de bon cette maison, puis le son d'une guitare électrique voluptueuse avant de reconnaître que le morceau joué par mon idole de chanteur juste là en face, c'était le mien. Comme une demande de pardon, reprendre mon refrain, à sa manière. Je trouvais son arrangement classieux et sensuel, envoûtant, complètement neuf. J'étais subjuguée. Émue par son geste, sa preuve de reconnaissance. Lui qui me disait en songe qu'il aurait aimé retrouver la fille drôle et spontanée des premières rencontres, celle qui l'avait vraiment perturbé, celle dont il était tombé amoureux.

Je fus sortie du sommeil par la sonnerie du réveil de mon jongleur saltimbanque, endormis tous deux dans la vieille chambre d'enfant de chez mes parents parce que la veille il avait oublié les clefs de notre logement d’appoint nommé. Moi qui ne voulais le présenter à personne.

Je l'avais prévenu, que j'allais m'attacher.
Entre deux croissants un beau matin de février en terrasse hivernale, je lui avais dit que même si physiquement il ne m'attirait pas plus que ça et que je voyais mal comment je pourrais réellement être habitée par la passion un jour, je finirais tôt ou tard par m'attacher.
M'attacher aux instants chaleureux.
A son être, fondamentalement bon et généreux.
Que je craignais de m'enticher d'un nous, alors que mon émoi pour lui n'avait pas les bases nécessaires pour grandir et s'épanouir.

Et dans son intelligence emplie de bon sens, il a compris.
C'est ce que j'adore chez lui. Qu'il tienne véritablement compte de mes propos. Sans les interpréter selon ses envies du moment. Qu'il entende, de ses deux oreilles bien ouvertes, ce que j'ai à lui offrir. Et ce que je ne peux lui donner.
Qu'il comprenne. Oui.

J'en arrive certainement à un point où ça me barbe de survoler les histoires.
Où le sexe, sans l'émotion d'une communion intense, m'ennuie profondément.
Je veux tomber amoureuse.
Je veux la transe d'une connexion magique entre deux regards, deux esprits et deux peaux.
Et pas de compromis.

Je veux trembler. Je veux pleurer. De joie. Je veux me fondre et n'être qu'une flaque de sentiments reluisants où tout est à refaire. En ressentis, passer la seconde. Toucher à des sphères impalpables, pures et brutes. Je veux me sentir vivante, humaine par excellence. Je veux pouvoir le sentir à travers l'amour qui lie deux êtres. Le genre de truc qui germe en moi depuis quelques temps et qui bientôt, ne pourra plus se taire.

C'est ce que j'ai tenté d'exprimer à mon jongleur saltimbanque hier soir.

dimanche 10 mars 2013

Rien, comme d'habitude

J'ai pas eu le temps de finir ma phrase. J'étais en train de planter le décor, de lui confier "si entre la première et la seconde fois, il y a eu plus d'un an au milieu, c'est parce que c'était volontaire, c'était pour fuir les amalgames" fuir l'attirance qui me détournait complètement des buts fixés et des intentions d'origine, c'était à chaque entrevue se mordre les lèvres pour ne pas aller à sa rencontre et tracer mon chemin me rappeler les priorités me taper la règle sur les mains. Ne pas. Flirter. M'éprendre. Parce que. Dans cet endroit particulier, je n'étais pas là pour ça.

Il m'a coupée en plein teaser acquiescer à mon intrigue rajouter "voilà, les amalgames je suis d'accord, et heureux que l'on voie les choses d'un même œil". Puis il a renchéri sur des milliers d'autres sujets très intéressants et moi j'avais l'air con avec mon cœur sur la main prête à le lui donner. Si j'avais pu continuer ma supplique, j'aurais pu lui avouer que le nœud du problème il était là, dans la suite de nos échanges et leur proximité dans le temps m'empêchant, avec toute ma bonne volonté, de balayer ces amalgames là. Faisant bouillir mon sang froid et fondre la distance qui sépare l'espoir de la réalité. Que j'y arrivais pas, à rester objective, concentrée sur le travail spirituel que l'on était en train de mettre en commun. Que j'avais trop de choses qu'il remuait en moi pour ne pas être touchée, émue par l'homme. Pour ne pas avoir envie d'être auprès de lui, d'être celle qui l'écoute et le soutien, l'épaule en silence la journée parce que le soir on se serait rejoint, on aurait fait du bruit, du bruit et des voyages, on serait partis loin, ailleurs, le meilleur des refuges. Que j'avais tous ces élans que je ne parvenais plus à retenir et qu'il fallait peut-être qu'on arrête d'être si proches pour un temps, avant que je ne me dissolve complètement sous sa chaleur humaine.

J'étais prête à lui dire tout ça sur le retour dans la voiture, mais il a rembarré mon courage malgré lui.
Peut-être l'a-t-il fait exprès.
Peut-être savait-il.
Il sait en déjà tellement.

Ce n'est pas la première fois que j'essaie de lui expliquer, à ce gentil sorcier, le feu qui m'anime.
J'ai l'impression qu'il ne veut pas l'entendre.
Ça ne changerait pourtant rien à nos gestes et au pire, ça me permettrait de rapidement tourner la page.
Que faire.

Rien, comme d'habitude?

vendredi 8 mars 2013

Pute du sentiment

L'idole de chanteur est parti deux semaines dans un pays du Sud. La dernière fois que l'on s'est croisés dans cette ville du Nord je ne lui ai même pas adressé la parole. Juste retour des choses, il n'est pas venu me dire bonjour non plus. Nous sommes ainsi restés inexistants l'un pour l'autre à tel point que je me dis que Google c'est aussi bien pour prendre de ses nouvelles.

Mon garçon des étoiles est resté en Australie, malgré mes rêves qui m'affirment sans arrêt le contraire et je commence à ressentir la défaillance dans mon système immunitaire, les larmes s'entasser au bord des yeux, les sanglots dans la gorge. Comme un vieux chat qui attend qu'on le recrache. Trois mois depuis son départ et mon absence dans l'avion sur le siège d'à côté. J'avais pas trop souffert. Aujourd'hui à peine, moi qui pensais cette histoire terminée, je tends à éprouver les effets de la descente. C'est franchement pas le moment mais, comme ça ne l'a jamais été...

Le gentil sorcier est toujours aussi gentil et toujours aussi sorcier. Ses entrevues sont rares mais intenses et tellement désintéressées que ça me laisse à chaque fois un air à la con sur le visage et les contorsions du cœur qui peine à ne pas s'ébattre pour ce genre de personne trop prise et trop ailleurs. Et en même temps, tellement là.

Mon danseur manouche ami invétéré m'envoie des petites phrases touchantes sur ces chansons lui étant adressées. Après cette nuit interminable à nous être envoyés en l'air dans le sens propre du terme sur cette scène improvisée et sur ces vieux sons funk groove hip hop de notre adolescence, j'ai eu du mal à réfréner mon envie de lui faire l'amour comme au premier jour. Mais bon, c'est une question d'habitude.

Et le saltimbanque caravanier à ses heures joueur de contrée avec qui je partage mon lit depuis un mois et demi. Entre nous ça a commencé comme une blague. Une blague sans chute. Et puis ça dure. Parce qu'il est merveilleux. Que nos atomes crochus se sont soudés comme les doigts d'une main. Et que ça ne mène à rien. Pile poil ce qu'il nous fallait.

Alors il y a trois jours je reçois un texto d'un numéro inconnu stipulant :
"J-ai jamais eu l'occasion de t l dire mais té vraiment qu'une pute :)"
Oui, avec le smiley qui sourit.

C'est peut-être ça au fond. Peut-être que je suis qu'une pute.
Une pute du sentiment. Une fille au cœur facile.
Parce que.
Je ne peux pas m'empêcher de tous les aimer.
A ma manière.
De tous les vouloir.
Vouloir qu'ils soient le seul.
L'unique.
Vouloir qu'ils ne fassent qu'un.
Qu'ils se divisent.
Pour m'éprendre d'un émoi si différentiable.

Je me dis à chaque fois, s'ils sont si nombreux à cohabiter en ma poitrine, s'ils se battent le battement le plus intense et se concurrencent le poil qui se hérisse, c'est que ce n'est pas ça. C'est qu'il n'y a pas de Lui. Seulement des eux.

Mais je devrais savoir depuis le temps, qu'il n'existe pas non plus de règles de ce genre.
Alors, advienne que pourra.
J'espère néanmoins qu'ils ne m'en voudront pas de les aimer aussi fort, eux, au point de m'envoyer des textos anonymes de haine et ne laisser en guise de réponse qu'un numéro non attribué.

La preuve du vivant

La musique quand même, c'est quelque chose.
La voir naître sous ses doigts et faire son temps. Son chemin sur les touches noires et blanches.
Vraiment, une forme de magie. Depuis qu'on est sur Terre. On aurait déjà dû refaire toutes les musiques, toutes les séquences, les suites d'accords, les notes que forment une mélodie. Et à chaque fois qu'on y pense, il y a des ressemblances partout, des airs qu'on a déjà entendus quelque part.
Et pourtant, on l'invente toujours.

C'est ce qui est magique.
C'est ce qui fait qu'avant que j'imagine ce refrain là, il n'existait pas.
Accoucher d'une chanson, c'est être témoin que la vie est réelle.
Et extraordinaire.

Je souhaite à chacun d'un jour pouvoir trouver son vivant à créer.

mercredi 6 mars 2013

Dreamcatcher

Mélancolie de merde qui m'empêche de trouver le sommeil sous peine de rêver de toi encore.

La vie, une salle de classe sans fond

J'ai rêvé de toi.

T'arrivais pimpant dans la classe ton cahier sous le bras et posais tes affaires sur le bureau du premier rang, en face du professeur. T'étais revenu d'Australie, enfin. Sans me le dire. Avec juste un sourire en guise de cadeau souvenir. Tu me prenais la main t'avais l'air heureux, si heureux de me retrouver. Tu voulais que je m'assoie à tes côtés. Tu voulais que je reste. Tu voulais pas me quitter, alors que t'étais parti. Si longtemps. Si longtemps, que j'avais vu plein de types au milieu. Que je batifolais dans tous les sens, me débattant désespérément pour retrouver l'amour.

Dans cette section, ils étaient nombreux. Il y avait des anciens gars que j'aimais bien. Il y avait mon amoureux secret du collège avec sa coupe à la Léo version Titanic à qui j'osais enfin échanger quelques mots pour la première fois. Il y avait Arnaud Tsamère. Je lui sautais au cou et il me faisait tourner dans ses bras comme un vieux passing de rock and roll acrobatique. Et il y avait toi, qui étais revenu. A prendre ma main, comme si ce temps d'absence là, il existait pas.

Tu me dégageais de l'espace sur ton bureau mais j'avais pas mes affaires avec moi alors j'ai lâché tes doigts, malgré ton insistance, malgré tes yeux qui me serraient ferme le coeur, il me fallait récupérer ce qui était à moi. Le prof est arrivé pendant notre discussion et s'est assis tout près, j'en ai profité pour m'éclipser, te promettant de revenir. Alors. J'ai parcouru cette classe en sens inverse, sous l'agitation. Le remue-ménage de ma vie effervescente. Je me suis appliquée à marcher droit sans que les larmes ne tombent. A faire bonne mine et dire bonjour. Ils sont passés à maintes reprises devant moi, obstruant ma route. Mais mes pieds se posaient toujours l'un devant l'autre, dans un fracas intérieur lourd et intense. La salle de classe était comme une longue rue à ciel ouvert et les rangées de bureaux finissaient par empiéter sur les trottoirs de la ville. Et tout au bout, dans les rangs des mauvais élèves, on pouvait voir les voitures circuler, les immeubles déconstruits. J'avais dû en avoir une, un jour, de place attribuée. J'avais laissé mon classeur posé sur un des bureaux il y a bien longtemps, en pensant qu'il y resterait. Et j'étais plus revenue en cours. Faisant l'école buissonnière par intermittence.

Aujourd'hui j'en suis là. A chercher ce que j'ai jadis abandonné dans ma négligence. Au fond du fin fond dans cet endroit qui ressemble à autre part, je cherche encore. Parce que tu m'attends tout devant.

Mais c'est trop tard, n'est-ce pas.
T'es irrattrapable.