mercredi 30 juillet 2014

Les termes du contrat

J'écrivais ce commentaire sur les termes du contrat et c'étaient autant de baffes qui me claquaient à la gueule à chaque ligne supplémentaire. Qu'ai-je laissé en cours de route pour me sentir si paumée? Ma lucidité, peut-être. Et pourquoi j'attends, maintenant? Pourquoi j'attends qu'on vienne me chercher? Il n'y a que moi qui modifie les routes. Sur ce sentier qui n'est que mon propre chemin intérieur, au carrefour de mes doutes. Et la souffrance? Elle est là parce que j'attends. Sans savoir pourquoi. J'attends que l'autre vienne me chercher. J'attends qu'il soit mon guide alors que le guide, c'est moi. Alors que c'est moi qui me donne. C'est moi qui reçois. C'est moi qui décide ou non d'avancer.

Hier soir, j'ai pleuré sous les draps. J'ai pleuré sur ma sale journée. J'ai pleuré sur ma solitude. J'ai pleuré parce que les règles étaient proches et qu'à des moments comme ceux là, je suis moins capable de prendre sur moi. J'ai pleuré parce que je voulais qu'il me réconforte, qu'il soit là pour moi. Et il était venu, malgré son travail qui le faisait finir au milieu de la nuit, sa fatigue et tout le retard qu'il avait pris à cause de nos dernières entrevues. Malgré le fait qu'il flippait lorsqu'on se voyait plusieurs jours d'affilée. Il était venu, et lorsque j'ai commencé à lui confier mes petits tracas, il s'est assoupi peu à peu. Épuisé. Je l'ai bordé doucement. J'ai attrapé un livre de chevet. La tête blottie entre deux pages, je me suis mise à pleurer. 

J'ai pas pris le bon livre, sûrement.

Ces larmes là, probablement un résidu de tout un tas de sentiments que je n'ai plus envie de revivre. Je ne pleure pratiquement jamais quand je suis seule. Je pleure quand je suis seule avec quelqu'un. Mes premières pensées ont été "tu te portes quand même vachement mieux quand personne ne t'atteint". Quand on te met pas au pied du mur, c'est tellement plus facile.
Mais j'ai choisi. C'est moi qui ai eu envie de travailler à devenir quelqu'un de plus complet. Autonome. Et l'autonomie, affective notamment, ne peut pas réellement exister lorsqu'il n'y a pas de confrontation avec l'autre. Lorsque, en aimant, on reste entier, ensemble et dissociés. Engagés et Indépendants. Ah ça oui. En ce moment, je travaille.

Mais j'aime ça.

Dans le lit recroquevillée, et quelques sanglots inaudibles, j'ai senti sa chaleur dans mon dos. Ses bras m'envelopper, me serrer très fort. Sa tête, enfoncée dans ma nuque. C'était, un cocon de lui tout autour de moi. Qui très fort retient mes larmes. En silence, par petits à-coups, il a serré jusqu'à ce que je me calme. Je me suis retournée vers lui.
J'ai souri.

Il était endormi.

Balèze, quand même. Faire les gestes qu'il faut en pleine inconscience.
Mais peut-être n'a-t-il pas osé montrer qu'il était réveillé...

J'en ai rêvé la nuit. Qu'il était là pour moi, moi et mes inconstances. Malgré tout. Qu'il gérait les aléas, même s'il avait l'impression de ne jamais donner assez par rapport à ce qu'il recevait de moi. On a discuté longuement, de ses retenues, de ses craintes, de pourquoi il se mettait tant de contraintes et de quoi il avait peur.
- J'ai peur d'être papa.
Qu'il a avoué.

Je me suis réveillée.

lundi 28 juillet 2014

Je sais

Je sais qu'il faut prendre le temps.
Pour magnifier les secondes, les ensemencer dans une histoire un tant soit peu fertile et constructive.
Pour se permettre de naître, dans la confiance, dans la preuve par l'expérience, la ligne d'évidence qui malgré les oscillations, les hauts et les bas, avance toujours, quoi qu'on en dise.

Je sais qu'il faut s'armer de patience.
Laisser à ton être la possibilité de se retrouver en premier, afin qu'il puisse se donner en son entier sans perdre un bout de son squelette dans les doutes et l'inconscience.

J'ai sais qu'il faut te laisser libre.
Dans ton individualité, dans tes choix et tes devoirs, ne pas interférer à outrance avec le cours de tes choses. Pour te permettre d'évoluer avec zèle, sans contrainte, sans barrière de l'être, celui qui te donne la main en même temps qu'il te la vole.

Je sais que tu as ton chemin à faire. Tes montagnes à grimper. Tes obstacles à franchir.
Je sais que tu as tes fantômes à te débarrasser. Faire une croix sur ce qui est derrière, doucement. Le temps d'un deuil, le temps d'accueillir ce qui est devant toi.
Je sais tout ça.

Ça ne m'empêche pas d'avoir mal quand même.

jeudi 24 juillet 2014

Tudo Bem 2/2

On se confie nos petits secrets. Il me dit "la semaine dernière, tu m'as ensorcelée". Il me dit "j'ai eu subitement envie d'être à côté de toi toute la soirée". "Refuser une partie de ****** avec tous mes copains pour jouer aux pingouins avec toi et ton pote, fallait vraiment que tu m'aies fait un truc". "A la fin, je voulais que tout le monde s'en aille. Qu'ils se barrent tous et qu'on reste juste toi et moi".

Moi aussi, j'avais envie.
Mais j'étais avec le jongleur saltimbanque que j'hébergeais pour la nuit. D'ailleurs, sur le retour, j'avais pas arrêté de le saouler avec mon argentin à lui répéter "il me plait", "qu'est-ce qu'il me plait"...

- Je te préviens Anne, le deuxième soir est celui des mises en garde.
- Soit. Je t'en prie.
- Hmmm, alors voilà. Actuellement, je n'ai rien à donner. Et je ne sais pas quand et si je serai prêt à le faire un jour. Je viens tout juste de me séparer de quelqu'un avec qui j'ai vécu quatre ans et demie et je n'ai pas encore fini mon deuil. Je ne sais même pas si nous ne sommes définitivement plus ensemble. De plus, je commence à retrouver mon individualité, à trouver du temps pour moi, mes amis, mes loisirs, faire des projets et je ne veux pas lâcher ce que je touche à peine du doigt. J'ai envie de rester libre.
- Ok. A moi maintenant. Je ne suis pas pressée. Au contraire, j'ai très envie de prendre le temps. En fait, en ce moment je suis dans une démarche un peu particulière avec mon corps. Pour certaines raisons, je suis une abstinence de neuf mois. Ce qui veut dire que, physiquement, il va falloir rester tranquille...
- Oh, d'accord. Neuf mois, vraiment?
- Oui.
- C'est long, quand même.
- Oui.
- Et Anne, moi j'ai des besoins.
- Oui, je sais.
-  ...
-  ...

- Mais attends, neuf mois depuis quand?

- Depuis janvier.
- Janvier? plus neuf mois ça fait jusqu'à septembre ça. Ça veut dire qu'il reste...
- Un peu moins de trois mois.
- Aaaaaah...mais ça vaaaaa alors!
- Ah bon, vraiment?
- Oui, trois mois ça va. Enfin, ça devrait pouvoir le faire.

Soulagée.

Sur le lit, on se marre. Allongés côte à côte, on continue de discuter. Il me lance :

- Mais comment on fait, alors?
- Comment ça?
- Bah hier, par exemple, quand tu marchais devant moi, je voyais la courbe de tes reins se dessiner et j'avais bien envie d'y poser mes mains. De te masser le dos, aussi. Mais je me suis dit, après je vais te masser, je vais avoir envie d'aller plus loin, de te faire plein de trucs, ça va déraper et je sais pas si c'est bien, alors j'ai rien fait.
- Ah...
- Comment on fait, alors?
- ...
- Par exemple, là, depuis tout à l'heure, j'ai très envie de te serrer dans mes bras. Comment on fait? s'impatiente l'argentin, la lueur pleine de malice, se tournicotant comme un enfant dans tous les sens sur le matelas.
- Essaie, tu verras bien...



Il posa tout son poids dans son étreinte.

C'était.
Surprenant.

Peut-être que j'avais perdu l'habitude. Peut-être que mes anciens compagnons étaient délicats, faisaient attention. Lui, il n'était pas comme ça. Il se donnait entier, même s'il n'avait rien à donner.
Il était là, et pas là.
Il reproduisait les gestes. Mécaniques, comme s'il les avait déjà enclenchés un millier de fois.
J'ai pensé : effectivement, il n'a pas fait son deuil.

Je l'ai laissé faire.
Puis, lorsqu'il s'est détaché pour tenter de partir, je l'ai agrippé.
Afin qu'il puisse entrevoir ce qui, pour moi, correspondait à l'intensité d'une étreinte.

Ses cinq minutes se sont transformées en trois heures.

Je lui avais pourtant bien proposé de rester. Mais comme il avait découché la veille, il ne voulait pas mettre la puce à l'oreille à l'ami (commun avec son ex) chez qui il était provisoirement hébergé, le temps qu'il se trouve un nouvel appartement à lui.

Sur le palier de la porte, il a fait quelques pas. Puis il s'est retourné. Nous nous sommes regardés, un peu penauds, un peu interloqués :
- Ça va être compliqué...
Qu'il laissa échapper en revenant sur ses pas, juste avant de m'embrasser.

Dans tous les sens du terme.

J'ai senti nos bouches se reconnaître. Et plus elles apprenaient à se parler des langues inaudibles, plus ses bras se fondaient avec force en mes côtes. Mes pieds ne touchèrent plus terre.

Dans tous les sens du terme.

mercredi 23 juillet 2014

Tudo bem 1/2

A la suite de ceci, et de tout le reste.

Je n'ai pas pu m'empêcher de m'emparer du téléphone. De toute manière, je n'arrivais pas à fermer l’œil, bien qu'il soit parti. Le choc de la rencontre, sûrement.

J'envoyais un message à mon ami joueur de go : "purée, je me suis fait avoir comme une bleue..." parce que. Un bail qu'on ne m'avait pas retourné le cœur de la sorte. Avec si peu de moyens. Son nez sous mes aisselles, ses lèvres sur mes mains. Je demandais au joueur de go s'il n'avait pas le numéro de l'argentin. Puis, me ravisais au moment de l'obtenir.

Après tout, c'était peut-être sa volonté.
Ne pas s'échanger nos coordonnées, probablement intentionnel.
Et je fais quoi alors? Je défonce les barrières d'intimité et viole sa vie privée pour répondre à mes envies égoïstes de le revoir?

Tant pis. Je ne souhaitais brusquer personne et laisser venir. Mais les sensations de nos frôlements s'entassant à une vitesse folle, je décidais de vider mon esprit en dédiant ma journée aux autres.

Le soir même, un texto du joueur de go :
"L'argentin vient de me demander ton numéro. Je le lui donne?"

C'était Brésil - Croatie, le match d'ouverture.
Fébrilement, je regardais les minutes défiler sur mon ordinateur.
Ayant finalement récupéré ses dix chiffres quand j'ai su qu'il réclamait les miens, je lui écris dans les cinq minutes suivant le sifflet de la fin du match :
"Et si, après la victoire du Brésil t'avais envie, je sais pas moi, de ne pas rester face à la défaite du sommeil de ce matin, sache que tu peux toujours revenir tenter la revanche..."

Nos messages se seraient croisés, si le joueur de go ne s'était pas trompé d'un chiffre en lui transférant mon contact.
Ça aurait été marrant pour le coup, que j'attende qu'il m'écrive.
Mais ma patience frôlait le niveau zéro.

-"Je veux bien passer te faire un petit coucou, mais je ne reste pas dormir. Tu prends?"
-"Et t'arrives encore à tenir debout?"
-"Oui, mais ça ne répond pas à ma question!"
-"Ca va me frustrer que tu repartes vite..."
-"Tu le seras encore plus si je ne viens pas. J'arrive dans cinq minutes."

On sonne en bas de chez moi. Je suis aux toilettes et je n'ai pas de pantalon.
S'est-il téléporté?

- A vélo, ça va vite.

Je n'ai pas de canapé. On se cale sur le lit pour discuter.
- Le deuxième soir....
Il réfléchit.
- Le deuxième soir, je pose ma tête là, lance-t-il en pointant mon nombril. Puis je fais ça aussi.

Et il prend mes mains pour les observer, les modeler. Ludique. On parle de ce matin, de notre non échange de coordonnées respectif. Il m'avoue :
- Quand j'ai claqué la porte de chez toi, je me suis dit "bon, on va se calmer là". Partager le lit de quelqu'un comme ça, dès le premier soir, c'était pas dans mon programme. Puis, t'es restée quand même un peu dans ma tête la journée et puis le soir, comme tu y étais encore, j'ai eu envie de demander ton numéro...

[à suivre...]



samedi 19 juillet 2014

Te sentir à distance

"Écris, fais-toi du bien. Fais ce qui est bon pour toi. Tu n'es pas tout seul. Mais tu es le seul à pouvoir le faire.
Je t'embrasse, je suis dans les montagnes. De temps en temps, je prendrai une pause dans la journée. Pour t'aimer."

jeudi 17 juillet 2014

J'préférais quand t'existais pas

- Tu as un regard triste.
- Oh.
- Qu'est-ce qu'il se passe?
- Hmm. Je ne sais pas si je dois te le dire.
- Pourquoi?
- C'est parce que...
- ...
- ...j'ai ce genre de regard lorsque je suis en train de tomber amoureuse.
- ...
- Une sorte de mélancolie. Je ne sais pas. Comme si j'étais triste par anticipation... de ce que j'allais un jour perdre. Ça se passe dans l'inconscient, sûrement...
- Tu as toujours eu ce genre de regard.
- ...
- Bon d'accord. Je crois que j'ai un nouveau but dans la vie, maintenant.
- ...
- Donner à tes yeux le sourire.


J'préférais quand t'existais pas by Presque Oui on Grooveshark

mercredi 2 juillet 2014

A toi que les rêves inspirent

Je passerai l'amourette de préambule, liée à ma vie du quotidien. Avec les protagonistes de "Secret Story", le nom est déjà tellement parlant. Se faire surprendre autour de la table de la cuisine, en chaussettes, puis discussion franche avec l'intéressée qui me confirmera qu'effectivement, ce n'était que lui qui craignait une hypothétique souffrance, et qu'elle, pour sa part, avait déjà tourné sa page.

Dans la suite du songe, qui est toujours un petit clin d’œil à ma journée, je cherche un endroit posé où faire atterrir mes heures de déambulation citadine. Quelqu'un me conseille cette grande bibliothèque nouvellement ouverte, qui possède en son rez-de-chaussée un superbe bistrot/salon de thé bio d'une déco d'un bois naturel somptueux lui aussi (décidément). Je marche un certain temps pour m'y rendre, puis attends devant l'entrée. En réalité, je crois que j'avais un rendez-vous important.

L'homme débarque, d'un pas assez franc, voire pressé. C'est une personnalité qui évoque le respect lorsqu'il me serre la main pour se présenter. Il est chercheur. En temps et en espace.
Un savant fou? Peut-être.
Des recherches dans le temps et l'espace, ça me fait penser à quelque chose....Steins Gate, les voyages dans le temps. C'est de cette trempe? Il me répond :

- Non, pas vraiment. Mais le sujet vous intéresse?

J’acquiesce. J'ai toujours eu une certaine fascination pour ce genre de concepts métaphysiques.
Continuant sa trajectoire d'une allure vive, son esprit déjà occupé à un millier d'idées qui se chevauchent, il me fait signe de le suivre. M'entraine dans la bibliothèque. Nous montons les étages. Au dessus, des espèces de blocs. Des locaux hospitaliers? Des bureaux administratifs? Je ne sais plus trop.

Le professeur s'arrête devant une porte avec un petit hublot rectangulaire. Regarde au travers. Dans la pièce fermée, deux personnes, qu'il fixe discrètement, pendant quelques secondes pendant que je l'observe procéder en silence. Puis il décide d'ouvrir la porte. D'un élan précis et rapide, pointe de son index et son majeur joints en l'air le bras tendu, la silhouette des deux personnes l'une après l'autre, puis fait ce geste simple avec les doigts, comme une gomme, de les effacer.

Les deux êtres se dissolvent par magie de notre champ de vision. Impassible, le chercheur entre dans leur bureau qu'il fait automatiquement sien. En fait, ce bureau était déjà sien. Et pendant qu'il retrouve ses repères dans son antre, il m'explique.

Ces deux personnes n'ont pas disparues de la surface de la Terre de manière absolue. Il les a simplement effacé de son regard. En les effaçant de son regard, il s'est lui-même effacé de leur regard. Cela veut dire que ces deux personnes et lui peuvent évoluer dans le même bureau sans jamais interférer, puisqu'ils coexistent sur des plans différents, bien que simultanés. Pour un regard extérieur (sauf moi, apparemment, qui vit la scène en même temps qu'eux), il y aurait trois personnes dans la pièce. Pour les deux personnes, elles seraient deux. Et lui se perçoit seul.

Unique témoin de cette scène surnaturelle, je reste scotchée.
Je deviendrai son disciple. Il sera mon directeur de thèse.
Il y aura peut-être entre nous une relation d'amour assez profonde et inconventionnelle. Mais les souvenirs sont flous, et ce n'est ici pas ce qui compte véritablement.

Je passerai de nombreuses journées à apprendre les techniques. Dans les rêves, elles sont pour la plupart fondées sur le ressenti. Je m'entraine. Deux points à maîtriser : d'abord, mémoriser l'être, en son entier. Cela, en une seconde à peu près. Ensuite, l'effacer. De sa réalité. De sa mémoire, presque. Tendre les doigts en même temps. Faire le geste de la gomme. Ça fonctionne. C'est incroyable, ça fonctionne!

Dès lors, une immense liberté s'offre à moi. Je peux entrer par toutes les portes, tous les accès, au gré de mes envies. Sans aucune contrainte, je peux me rendre dans tous les endroits. Le monde entier s'ouvre à moi! Dans cette grande bibliothèque, une rumeur commence à circuler. On aurait volé les clés du bloc 8. C'est nous. Notre bureau. Oui, nous avons bel et bien dérobé les clés de l'infini!

Une deuxième étudiante vient se greffer au projet. Elle est jeune, blonde la coupe au carré, un peu naïve et insouciante. Complètement subjuguée. C'est moi qui suis en charge de sa formation. Pas après pas, je lui montre les ficelles du métier. Je l'entraine avec moi à l'extérieur du complexe, pour un exercice en plein air. Il y a de larges pelouses bien vertes où des écoles sortent se détendre et faire des activités tout autour du lac, car il y a un vaste lac aussi, prospère, que quelques canoés traversent paisiblement.

Bien que je sois la seule à faire les gestes, les gens disparaissent sous les yeux de l'étudiante spectatrice.
Peut-être qu'en prenant le même point de regard que moi, elle s'inclut automatiquement dans ma réalité, et donc sur le même plan que moi?

Je commence à la laisser faire ses premiers pas seule. Nous nous baladons ensemble et à tour de rôle, comme un exercice imposé, nous nous dissimulons des réalités d'autrui. Je l'encourage dans ses efforts. Mais un manque d'attention lorsque vient son tour vient contrebalancer la donne lorsque nous rouvrons la porte du complexe. L'étudiante ne s'étant pas suffisamment protégée de l'être à effacer, les regards se croisent. L'être surprend l'étudiante en train de faire son geste de la gomme, avant de disparaitre. Ce qui veut dire que par réciprocité, l'être nous a vu nous extraire de son champ de vision, devant lui, il a pu observer ce phénomène jusque là tenu secret. L'étudiante panique, commet l'erreur deux fois de suite.

L'affolement s'empare de la bibliothèque. On commence à dire qu'on a aperçu les voleurs de la clé du bloc 8, et qu'ils sont en cavale. Des groupes se mettent assidument à notre recherche.

Poursuivies, nous nous enfuyons par le lac. L'adrénaline monte, nous n'avons ni le temps ni la compétence de devenir invisibles pour des classes entières d'écoliers. Néanmoins, la course est enivrante, presque jouissive de challenge. Nous touchons enfin les frontières du complexe. D'immenses grillages argentés d'une maille très fine nous barrent la route. Ils sont hauts de plusieurs dizaines de mètres. N'ayant plus rien à perdre, nous décidons de les escalader. J'appelle mon professeur directeur de thèse sur mon portable, lui explique la situation d'urgence, pendant que mes pieds et mes mains tentent maladroitement de trouver des prises pour grimper. Le chercheur me rassure, nous n'avons plus qu'à sortir du complexe. Pour le reste, il s'occupera de venir nous chercher. Le temps presse, nos poursuivants ne sont pas loin. J'ai encore le téléphone à l'oreille lorsque nous atteignons le sommet des barrières. Si nous tombons maintenant, la chute aurait de bonnes chances d'être mortelle. L'étudiante, plus agile et confiante de moi (insouciante aussi), enjambe le sommet, pour se retrouver de l'autre côté du grillage, et le redescendre doucement. Moi, j'hésite. Je crois que c'est ce qu'il y a de plus difficile pour moi. Me retrouver de l'autre côté des limites, des frontières. Je lâche le téléphone, je crois que je n'ai plus le choix.


Je me réveille.

Hacking to the Gate " by いとうかなこ on Grooveshark

mardi 1 juillet 2014

A la demande générale d'une personne

J'avais eu du mal à m'endormir au son des ronflements de ma camarade de dortoir. Avant de me coucher, on venait de me parler d'amour, de rencontre, de marche à suivre...

Je suis dans une espèce de baraque rectangulaire assez ancienne et isolée dans la forêt, aux cloisons en verre et au parquet usé. Je dors sur une banquette bleu foncé qui me fait penser à celle des wagons de train. En fait, c'est comme si cette pièce tout en longueur et pas très bien rangée voyageait toute seule enfin, c'est l'impression vague qu'elle me donnait. Je passe une nuit horrible. Sans cesse dérangée par un bruit coriace qui se heurte aux vitres. Le yeux fermés sur mon sommeil, je m'imagine une colère d'orage.

Au réveil, je déambule à moitié la tête dans le coaltar, à la recherche d'un petit déjeuner. Soudain, je fais un bond, les yeux pleins de stupeur devant ce qui se trouve à mes côtés. Une énorme bestiole qui m'arrive aux épaules, d'une variété imaginaire, qui se tient debout comme une oie, le plumage d'un canard sauvage. Elle est coincée là, de l'autre côté de la cloison de verre, qu'elle a marteau-piqué de son bec toute la nuit, jusqu'à la percer et rester prisonnière de sa bêtise. Elle a toqué si fort contre la vitre de l'extérieur que lorsque celle-ci s'est brisée, son dernier geste lui a fait perdre son bec qui jonche maintenant sur mon parquet usé. En résumé, c'est un drôle d'oiseau à la tête coincée dans ma vitre, et qui a fait tomber son bec. Il geint d'un langage semi-humain incompréhensible, de fait qu'il n'a plus de bouche pour articuler :
- 'on 'ec! 'on 'ec! 'ai 'erdu 'on 'ec!

Je suis pétrifiée. Cet animal est fascinant. En même temps féroce, sauvage, dangereux. Il a quand même réussi à traverser le mur de ma maison! Peut-être en voulait-il à ma vie?
Néanmoins, je ne peux rester de marbre face à sa détresse.
Affrontant ma peur, devant l'oiseau qui se débat et s'excite, tentant de se dégager, je ramasse la main tremblante le bec que j'approche de l'embouchure et visse sur la tête du bestiau. Comme un instrument de musique. Silence de quelques secondes. Soulagement, sûrement.
L'oiseau libéré de sa bêtise et retrouvant l'usage de la parole, m'offre un touchant "merci", avant de s'échapper dans la forêt alentour.

Re-silence dans la pièce. L'air songeur, je regarde un bon instant le trou dans ma vitre.
Soupire.
Maintenant, je serai réveillée par les courants d'air lorsque je voudrais dormir.

Je ne sais pas si le rêve se suit vraiment, mais quelques temps après, je choisis de déménager. Visite un chalet à l'écart des villes. Plus propre, tout en bois et matériaux naturels. Moins haut de plafond, mais plus d'espace en surface et surtout, des étendues d'herbe fraiche dans lesquelles me rouler à moi, rien qu'à moi. Il y a beaucoup d'amis, de connaissances qui passent par cette maison, qui la font vivre, puis le village dans lequel je suis organise des fêtes traditionnelles avec beaucoup de musiques, et j'y participe.

Le bonheur est dans le pré.