jeudi 24 juillet 2014

Tudo Bem 2/2

On se confie nos petits secrets. Il me dit "la semaine dernière, tu m'as ensorcelée". Il me dit "j'ai eu subitement envie d'être à côté de toi toute la soirée". "Refuser une partie de ****** avec tous mes copains pour jouer aux pingouins avec toi et ton pote, fallait vraiment que tu m'aies fait un truc". "A la fin, je voulais que tout le monde s'en aille. Qu'ils se barrent tous et qu'on reste juste toi et moi".

Moi aussi, j'avais envie.
Mais j'étais avec le jongleur saltimbanque que j'hébergeais pour la nuit. D'ailleurs, sur le retour, j'avais pas arrêté de le saouler avec mon argentin à lui répéter "il me plait", "qu'est-ce qu'il me plait"...

- Je te préviens Anne, le deuxième soir est celui des mises en garde.
- Soit. Je t'en prie.
- Hmmm, alors voilà. Actuellement, je n'ai rien à donner. Et je ne sais pas quand et si je serai prêt à le faire un jour. Je viens tout juste de me séparer de quelqu'un avec qui j'ai vécu quatre ans et demie et je n'ai pas encore fini mon deuil. Je ne sais même pas si nous ne sommes définitivement plus ensemble. De plus, je commence à retrouver mon individualité, à trouver du temps pour moi, mes amis, mes loisirs, faire des projets et je ne veux pas lâcher ce que je touche à peine du doigt. J'ai envie de rester libre.
- Ok. A moi maintenant. Je ne suis pas pressée. Au contraire, j'ai très envie de prendre le temps. En fait, en ce moment je suis dans une démarche un peu particulière avec mon corps. Pour certaines raisons, je suis une abstinence de neuf mois. Ce qui veut dire que, physiquement, il va falloir rester tranquille...
- Oh, d'accord. Neuf mois, vraiment?
- Oui.
- C'est long, quand même.
- Oui.
- Et Anne, moi j'ai des besoins.
- Oui, je sais.
-  ...
-  ...

- Mais attends, neuf mois depuis quand?

- Depuis janvier.
- Janvier? plus neuf mois ça fait jusqu'à septembre ça. Ça veut dire qu'il reste...
- Un peu moins de trois mois.
- Aaaaaah...mais ça vaaaaa alors!
- Ah bon, vraiment?
- Oui, trois mois ça va. Enfin, ça devrait pouvoir le faire.

Soulagée.

Sur le lit, on se marre. Allongés côte à côte, on continue de discuter. Il me lance :

- Mais comment on fait, alors?
- Comment ça?
- Bah hier, par exemple, quand tu marchais devant moi, je voyais la courbe de tes reins se dessiner et j'avais bien envie d'y poser mes mains. De te masser le dos, aussi. Mais je me suis dit, après je vais te masser, je vais avoir envie d'aller plus loin, de te faire plein de trucs, ça va déraper et je sais pas si c'est bien, alors j'ai rien fait.
- Ah...
- Comment on fait, alors?
- ...
- Par exemple, là, depuis tout à l'heure, j'ai très envie de te serrer dans mes bras. Comment on fait? s'impatiente l'argentin, la lueur pleine de malice, se tournicotant comme un enfant dans tous les sens sur le matelas.
- Essaie, tu verras bien...



Il posa tout son poids dans son étreinte.

C'était.
Surprenant.

Peut-être que j'avais perdu l'habitude. Peut-être que mes anciens compagnons étaient délicats, faisaient attention. Lui, il n'était pas comme ça. Il se donnait entier, même s'il n'avait rien à donner.
Il était là, et pas là.
Il reproduisait les gestes. Mécaniques, comme s'il les avait déjà enclenchés un millier de fois.
J'ai pensé : effectivement, il n'a pas fait son deuil.

Je l'ai laissé faire.
Puis, lorsqu'il s'est détaché pour tenter de partir, je l'ai agrippé.
Afin qu'il puisse entrevoir ce qui, pour moi, correspondait à l'intensité d'une étreinte.

Ses cinq minutes se sont transformées en trois heures.

Je lui avais pourtant bien proposé de rester. Mais comme il avait découché la veille, il ne voulait pas mettre la puce à l'oreille à l'ami (commun avec son ex) chez qui il était provisoirement hébergé, le temps qu'il se trouve un nouvel appartement à lui.

Sur le palier de la porte, il a fait quelques pas. Puis il s'est retourné. Nous nous sommes regardés, un peu penauds, un peu interloqués :
- Ça va être compliqué...
Qu'il laissa échapper en revenant sur ses pas, juste avant de m'embrasser.

Dans tous les sens du terme.

J'ai senti nos bouches se reconnaître. Et plus elles apprenaient à se parler des langues inaudibles, plus ses bras se fondaient avec force en mes côtes. Mes pieds ne touchèrent plus terre.

Dans tous les sens du terme.

4 commentaires:

  1. C'est sympa.
    C'est rare que j'aille au bout, tu as une belle écriture.
    C'est du vécu?
    W.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci à toi.
      Ce blog, c'est mon journal intime à moi. Les instants de ma vie que j'écris pour ne pas oublier. Là, en l'occurrence, ce sont des faits qui datent de plus d'un mois, mais je m'étais promis d'en laisser une trace ici alors...j'ai pas fini de raconter...
      Merci d'être passé, et reviens quand tu veux!

      Supprimer
  2. J'ai le droit d'écrire un commentaire de connasse ? Bon, allez, tu vas me détester mais je le fais quand même. L'argentin ne se foutrait-il pas un peu du monde ? Monsieur a été ensorcelé mais n'a rien à donner en revanche te prendre ne lui pose aucun problème alors qu'il ne sait même pas si son actuelle est son ex ou pas ? Ça sent la relation compliquée et destructrice ou c'est moi ? (Je lui foutrais des baffes moi à l'argentin !)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Hahaha, tes commentaires de connasse sont les bienvenus! C'est fait pour!

      Effectivement, c'est un peu comme ça qu'il se sentait. En train de se foutre de la gueule du monde et de profiter de moi alors qu'il n'avait rien à donner en échange. Du coup ça le faisait s'excuser et s'empêcher de se lâcher vraiment, à cause de tous ces principes de respect et bienséance amoureuse. Pour moi, le respect est présent quand la couleur est annoncée de chacun des côtés et les termes de la relation mutuellement acceptés. Le pire pour moi, c'est qu'on me prévienne pas. Qu'on me dise pas ce qui se trame au fond du coeur. Je suis au courant qu'il n'a rien à me donner donc je n'attends pas qu'il me donne quelque chose. Si cela ne me convient pas, j'arrête. Si cela ne me convient plus et que je veux changer les termes du contrat, j'en discute.
      Moi, quand j'ai un coup de coeur, je brûle. J'exalte, je m'exprime. Impatiente et insatiable. Je suis comme ça, mais je veux bien essayer de le faire de manière davantage progressive. C'est aussi un des termes du contrat. Il est prévenu, et si un jour il a trop peur de mes élans étouffants, il a le droit de partir. Sans chichi, sans colère, etc.

      Je ne peux pas le blâmer, parce que je suis aussi passée par là. Et que c'était pas une question d'irrespect, ni une relation destructrice, au contraire. C'était que j'arrivais plus à aimer. Que j'attendais le bon, mais que c'était pas celui en face de moi. La personne savait. De son côté, cette relation lui faisait du bien à son estime de soi (paradoxalement, elle se sentait valorisée par l'échange qui était bienveillant), mais elle voulait tomber amoureuse. Lorsque cela s'est terminé (parce que j'avais trouvé le bon), cela s'est fait très naturellement, sans heurt, et nous sommes restés bon amis. Parce qu'on n'attendait pas plus que ce que l'on pouvait se donner, tout simplement.

      Avec l'argentin, vu qu'il n'a rien à me donner je suis censée ne rien attendre de lui. Avec le temps, c'est un peu rude, et on rediscute souvent les termes du contrat, qui évolue petit à petit.

      Pour son ex, ils ont eu une discussion où ils ont conclu de cesser de se voir quelques jours après donc bon. Il était juste précautionneux. Et si vraiment il voulait me prendre, je ne suis pas la mieux placée pour ce job, je crois. S'il voulait une relation comme ça, franchement, y'en a plein qui feraient mieux l'affaire, parce que moi, ce n'est pas ce que j'offre.

      M'enfin, tous ces arguments pour te dire que malgré tout ça, il y a du vrai dans ce que tu dis. La dérive probable, elle est dans ce que tu écris. Et il faut toujours faire attention à rester à sa place, c'est à dire, à l'intérieur de soi et ne pas oublier qu'on ne fait pas changer les termes d'un contrat si facilement.

      Merci pour ton commentaire. Ça donne un peu de réconfort de savoir que quelque part dans la toile, quelqu'un se préoccupe. :)

      Supprimer

Du temps à tuer?