lundi 29 novembre 2021

L'amitié, ce n'est pas un feu de bois

J'ai trente minutes avant de vider ma batterie.
J'espère que d'ici là, les voisins du dessus auront arrêté de balancer la musique, après tout, il n'est que  six heures du matin. L'immeuble entier vit-il sur un autre fuseau horaire ?
Et puis, pourquoi Jacques Brel ? Ce décalage temporel, on n'est même plus à parler de fuseau...

Un lundi matin des plus ordinaires.

J'ai relu ces vieux textes qui parlaient de toi. C'était il y a seize ans. J'ai ressenti la fascination que tu avais pu exercer sur moi. Ta vivacité d'esprit, tes vannes absurdes. La finesse de tes mouvements, cette capacité exacerbée de surprendre...tu avais déjà compris tous les codes, probablement. Et moi, j'étais si naïve.

A attendre quatre ans un garçon qui a l'art de séduire.
C'est complètement masochiste, non ?

La désillusion de la superficialité de ces gestes, le langage des corps interprété bien trop vite... j'étais immature, je voulais croire à notre romance alors que la seule romance factuelle, c'étaient mes doigts sur le clavier qui récrivaient l'histoire telle que j'avais envie de la vivre. Je m'en suis voulue d'être idiote. Mais dans le fond, ce n'était que de la jeunesse.

La deuxième fois, nous étions de vrais adultes. Nous avions le recul sur les relations de couple, mais toujours pas les mots. Si peu de tendresse, autant de non-dits. A quoi ça servait ? Tu n'étais même plus un bon coup et j'avais du mal à saisir ce que tu me trouvais.

"Je pense que tu lui plais."
"Tu devrais essayer".

Est ce que ce ne sont pas ces autres qui continuent à m'induire en erreur ?
Les portes paroles spontanés de tes éventuels sentiments.

Pourquoi tu ne m'en parles jamais ?
Pourquoi l'on s'envisage par cycles ?

On n'en a jamais discuté toi et moi mais je vois bien que c'est louche. Ton rythme. T'es à deux mille à l'heure. Tu souris bêtement sans me dire pourquoi. Tu ne me dis jamais au revoir. On vient à peine de fixer un rendez-vous que tu m'en proposes deux autres dans la semaine. Pour voir des films. Ah. Netflix and chill, vraiment ? La même recette depuis quinze ans ?

Pour n'importe qui d'autre, j'aurais trouvé ça gros comme le nez au milieu de la figure mais t'es un bluffeur professionnel, je le sais. T'attends quoi de moi, exactement ?

Tu feras comme les autres fois ? Tu me laisseras venir, lentement, sans jamais avoir fait le premier pas ?
Tu créeras les contextes pour que ça me monte à la tête, pour que je commence à t'envisager à nouveau, naturellement ? Tu ne te mouilleras jamais, ne laissera jamais entrevoir ton jeu ni tes intentions, comme à ton habitude ? En amour, t'as de si mauvais réflexes.

Et j'ai peur, un peu. Parce que j'ai envie de te palper les cuisses. Parce que mes mains trahissent mes intentions. Je me suis vue attraper tes doigts à deux reprises, impuissante, assister spectatrice à mon élan qui va plus vite que l'information jusqu'à mon cerveau. Je suis tellement pas tactile, d'ordinaire.

Est-ce que tu as lu en moi ?

Je ne sais pas vraiment ce que je dois faire. Je sais juste que je pense à toi, et ces flashs d'images indécentes qui viennent parasiter mon fil de réflexion. On est amis, n'est-ce pas ?

N'est-ce pas ?
C'est bien de l'amitié, non ?

Je ne sais plus à quelle certitude me fier.
Je crois pouvoir affirmer que je me sens perdue.

Jamais deux sans trois,
je redoute tellement le dicton...