dimanche 13 novembre 2022

Une place vacante

 Gros spleen sur le chemin du retour.

Est-ce qu'il existe ici quelqu'un pour moi ? 

Mes exigences sont-elles irréalistes ? Pourtant, j'ai l'impression de demander quelqu'un d'un peu comme moi, c'est tout. Est-ce que j'ai un profil trop particulier pour trouver un semblable ?

Toute ma vie j'ai essayé de trouver quelqu'un qui me ressemble. Quelqu'un qui puisse comprendre.

Je veux bien également me contenter d'une complémentarité. Et qu'on s'équilibre nos faiblesses mais, souvent, c'est juste moi qui m'adapte. Aujourd'hui, je veux qu'on fasse le pas vers moi aussi. Est-ce trop demander ?

J'ai l'impression d'avoir acquis avec le temps et l'expérience, les moyens et les compétences de rendre un partenaire heureux.

J'ai construit, embûches après embûches, des parades pour désamorcer les blocages émotionnels et de quoi ne pas alimenter les dépendances affectives. J'ai développé des outils personnels de communication afin de comprendre le langage de l'autre, identifier et répondre de la manière la plus juste aux besoins de chacun. J'ai compris quand être là, et quand laisser de l'espace. Je sais entendre et attendre. Sans faire peser à autrui le poids de ce que je ressens, du mieux que je peux. Je sais être créative, affectueuse et positive. Et je suis putain de drôle, bordel.

La dernière fois que je discutais avec toi, tu me disais que de ton point de vue, tu serais probablement le pire petit ami que tu pourrais te souhaiter, voire que tu pourrais souhaiter au monde. J'avais réfléchi un instant avant de te répondre qu'en toute objectivité, de mon côté, je sortirais bien avec moi-même. T'avais rétorqué que selon nos personnalités respectives, ça faisait plutôt sens. Enfin, un truc du style. Je ne me rappelle plus de l'idée exacte, c'était surtout que t'avais pas l'air plus étonné que ça.

J'avoue que dans les relations sentimentales, je trouve que je suis une meuf plutôt cool. Mes pensées peuvent crépiter et partir en couille à des moments inopportuns mais en général, ça déborde pas du cerveau. En bout d'une suractivité émotionnelle, une flopée de sas de décompression. Parce que c'est un peu le but de la vie, d'apprendre à gérer les aléas.

Je ne sais pas où tous ces mots me mènent. A une injustice que j'intériorise depuis longtemps, sûrement.
La sensation d'avoir passé du temps à construire un jardin intérieur riche et haut en couleur dans l'espoir d'un jour y rendre ce lieu accueillant et ressourçant pour certains, pour finalement se rendre compte qu'un jardin intérieur, comme son nom l'indique, c'est quelque chose pour soi. Pour se rendre heureux soi. Et c'est beau mais c'est comme les rêves, ou les voyages en solitaire. C'est une richesse qui n'est pas directement partageable.

Et c'est comme ça. Ça rend les instants précieux.
Précieux et terriblement mélancoliques.

lundi 7 novembre 2022

En dessous de ta voie lactée

Evidemment, je me suis mise à réécouter ta musique.
C'était prévisible. J'usais déjà de ce stratagème quinze ans en arrière pour compenser ton absence.
T'as jamais su, je pense. A quel point je connais tout par coeur. A quel point ces notes là, elles sont intégrées.

Quand la dernière fois je t'ai confié à quel point j'avais été mystique dans ma jeunesse, t'as ajouté : "C'est pour ça que tu chantais si bien !". Comme si ma voix touchait à un autre degré. C'est aussi un truc que tu m'as dit quand on s'est avoué nos attirances respectives, que moi qui chante, c'était de ces images hypersexualisées de moi que tu avais gravées en tes rétines. J'avais été émue de voir que c'était ce genre de moments qui t'avaient marqués dans nos rencontres. Pas les phases de jeu, des moments où j'étais moi-même.

Le point positif, c'est que je me suis remise au piano.
Tu m'as toujours fait ça. Tu m'as toujours donné l'envie de m'améliorer.
Je trouve ça dingue, l'admiration mutuelle. Parce que, de mon côté, je la comprends pas. Quand je te regarde avancer, quand je t'entends réfléchir, quand je m'étonne d'être le témoin de ce que tu rends beau au quotidien dans tes actes, ta façon de penser, de créer, dans le travail fastidieux que tu entreprends ou juste, d'observer le chemin que tu as accompli jusqu'ici, c'est sûr, je veux en être, moi aussi je veux faire parti du voyage ! Avec toi, on ne va jamais s'ennuyer, c'est une certitude. Quand je t'ai en face de moi et que t'allumes toutes ces étoiles dans mes yeux, je me sens si petite sous cette voie lactée là. J'ai du mal à intégrer que moi aussi, je brille.

Alors, je t'en prie, continue de ressortir mes phrases d'il y a quinze ans mot pour mot. Continue de me prouver que même quand j'étais pas là, j'ai influé un peu sur les décisions de ta vie. J'ai pas encore bien compris comment j'avais compté pour toi ni quelle était la substance réelle de ce que tu avais gardé, mais j'ai compris que j'avais compté.

Pour l'instant, on va dire que ça calme le cœur.

Un gouffre à l'intensité

C'est toujours un certain mystère, ce que tu me laisses, après ton départ. J'ai l'impression que le gros du travail se fait en aval, une fois que t'es plus là. Que ce qui est palpable, c'est la différence entre les perspectives que tu m'ouvres et la difficulté à reproduire ces possibilités là en dehors de toi. C'est ce qui a fait, je pense, que je t'ai couru après durant des années, alors que tu n'étais qu'un fantôme et que malgré ma raison, l'idée de te rayer de mon esprit restait inconcevable.

Je pense que la réflexion, elle est partie de notre discussion de la dernière fois. Où tu me disais, non Anne, tu ne pourras jamais réalistement être à 100% de tes capacités avec quelqu'un et surtout, ce n'est même pas sur que l'éventualité te soit profitable, ni saine à terme. Et je comprends bien que mon paradigme est idéaliste. Mais l'illusion de la perspective me suffit, je crois. Ces dernières années, je me suis trop souvent sentie bridée par l'autre. Autant parce que je ressentais que l'autre n'était pas apte à recevoir ce que j'avais à lui donner (que ce soit en terme d'amour, d'attention, de compétence, de collaboration), mais aussi à l'inverse, je ne trouvais pas de répondant, je ne voyais pas en l'autre la possibilité d'un partenariat où je pourrais moi aussi développer mon potentiel. Je ressors de mes dernières relations sentimentales avec un goût de trop peu, d'inachevé voire de gâchis. Où à chaque fois je me dis, c'est dommage. Plus j'avance dans la vie, plus je prends conscience que je suis limitée dans mes réalisations quand j'essaie de construire de bout en bout quelque chose par moi-même. Mon désir, il part de la fusion de mes ambitions d'existence avec la prise de conscience de mes limites humaines. J'ai envie de construire quelque chose avec quelqu'un. Et au delà de ce fait basique, j'ai besoin d'imaginer concrètement que j'en ressortirai fortement grandie. Que ce sera le point central d'une expansion personnelle. Très probablement un autre moyen d'échapper à la mort, quand on y pense.

Avec toi, à chaque fois, c'est ce que je ressens. Non seulement je ressens une connivence, une connexion mutuelle d'un degré rare et c'est une constatation pragmatique : on est chacun muni des outils adéquats pour se comprendre mentalement. Le coeur certes, c'est une autre histoire. Mais c'est déjà beaucoup et ça n'a été qu'exceptionnellement atteint au cours de ma vie. Les occasions, je les compte sur les doigts d'une main. D'une main amochée, même. Mais aussi, avec toi, j'ai l'impression que c'est toujours possible. Que les idées saugrenues de mon cerveau, t'es partant pour les matérialiser. Que tu perçois les enjeux, sans que j'aie besoin de me justifier. Je sais pas si tu fais semblant. Que tu t'emballes parce que c'est un jeu pour toi, parce que c'est ludique, de projeter. Et c'est là que mon besoin de perspectives, il entre en collision avec ta recherche de stimulation. C'est qu'il se satisfait déjà d'une illusion.

Alors, j'y vois bien un autre paramètre.
Je pensais à ça hier soir. En sortant de cet après-midi en compagnie d'un ami de longue date et de sa gamine qui balance d'un regard espiègle "Papa il m'a dit qu'il était amoureux de toi !" avant de rire nerveusement du mauvais coup qu'elle a fait à son père, tout en vérifiant qu'il ne s'énerve pas trop, et lui qui ne sait absolument plus où se mettre et c'était très bizarre parce que je le connais sans gêne, ni même pudeur pour ce genre de sujets, d'ordinaire. Je pensais à ça hier soir, aux personnes à qui j'en ai fait baver, dans ma jeunesse. Aux relations qui sont restées en suspend pour les autres. Notamment parce que j'y avais mis un stop très franc avant qu'elles n'existent réellement, tout en ayant montré en quelque sorte une bande annonce de ce que ça aurait pu être. Ça n'est arrivé je pense qu'un couple de fois mais à chaque fois, quand il n'y a pas eu concrétisation des espoirs, c'est comme si l'autre avait mis pause l'histoire et qu'il en était resté là où on s'en était arrêté : à l'horizon des possibles. A l'endroit où l'imagination est la plus tordue envers soi-même. Il n'y aura jamais de conclusion au désir alors le cerveau comble le vide par le fantasme. On a si peur du vide et de l'absence de sens qu'on le recrée. On fait tous ça.

Je me rends compte que les personnes qui m'ont le plus romantiquement aimée ont eu à faire aux relations les moins partagées. Aux instants les plus cruels et insensibles que j'avais à offrir. Que ces instants, qui datent pour certains de bien vingt ans, s'accrochent à eux encore aujourd'hui. Qu'il y a des hommes qui m'ont follement aimé en secret pendant plus d'une décennie et que c'est précisément ces hommes que j'ai par le passé, fait souffrir.

Je n'écris pas ça pour poser un point de vue moral sur la chose. On a tous déjà été le bourreau ou la victime de quelqu'un.

Le trauma crée un gouffre à l'intensité.

Je le savais bien sûr, mais les événement récents de la vie ne cessent de rappeler à mes lèvres cette question.
As-tu été un trauma pour moi ?

Est-ce qu'elle vient uniquement de là, l'intensité ?
Est-ce que les perspectives qui s'ouvrent à moi ne sont que le fruit de mon cerveau qui recrée du sens ?
Est-ce que dans le fond, ton absence, elle n'est pas davantage représentative de ce que tu as réellement à me donner ?