lundi 16 décembre 2013

Les yeux et le ventre à la bonne taille

Je ne sais pas à qui raconter tout ça.

Encore une personne à qui je n'avais jamais adressé la parole la veille qui vient me confesser ses extralucidités, en m'abordant par un simple "je peux te parler?".

-"Je n'ai pas l'habitude de dire ça comme ça, mais..."

Mais. Oh là là, les situations se répètent. De mon côté, je vais finir par trouver ça banal...

Il a des yeux d'une limpidité fascinante. Il me dit que ça faisait un moment qu'il n'avait plus eu de visions de ce genre, qu'elles s'étaient un peu perdues en cours de route. Il évoque mes points de rupture, mes axes embourbés, de but en blanc, avec extrême gentillesse. Et puis, il me parle de ses visions à mon sujet.

-"Je vois les anges. Quand je te regarde. Je ne sais pas si tu es guidée par les anges, où si tu es toi-même un ange. Un ange, je veux dire, avec la fonction de guider. Mais dans ton dos, je vois les ailes..."

Il me dit que j'ai un coeur gros comme ça, me demande si je n'ai pas l'impression d'ignorer certains de mes dons, et si je n'aurais pas par hasard des origines espagnoles.

-"Non pourquoi, les anges viennent d'Espagne?"
-"Non, c'est juste que toi et moi nous avons été liés, alors je me questionnais sur la provenance..."

Et l’ambiguïté débarque ici.
Parce que le problème avec ces connexions intenses de l'âme, c'est l'image que l'on souhaite figer sur ce lien qui se rappelle à nous.

Ah! j'aimerais tellement me débarrasser de ce désir de plaire. Cela clarifierait tellement mes relations avec les autres. Mais, même si je fais des efforts, même si je ne fais aucun geste, aucun sous entendu ou quoi que ce soit qui laisserait prétendre à une ouverture, bien au contraire, je sais que l'instinct qui est en moi se joue de moi, et que mes énergies testent et s'impliquent dans des actions d'influence. Je ne veux profiter ou exercer d'emprise sur personne. Cet homme est marié et a un enfant. Alors, lorsqu'il me regarde, troublé, avec ses yeux d'opaline et qu'il me dit que nous sommes liés, qu'il voit mes ailes d'ange et que j'ai un coeur gros comme ça, je me réfrène, me répète "Anne, prends du recul, reste humble, ne t'émoustille pas trop et laisse couler....". Mais je n'arrive pas à m'écouter au pied de la lettre. Je ne peux m'empêcher, de loin, de l'observer. D'essayer de comprendre. De sonder l'être. De me connecter à son coeur. Je devrais le laisser tranquille, peut-être. Mais je sens ses yeux posés sur moi, également. Que faire?

Sommes-nous assez sages pour établir des rapports justes?
Pour se partager l'amour pour ce qu'il est? C'est à dire, simplement de l'amour. Sans intention de retour, d'attention, de séduction, de pouvoir, de possession? Peut-on s'aimer justement? Et rester à sa place?
Les yeux et le ventre à la bonne taille.

Et ce soir, un autre inconnu qui m'écrit : "Vous êtes Faite pour de Grandes Choses".
C'est la saison?
C'est étrange, mon entourage proche ne dit pas cela de moi...

vendredi 6 décembre 2013

So come in my cave and I'll burn your heart away

Les rêves me prennent un peu de court. Me brouillent les pistes d'une vie éveillée.
Ils sont peuplés de ces hommes perdus de vue qui viennent me rendre visite. Qui déclament leurs émois à cœur ouvert, se déclarent à moi d'une flamme ardente parfois. Parfois ils sont simplement passés voir comment j'allais, puis rassurés, s'en retournent à l'anonymat de la mémoire. Je me réveille alors avec l'esprit fourni de tous ces visages auxquels je n'avais depuis longtemps plus mis de formes.

Je ne rêve pas de mon sorcier bienveillant.

Je ne sais même plus si je dois dire mon amoureux. Cela fait plus de deux mois que j'agite mes bras dans le brouillard d'un nous. J'ai l'impression de nager en eaux troubles. Mais en fait j'avance, un pied devant l'autre, avec ou sans lui. Je n'ai pas de nouvelles depuis lundi. Ça ne nous était jamais arrivé. Même sans temps à s'accorder, sans réseau, sans portable, on s'était toujours débrouillé pour s'envoyer des petites choses. Je m'inquiète pour lui. Peut-être qu'il a beaucoup de paramètres matériels et émotionnels à gérer. Peut-être qu'il lui faut s'isoler pour trouver des réponses. Peut-être qu'il n'est pas en mesure de parler à quelqu'un. Peut-être que sa mère l'a quitté, et qu'ils sont en train de lui faire leurs adieux. Peut-être qu'il vit son deuil à sa manière.

C'est dans des moments comme celui-ci où je me sens assez insignifiante. Je sais bien que tout ça ne me concerne pas ou peu. Je sais bien que ce qui se joue ici ne m'appartient pas, et qu'il serait presque inconvenant que je m'y implique. Mais je suis assez triste à l'idée qu'il ne pense pas à m'appeler pour épancher ses peines. Qu'il ne pense pas à trouver du soutien dans ma voix. Mais peut-être est-il lui même sa propre canne? Et qu'en un sens, la vie entière le soutien.

Je ne sais pas pourquoi je ne peux m'empêcher de trouver ça un peu amer.

Cave acoustic by Muse on Grooveshark

mercredi 4 décembre 2013

T'as quel âge?

Quand elle m'a dit que la noirceur que les autres percevaient en moi n'était que le reflet de leur propre noirceur intérieure, je lui ai répondu que je ne pouvais pas n'être que fortuite dans cette histoire. Que pour la refléter, il faut la posséder un minimum, cette noirceur, et que mon désir était de travailler là dessus.

Alors cette dame éclairée de soixante dix balais m'a entrainée dans une pièce à part, son chien ne nous lâchait pas d'une semelle. Elle s'est assise en face de moi et elle a commencé :
-" Ce que je vais vous dire, vous n'allez peut-être pas l'entendre souvent alors écoutez-le bien.

Vous êtes une très vieille âme. Qui avez de grandes choses à accomplir sur cette Terre. Ces gens sont jaloux. Même s'ils sont éveillés, même si c'est inconscient. Vous êtes plus jeune qu'eux dans cette vie, mais en réalité, vous êtes beaucoup plus ancienne. Vous possédez le savoir véritable. Ils sont jaloux, car dans leur milieu, vous êtes une concurrente. Quand ils vous disent que lorsque vous parlez, ce n'est pas vous qui parlez, c'est parce que vous êtes guidée, et que vos mots sont des vérités qu'ils ne sont pas prêts à entendre. Lorsqu'ils vous disent que votre regard les effraie, qu'à travers celui-ci une force tente de les atteindre, c'est simplement que comme moi, lorsque vous plongez les yeux en quelqu'un, vous sondez son âme, et qu'ils peuvent avoir peur de dévoiler des parties qu'ils se cachent à eux-même. Moi quand je vous regarde de cette manière, je vois votre grandeur d'âme, je ne vois pas le noir. Lorsqu'une personne est grande comme vous, elle doit travailler l'humilité. Elle doit s'incliner, jusqu'à se mettre au niveau des autres. Après bien sûr, nous sommes des humains. Nous avons des hauts, des bas comme chacun. "

C'était assez étrange, qu'une dame que je ne connaissais pas il y a deux minutes de cela me dise de telles choses.
Même si ce n'est pas la première fois.

Ce qui me questionne, c'est cette propension à se focaliser sur l'ancienneté de l'âme comme critère de beauté spirituelle moderne. Comme si le nombre de vies correspondait à une lettre. Une lettre de bonnet de soutien gorge. Bref.

Combien de fois, finalement, mes amoureux ou amis proches ne sont pas venus m'annoncer qu'un tel thérapeute ou autre illuminé leur avait déclaré qu'ils possédaient une vieille âme chargée d'une mission cruciale pour l'avenir de cette planète? Et que font-ils après cela?
Ils se regroupent entre eux, forment un boys band, un gang spirituel de personnes élevées aux pouvoirs géniaux, une confrérie de super héros? Des super héros qui se permettent de dire ce qui est bon ou pas, ce qui est juste ou pas, ce que sont véritablement les gens et ce qu'ils doivent faire pour être heureux, tout en combattant de leur côté tout un tas de problèmes personnels à tous les niveaux qui mériteraient bien l'aide d'un héros, un vrai, pour sûr.

Et après? Une fois qu'on les a convaincus qu'ils sont grands et puissants?
Ils sont aveugles. Aveugles et manipulables.

Comment reconnaitre un être réellement sage et ancien?
N'est-ce pas celui qui en parle le moins?
Qui n'a pas besoin de se le répéter à longueur de journée?
Qui n'a pas besoin de l'imposer aux autres? Sa sagesse, ses idées?
Qui ne juge pas le parcours d'autrui en fonction du sien?
Qui ne pense pas les courants similaires "presque pareils mais en moins bien"?
Qui ne croit pas détenir LA vérité?
Un être sage, n'est-il pas simplement un exemple de sagesse?

C'est aberrant, tous ces gens qui s'agitent, ergotent et ne vont nulle part, se complaisant dans leur grandeur spirituelle, persuadés de percer le fond des illusions alors même qu'ils ne sont pas foutus d'observer le bout de leur propre nez. Refusant de remettre en question des actes et des habitudes de pensées basiques sous prétexte qu'ils en savent plus que les autres, qu'ils en ont vus plus que d'autres, prétexte fondé évidemment sur une pensée profonde certes mais néanmoins toujours subjective qui entraîne elle-même un jugement tout aussi subjectif et restreint. 
Un maître ne cesse-t-il jamais d'étudier les bases qu'il enseigne? Ne les étudie-t-il pas plus assidument que quiconque?

Je ne comprends décidément pas pourquoi, avec tous ces individus rencontrés autoproclamés spirituellement élevés et éveillés, je n'en ai pas trouvé (ou si peu) des modestes et réellement appliqués dans leurs efforts personnels. Pourquoi ça ne me donne pas envie de les suivre? Certes, ils ont tous eu des vies incroyables et il y en aurait des romans à écrire. Certes ils ont la connaissance. Mais la sagesse? Où est la mise en pratique de leurs tirades?

Après tout, grande ou petite âme, on est logés à la même enseigne. On se fournit chez le même distributeur. On a tous pris le corps qu'on nous a donné et on foule la même Terre chaque jour de notre existence. Bien sur qu'il y a des nuances. Mais les bases, elles sont communes. A se concentrer sur des détails de nos vies passées on en oublie l'essentiel. On parle d'ego, de présent, d'acceptation, d'ouverture. Pourtant, ces mots là qui sortent de notre bouche, c'est avant tout à nous qu'ils parlent. Nous sommes tous aussi uniques que nous sommes similaires. Alors arrêtons de nous croire l'un ou l'autre. Dans le fond, nous ne sommes pas plus grand qu'un autre. Pas plus utile qu'un autre. Puisque nous sommes ici, au même moment, au même endroit, avec l'autre. Nous sommes l'autre. Par conséquent, cette définition ne peut pas être discriminatoire.