dimanche 31 mars 2013

Viennent toquer en ma poitrine les rengaines majestueuses

J'écoute Schubert.

Ça me rappelle cette salle Ravel, le piano à queue et mes pieds nus dansant sur le plancher les yeux fermés. Le deuxième mouvement de la sonate numéro 19. Mon regard lorgnant au dessus de ses épaules et les octaves s'emballer avec ses doigts immenses.

C'était aussi mon inventeur d'énigmes qui aimait Schubert. Je me souviens des premières fois où il l'évoquait, tous les deux dans le garage aménagé en chambre de ma meilleure amie partie au Pérou le matin même. La lumière jaunie par une vieille lampe de chevet, il me disait qu'il s'identifiait parfois au compositeur. Il me le disait avec son air ailleurs, extraterrestre, comme toujours. Il me le disait alors qu'il faisait tourner un disque de Bach en fond sonore, des œuvres pour violoncelle ou contrebasse, je ne sais plus vraiment. On s'était endormis en parlant, l'un contre l'autre. C'est moi qui m'étais réveillé la première. J'avais alors pensé, c'est bien la première fois que je dors aussi confortablement le cou cassé sur le torse de quelqu'un.

Celui-là, c'était un homme né pour s'emboiter parfaitement avec mes songes.
Le corps moulé comme un oreiller aux plumes imaginaires.
Entre autres.

Schubert, c'est également un de ces impromptus présentés en concours. Le dernier notamment. Je suis repartie l'esprit ébahi avec une mention d'honneur et les félicitations du jury. C'était tellement inattendu et gratifiant qu'après ça j'ai arrêté les concours, je crois. Je ne comprenais pas la nécessité d'autant de stress pour un bout de papier, de toute façon.

Aujourd'hui, peut-être, je me sens davantage prête à confronter mon savoir-faire à des individus lambdas ou pas. Parce qu'il y a désormais une intention, une réflexion derrière.
Aujourd'hui, je sais pourquoi je joue.
Et que j'aime jouer.

Schubert, mon premier coup de cœur en cours de technique d'écoute. La jeune fille et la mort en ré mineur, second mouvement d'un quatuor à cordes qui s'installa à jamais en mes esgourdes. Celui là, et la Pavane pour une infante défunte de Ravel quelques mois plus tard. Les années fac. En vue du poids similaire des titres, j'aurais peut-être dû en déduire quelque chose.

Je ne sais rien de Schubert. Je n'ai rien appris de lui, encore moins retenu les leçons.
Je me contente d'écouter la liste entière des résultats de recherche Grooveshark, au hasard des rencontres musicales.
Néanmoins, je finis par reconnaître, les tubes de l'époque.
Cela me parle de plus en plus fort. Viennent toquer en ma poitrine les rengaines majestueuses. Elles m'émeuvent, me transportent. Sans effets spéciaux, ni feux d'artifices. Les yeux grands ouverts, la bouche grande ouverte. Les oreilles. Infiniment respectueuses.

Je suis tellement plus touchée par cette simplicité là.
Parce qu'elle n'est pas pauvre. Mais géniale.
Réduite à l'essence d'une mélodie.

Une mélodie comme celle-là, par exemple :

Piano Trio In E Flat, Op. 100 by Franz Schubert on Grooveshark

Cela me donne envie d'en bouffer au petit déjeuner, du Schubert. L'ingérer en entier. En saisir la profondeur, l'étendue, le centre.
Puis une fois digéré, l'esprit repus, m’atteler à la tâche.
Laisser s'échapper les airs de mon être qui ne demande qu'à s'ouvrir.

1 commentaire:

Du temps à tuer?