lundi 11 août 2014

Comme un voeu à l'étoile

Une embuscade.

Après m'être enfoncée au fin fond du trou paumé de la ville et avoir monté les deux étages du bâtiment, j'entends l'aspirateur gronder de l'autre côté de la porte. Étrange, vu que l'après-midi jeux tant vantée aurait déjà dû commencer une heure et demi plus tôt. J'entre. Nous sommes bien seuls. Deux sur cinq. Les survivants. Pas d'argentin. Pas d'ami joueur de go. Lâchement abandonnés à notre sort. Pour couronner le tout, c'est eux qui devaient amener la plupart du matériel. Nos amis communs étant ceux qui ne sont pas venus nous nous retrouvons donc à deux inconnus, avec trois pauvres jeux, et tout le temps pour apprendre à se rencontrer.

Un mariage arrangé?

Come on. Qu'est-ce que c'est que ce bazar. Au fond de moi, je suis en colère. A l'extérieur, ça me fait rire, ces situations burlesques. Mais quand même. Je suis sûre que son excuse pour ne pas être là, elle était bidon. Et forcément, je ramène tout à moi. Je pense qu'il n'était pas au courant, qu'il n'avait pas envie de me voir, me donner de faux espoir, ou même qu'il était en meilleure compagnie ailleurs. Ailleurs.

Petits pincements au cœur.

Pas si grave, il y avait du pain d'épices maison pour me consoler. Et croyez-le ou non, cette après-midi jeux s'est transformée en condensé de souhaits formulés à la Terre et exaucés dans l'instant présent. Après des parties endiablées de Carcassonne, vers les vingt heures, sa couchsurfeuse italienne est arrivée. Nous avons commandé une pizza et pris la route direction la mer. Tout au bout des roches blanches, guidés par une lune pratiquement pleine, observer les perséides. Peine perdue, l'astre nocturne rayonnait trop puissamment. Dans ce ciel encore éclairé, une étoile filante, seulement. Elle fait écho à la première de la saison qui s'est révélée à moi, cette soirée là. Quand je lui avais avoué que je ne m'étais jamais allongée sur ma terrasse de la sorte, il m'avait demandé s'il y avait d'autres choses que j'aurais eu envie de faire, comme ça. Je lui avais répondu, monter sur mon toit. On s'était promis. Comme un vœu à l'étoile. Qu'un jour, on irait les regarder ensemble du haut de la ville.

Pas d'étoiles filantes cette nuit, mais un bout d'arc-en-ciel lunaire.
Ce n'était peut-être qu'un halo assez lointain et large pour faire illusion.
Mais on a encore le droit de croire en la possibilité que l'on préfère.

Finalement, je me suis laissé embarquer par le maître de maison et son invitée italienne, pour une randonnée au pied levé jusque dans les cimes. On m'a prêté des chaussures de marche, et même si elles n'étaient pas vraiment à ma taille, c'était la première fois. Que j'allais dans les bois, les collines, les rochers avec des chaussures adaptées. Renaissance. Extase de pouvoir avancer légère, en confiance avec un appui réel, une prise dans le sol. Soudain, j'avais des ailes, je gambadais devant. C'était si facile! Moi qui aimais tant marcher, mais qui n'étais jamais à l'aise dans les conditions requises. Je l'étais. Cette fois-ci, je l'étais. J'avais bien moins peur des descentes. J'escaladais avec plaisir, sans craindre la semelle glissante. C'est là que je me rends compte que ce n'était pas une question de compétence chez moi, mais d'outil. Et les barrières, elles n'étaient que matérielles. Perchée sur la roche, au sommet, et le vent transperçant ma peau humide, j'avais cette vue à 360 degrés sur l'horizon. La mer en face, et toutes ces petites îles mystérieuses qui se forment. Je repensais inévitablement à l'argentin et moi face à la mer, à moitié nus sur les rochers, lui s'exclamant en pointant du doigt un lointain carré "je veux grimper sur ce chateau, là" "la dernière fois je suis allé le visiter mais il n'était pas accessible, il faut l'escalader. Viens Anne, allons passer la nuit là-bas, allons escalader le château fort!". Il me demandait souvent si j'aimais escalader. Si je voulais bien monter avec lui. Je croyais pourtant que c'était pas mon truc, tout ça.

C'est con. On parlait de tout un tas de projets. Mon petit potager et la permaculture. Quand je suis rentrée chez moi aujourd'hui, les jardinières et clôtures en bois venaient d'être livrées. C'était une après-midi jeux mais c'est qu'on avait un jeu rien qu'à nous à inventer et construire ensemble. On venait à peine de commencer. Et l'Italie, je ne fais que croiser des italiennes et des lieux de séjours qui s'ouvrent à moi mais, je voulais partir avec lui.

Je voulais partir avec lui.

Mes vœux s'exaucent peu à peu.
Reste le facteur manquant.
Celui qui fait qu'on s'en réjouit qu'à moitié.
Mes vœux s'exaucent mais ne se partagent jamais vraiment.

Des vœux à partager...
Est-ce que c'est pour moi?

Ne devrais-je pas me réjouir de ce que j'ai déjà?


Blackbird by Brad Mehldau on Grooveshark

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Du temps à tuer?