mercredi 10 septembre 2014

Retrouver l'enfant

Les rêves me laissent une telle marque, les yeux grands ouverts...
Une sensation assez féroce, et pas furtive.
Des réflexions, une envie de recherche. Un mythe à démêler. Un secret.

Cette nuit dans mon sommeil, je croisais une petite fille blonde en bas de la rue, de cet appartement où j'ai grandi moi-même. Elle était seule à jouer au soleil, courant sur le béton d'un trottoir à un autre. Le quartier était silencieux, les habitations paisibles. Je crus la reconnaitre. Je pris quelques instants pour m'amuser avec elle, elle répondait par énigmes. A la fin de notre entrevue, touchée par sa beauté et sa pureté d'enfant, je lui donnais un livre de son âge, que j'avais je ne sais pas pourquoi, emporté avec moi. Elle était ravie, le sourire jusque là. Et comme un geste qui tombait sous le sens, elle me tendit le sien. Je regardais ces pages cartonnées, le ciel bleu et les nuages simplifiés, comme dans les images à colorier et le titre, en majuscules, dont la première syllabe m'échappe : DALOUAI, VALOUAI, RALOUAI... Ca me parlait, j'avais déjà lu ce mot inventé quelque part dans un bouquin intellectuel pour adultes, chaque lettre composant l'acronyme d'un état chronologique d'évolution personnelle. Je savais aussi qu'une des dernières lettres formant le OUAI était erronée, selon certains courants de pensée. Et alors que je tenais son livre entre mes mains, tentant de déceler l'ultime énigme qu'elle m'avait posée, la fillette partait en sautillant dans une autre rue, toute excitée, sûrement pour montrer son beau cadeau à sa mère, m'étais-je dit. Je ne la revis plus, mais au delà de son présent, elle m'avait également laissé le sourire aux lèvres.

Le rêve continue. Il est riche. Je croise mon idole de chanteur. Il semble désormais fréquenter mon quartier, mes commerces de proximité. Soit il a déménagé de la capitale pour vivre ici par tous les hasards, soit il me suit. Étrange. Au début, je l'évite un peu. Je finis par l'inviter. Après tout, maintenant qu'il est là, tous les jours, je ne peux plus passer à côté. On se donne rendez-vous dans la soirée, comme il termine après moi et qu'il ne connait pas trop l'endroit, je le devance pour choisir le restaurant. Je marche seule dans des contrées que je n'avais plus foulées depuis longtemps. Je me sens nostalgique, un peu déconnectée. Si bien qu'à un croisement, je me trompe d'embronchement. Je m'en rends compte une fois que j'ai bien avancé. Je me dis qu'il sera peut-être plus facile de trouver un resto sympa par ici, mais que ça fait peut-être un peu trop loin à pied pour lui, et qu'il ne m'attend pas dans ce coin là. Je reviens sur mes pas. Tourne à gauche cette fois.

Les petites terrasses traditionnelles commencent à empiéter sur les trottoirs. J'adore ça. Un quartier complètement fictionnel de mon enfance, mais dans lequel je m'y sens comme chez moi. Les passages entre les tables se font étroits. Je bouscule une dame d'environ mon âge, on s'excuse mutuellement. Il m'a semblé qu'on voulait s'asseoir à la même table. Par politesse, on s'arrange un peu, réussissant à faire un compromis. Nous sommes voisines de tablées. Je crois la reconnaître. En fait, j'en suis sûre. C'est elle. (même si pas vraiment) Et la bouclette blonde de gamine que j'ai rencontrée un peu avant, c'est la sienne. Je souris complètement désormais. Je connais par cœur leurs frimousses, mais pour elles, je ne suis qu'une lectrice inconnue sans visage.

Nous attendons toutes deux quelqu'un. Je ne peux m'empêcher de lui adresser la parole, commençant à lui raconter mon apparition de ce matin, comme une cerise sur le gâteau de ma journée dès le soleil levé, et la boucle qui se boucle avec elle en face de moi, la mama, la génitrice de ce bout de chou angélique et adorable. Je lui raconte le livre que sa petite m'a gracieusement offert, et celui qu'elle a reçu en échange, qu'elle a dû s'empresser de lui montrer, comme je me l'étais imaginé lorsqu'elle avait disparu dans l'angle de la prochaine rue sans me lancer d'au revoir. Je vois sa mère changer d'expression au fur et à mesure de mon histoire, dépitée, ne réussir qu'à me sortir :

- Je l'ai perdue...

En guise de conclusion à mon récit joyeux.
Je reste sans voix. Ils ne la retrouvent pas, ne savent pas où elle est. Elle m'annonce cela avec désespoir, comme si elle avait déjà baissé les bras. Trop cherché en vain. Et qu'elle ne voulait plus aborder le sujet, parce que ça la rendait triste. Qu'elle voulait continuer à vivre, en attendant que les autorités la retrouve, sans s'apitoyer sur son sort, s'imaginer le pire, se culpabiliser à outrance.
Je réalise alors que cette petite puce qui courait en bas de chez moi n'avait déjà plus nulle part où aller lorsque nous avions échangé quelques mots. Et moi qui pensais qu'elle allait rejoindre sa maman, toute excitée par son cadeau. Elle n'allait rejoindre personne. Elle voguait juste avec le vent et les aléas. Sans destination. Mais sans perdre le sourire et le pétillement qui fait le propre des yeux d'une enfant.

J'ai pensé qu'elle n'était pas si perdue, puisqu'elle se baladait dans le coin. Que ce n'était pas si vain. Qu'ils la récupèreraient bientôt. En tout cas, je l'ai souhaité très fort. Mon idole de chanteur est arrivé, s'est assis en face de moi. Nous avons continué la discussion entre tables interposées, malgré nos convives respectives. Il s'est un peu ennuyé, je crois. Puis le rêve s'est poursuivi, sur d'autres chemins, d'autres perspectives...

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