vendredi 23 novembre 2012

Illusoire

Alors que je l'informais que pour moi c'était 50/50, une chance sur deux de me faire larguer avant le grand voyage, lui me parlait de sa copine qui lui avait fait les parties piano de son nouveau disque en se frottant le front "enfin, ma copine, je ne devrais plus l'appeler comme ça". Quatre ans la durée de l'histoire, et trois mois qu'il est célibataire. Elle veut revenir, parce qu'ils s'étaient quittés bêtement, sur une résignation commune.
Elle voulait un enfant.

Et moi. Deux mois depuis cet instant où je vois mon garçon des étoiles m'annoncer "je ne sais plus si je veux que tu m'accompagnes" "tu sais, si tu tardes à me rejoindre, un mois, deux mois, ce sera peut-être trop tard". Le laisser y réfléchir tout seul et se sentir moins emprisonné, l'entendre au téléphone s'exclamer de joie "aujourd'hui, j'ai fait ci et ça, ceci et cela, j'ai créé continuellement, c'était génial" "j'ai fait tellement de choses que je n'arrive pas à faire quand tu es là", ça me laisse sans voix. Perplexe. Blasée.

De toute façon, je suis blasée.

Quand j'y repense. J'étais tellement bien toute seule.
Je le suis encore.
J'aime ces moments où je ne rejoins personne.
Alors pourquoi?
Pourquoi se forcer?
Je l'ai choisi lui, parce qu'il avait la flamme. Mais elle s'estompe si vite.
Illusoire.

Je suis blasée. Peu importe l'issue de ce drame. Et s'il me laisse le vide aux bras, le rien entre les doigts. L'absence d'être, de ville, de chez soi, d'appartenance. L'absence de projet et d'avenir. La remise à zéro subite pas du tout négociée. J'avais tout misé sur toi. T'avais tout pour qu'on soit heureux et c'est pour ça que je t'ai choisi, t'ai demandé du temps, pour apprendre à cultiver l'amour qui n'en était qu'à germe, même si j'avais espoir. Et l'âme d'une jardinière consciencieuse.

Mais à la place, c'est toi qui baisse les bras.
Fuck.
J'avais fini par m'imaginer partir sur tes terres australiennes, moi qui porte encore en moi le cadavre de mes anciennes projections malheureuses. Peu importe.
Finalement.
Peu importe.
On peut anticiper, parer aux éventualités mauvaises.
Se protéger comme on peut.
C'est toujours pareil.
C'est juste que ça arrive plus tard.


Le décalage.
Le déséquilibre du sentiment que l'on se partage.
On peut pas une fois être sur la même dose d'émoi ensemble, au même moment, et s'en contenter.
C'est bien trop compliqué.
Même lorsque l'on agit avec prudence.
Alors fuck.

J'aurai essayé un tas d'approches différentes, tenter de se fouler le cœur le moins douloureusement possible.
Au final, il n'y a pas plus d'amour.
Au final, c'est la même bouse dans laquelle on se plante, qu'on voit venir de loin, loin, sans pouvoir bifurquer, juste, arrêter le moteur. Descendre de la bagnole.
Se casser hors des emmerdes.

J'étais bien moi toute seule!
J'voulais juste pas d'une histoire sans lendemain.
D'une moitié de relation accomplie.
J'voulais construire quelque chose.
Quitte à un peu se forcer la main.
Parce que c'est pas dans nos habitudes.

Alors, il me suffirait de retourner à mon état initial.
Marcher le long des rues les yeux dans les nuages, des airs de mon idole de chanteur en tête, semi amoureuse, semi rêveuse, ça fonctionnait très bien avant. Ça ne faisait de mal à personne. Les mots me venaient naturellement, remplir mes carnets à images et fantaisies multiples, produire l'idéal de ma vie dans mes espaces creusés d'inspirations nocturnes et de temps en temps, lui écrire des déclarations à n'envoyer sous aucun prétexte. L'introvertisme prude de mes envies déliées.

Assis dehors à grelotter un peu sur la terrasse de ce bistrot parisien, mon idole de chanteur et moi on se rejoignait sur la même conclusion intime. On est bien, juste avec soi. Besoin de rien d'autre. Libre d'explorer les horizons. Tout en se serrant fort contre nos cœurs, chercher à se revoir.
Je suis bien, seule.
Je suis bien, avec toi.
Et c'est comme si ça ne faisait aucune différence.

jeudi 22 novembre 2012

Le coeur valser dans le tourniquet

J'ai eu beau m'imaginer un nombre incalculable de fois cette journée parfaite dans son ensemble, touche par touche, poser les ingrédients de la farce qui la rendent exquise, me repasser le film de mes fantasmes à travers la vitre du métro, je n'aurais pas pu imaginer cela se concrétiser sous toute sa forme. Mon rendez-vous idéal avec mon idole de chanteur.

Après toutes ces années d'abstinence expressive, de soupape émotionnelle jamais prête à s'ouvrir, c'était maintenant. C'était tout ce que j'attendais.
Un moment simple.
Un échange, sans pudeur.
Sans retenue.
Parler d'amour. Qu'est-ce que j'en avais envie. Parler d'amour avec celui qui pour moi l'inscrit par ses notes en mes oreilles, au quotidien.
Se confier. Se raconter nos expériences. Se partager nos idées et lubies, nos prises de conscience.
J'ai aimé ce type sans le connaître, sans savoir.
A en vomir ce matin, avant de le voir.
Dans tout mon corps, être affectée par la rencontre, comme s'il était question de vie ou de mort.
Alors que bon.

C'est absurde, et je l'admets. Et j'en rirais volontiers.

Quinze heures, et avec une demi-heure de retard. Mais il avait amené les mignardises.
Jusqu'à minuit devant le tourniquet.

Marcher longtemps. Traverser Paris. Se tromper. D'itinéraire. Dévier les sujets. Sans se regarder. Ne pas s'épiler l'âme trop fort.
L'entendre dire qu'il me trouvait belle.
Se raconter nos timidités respectives.
Mettre en scène ses râteaux et mauvais coups du sort, ses efforts pour y aller plus franco retombés à l'eau.
Un homme attendrissant.
Pourtant.
Il n'a pas mâché ses mots pour s'excuser de ne pas m'inviter chez lui.
"Je t'aurais bien hébergée ce soir, mais ma colloc a organisé une fête avec des gens un peu cons et dedans il y a cette amie de mon ex, ce serait maladroit de t'amener avec moi surtout que tu aurais dormi dans mon lit."
Un homme paradoxal.

Est-ce parce que je lui ai avoué trouver cela étrange et non naturel que le premier contact intime avec l'être qui nous plait se fasse par l'intermédiaire du baiser?

Toujours est-il que devant la bouche du métro, il a tenu à m'accompagner, descendre les marches pour inévitablement les remonter je me suis moquée de lui en lui signifiant l'absurdité des gestes mais peut-être voulait-il seulement se donner l'élan. Me demander combien de temps je restais encore sur la capitale, s'accorder à penser que c'était un chouette moment, surprenant, et après les bises de convenance, me glisser un sourire agrémenté d'un "merci pour tout" avant de m'entourer de ses bras quelques instants, respirer dans son torse, se caresser l'échine à travers nos six épaisseurs de vêtements et repartir vite fait à nos vies d'accoutumances, sans se retourner, le cœur valser dans le tourniquet, la tête ailleurs, trembler devant les quais, redescente rapide d'une réalité rêvée devenue rêve réalisé.

J'ai encore du mal à m'y faire.

lundi 19 novembre 2012

Papillon noir

Danser à poil chez soi sur du Bl*ck L*ght Orchestra, c'est ça la vie.
Un regain d'énergie.
Et la nostalgie qui s'immisce comme une squatteuse d'ambiance.

Alors j'ai pris la plume du bout des doigts, rompre une page blanche de cinq années immenses.
Je lui ai écrit qu'il était un cadeau.
Parce que les gens se doivent de savoir, lorsqu'ils apportent réconfort à autrui, à quel point ils peuvent être doux et utiles en cette période de froid glacial dans les cœurs.
Parce que, de là où il est, il en a peut-être besoin.
Besoin qu'on lui rappelle des évidences.

J'ai écrit à ce Mr Oblique comme si l'on s'était quitté hier à la porte du garage d'où sortaient des airs manouches reprisés à la sauce Miguel. Une époque d'insouciance. Un bonhomme tombé de nulle part, et surtout d'Ecosse, son chapeau melon en poche, sa clarinette sous le bras, un charme british d'une grande école. Des histoires à dormir debout, comme il est si doué pour les raconter. Et un rendez-vous, jamais honoré, autour d'un piano d'un magasin de musique dans une de ces rues animées par une joie désordonnée.
Si j'avais su franchement, que je ne le reverrais plus.
J'aurais fait l'effort, je crois.
Honte à moi.

Il n'est peut-être jamais trop tard.

jeudi 15 novembre 2012

Allez viens, on arrête d'être cons

Depuis que nos peaux se sont frôlées pour de bon, je rêve de lui toutes les nuits. Les matins je cogite. Quelques heures, j'émerge de ces aventures lumineuses.
Je ne sais pas trop comment me positionner dans cette affaire.
Si je dois laisser tomber, ne plus perdre de temps à ça.
Si je dois persévérer, comme un investissement sur l'avenir.
Et qu'un jour, mes efforts me profitent.

J'ai eu envie plusieurs fois, vraiment, de passer mon tour. D'abandonner mon espoir sur une aire d'autoroute. Ça fait bientôt trois ans maintenant et je m'étais dit que l'émoi finirait par s'essouffler comme une fatalité.

Parce qu'il peut bien être celui que je brûle de connaître.
Il en reste mon chanteur préféré.
J'aurai beau l'effacer, l'oublier, le mettre dans un coin, il ne disparaîtra pas. Il s'immiscera entre mes tympans, se fredonnera en ma mémoire. Il sortira tous les deux ans un nouveau disque et c'est si con de se priver d'une telle musique pour un seul homme. Bon, en l’occurrence, celui qui la façonne.

Que faire?
Je m'en vais peut-être pour une année dans un pays dont il est étranger.
Imaginer ne pas lui parler un temps si prolongé m'achève un peu.
J'aurai toujours ses chansons accrochées à mes oreilles alors, ce n'est pas comme si nous allions très loin l'un de l'autre.
Mais si, quand même.

Comment lui dire?
Je voudrais saisir cette dernière chance. Cesser de faire l'enfant et défoncer ses murs. Allez viens, on arrête d'être cons. On laisse la timidité de côté et on se dit vraiment ce qu'on a à se dire, depuis tout ce temps. On range nos statuts respectifs et on se jette sans filet, sans entrave à l'expression. On s'ouvre, juste. Parce que c'est forcément par là que tout commence.

Alors, pourquoi n'y sommes-nous pas encore?

mardi 13 novembre 2012

A deux doigts

Le 11.11.12 à 02h17

Malgré les intempéries et les bottes ruinées par la boue, les marches loupées les jeans déchirés, malgré l'appréhension des échecs successifs, le cœur noué par l'attente et les regrets, il y eut sa main.
Enfin.
Ses doigts chauds et chaleureux rencontrant le glacé de ma paume. Un choc thermique d'une douceur extrême. D'un réconfort infini et soudain qui embauma mes doutes. Le clin d’œil de la fin me dévoilant l'happy end alternative, si jamais elle put être pour moi. C'était comprendre que cet entremêlement là de doigts, ce n'était pas si loin et improbable et qu'ensemble, ils créaient quelque chose.

D'eux-mêmes.
De leur propre initiative.

Ça me soulagea du poids de l'amour impossible.
Savoir que sa peau avait été acceptée sans rejet de greffe, et qu'il n'avait pas bougé, pas émis l'ombre d'un sursaut, même si ne nous le cachons pas ce sont nos âmes qui ont frémi en secret, en silence, qu'il accepta mon geste, simple, spontanné.
D'ailleurs je me suis étonnée toute seule, ça ne me ressemblait pas.
Soutenir de ma main la sienne en dérobant une part de sa tatin, cela pourrait paraître anodin, mais en deux ans d'existences communes, nous ne nous étions jamais osés à nous toucher de la sorte, mélanger nos effluves.Trop de pudeur.
Trop de respect peut-être.
Et timidité mal placée.
Trop d'orgueil.

Ici, je n'ai plus rien à perdre.
Je sais déjà que tu n'es pas à moi.
Que je suis à un autre.
A deux doigts de partir.
Deux doigts.
Posés sous cette tarte.

Qui tendent encore à caresser l'espoir.

samedi 10 novembre 2012

Rouge gorge, comme la braise

En relisant de vieilles conversations je tombe sur des fragments qui résonnent :

"Merci
un jour j'essaierai de te remercier dignement
mais pour l'instant je peux pas
j'y arrive pas
mais sache au moins que j'aimerais bien le faire."


C'était il y a six ans.
Depuis, j'attends toujours qu'un jour, il s'exécute.
J'attends son merci qui vient du cœur.
Même si, en écrivant cela, il a déjà fait tout le trajet.
Jusqu'au mien, c'est certain.

Je me dis que c'est loin tout ça. Qu'on était jeunes. Quand je me remémore les rencontres et les gestes, ils étaient insouciants, vifs, audacieux et illogiques. Irréfléchis. C'était quand on voulait simplement impressionner l'autre par nos talents pas naturels, et qu'on s'essayait à l'exprimer. Sans la contrepartie en tête. On avait peur bien sûr, pour des trucs bateaux qui aujourd'hui nous feraient rire en nous émouvant un peu. Alors on tournait autour du pot, en se chamaillant de tout ce qu'on pouvait. Avec toutes nos tripes, se les lancer à la gueule. S'éclabousser le visage des couleurs de nos entrailles.

Mais je ne me souviens pas avoir aimé quelqu'un de cette manière. Si jouissive. Vivante.
Cette attirance, elle prenait parti de l'ardeur de la jeunesse.
M'y replonger dans tous ses textes, c'est comme palper un cœur rigide.
Un souffle posthume d'une histoire vite oubliée.
Pour l'autre, bien sûr.
Pour l'autre.

Et ce soir, lorsque je soulèverai le drap, il y aura luisant comme un astre mon garçon des étoiles blotti tout contre la place qu'il me tenait au chaud. Je le regarderai un instant dormir, le sourire attendri et je lui caresserai le visage en lui murmurant tout un tas de superlatifs. Alors, encore dans son rêve, il embrassera l'air pour répondre à la tendresse. Il fait toujours ça. Des baisers dans le vide.

On ne peut pas comparer toutes les histoires.
C'est parfois une peine inutile.
C'est parfois même incomparable.
Le temps, les contextes et les prises de conscience.
Le chemin parcouru.
Seulement, de temps en temps, il m'arrive d'avoir l'impression qu'en sachant moins de choses, j'en comprenais plus.

mercredi 7 novembre 2012

Dédale

J'aime cette ville.
Enfin, j'aime surtout y être.
Marcher dans ses rues. Ça m'émeut.
Je suis émue. Par ce simple geste.
A ma portée, je pourrais être heureuse en sortant tous les jours.
Je pourrais devenir émotive.
Je commence à penser pouvoir y appartenir.
En faire un chez moi.
Un séjour.
Mais il va falloir partir.
A peine le temps d'en faire un désir concret, qu'il faut déjà le céder.
L'appartement.
Le cocon d'amour.
Je n'ai pas envie de partir.
Je n'ai pas envie de partir.
Encore un peu.
Accordez-moi pleinement ce temps qu'il me reste.

dimanche 4 novembre 2012

Jour polaire

Il est encore deux heures et demi du matin sans que j'aie pu y faire quoi que ce soit.
Il est rare que je puisse avoir autant de temps avec moi-même, sans accro ni surprise alors. Je chasse le sommeil. Je dormirai une prochaine fois. Me dis-je toutes les fois.

Il faudrait franchement des journées de 26 heures.
28, même.
Pour les grasses matinées.

Ça doit pas être trop compliqué à mettre en place. On pourrait préparer une pétition. Qu'on remettrait ensuite à un cosmonaute qui s'envolerait dans sa fusée, un astronaute de la poste, la délivrer au soleil et à la lune, leur demander gentiment de décaler d'une heure ou deux leur levée quotidienne respective. Ça ne leur ferait aucune différence à eux, à part pimenter un peu leur routine plan plan établie depuis la nuit des temps. Pas plus de travail qu'à l'accoutumée. Après tout, comment peut-on compter les heures supplémentaires sur une éternité ou presque?

Ah oui. J'oublie souvent que le temps d'ici a une forme très humaine, adapté à son environnement proche. Les montres et autres calendriers. Ce sont tout de même des inventions fabuleuses, qu'on utilise depuis pratiquement toujours. L'heure. Alors que chaque pays vit sa propre saison, son propre climat, sa propre culture, alors qu'au même moment le soleil se couche à l'ouest pour les uns et se lève à l'est pour les autres, que pour d'autres, rares, perchés tout en haut, il se repose au même titre que ceux pour qui, perchés tout en bas, il brille avec insistance, alors que certains fêtent le nouvel an en janvier, certains en février, certains rentrent en classe en septembre, certains en avril, qu'il y en a qui n'ont ni nouvel an ni rentrée scolaire, tous, me semblent-il, tous possèdent l'heure.
Tous possèdent le temps.
Ils n'ont peut-être pas du temps à eux, ni même pour eux.
Mais ils l'ont, dans la forme brute.

Chacun sait qu'il est le milieu de journée lorsque le soleil est au dessus d'eux. Instinctivement, je crois.
Je me demande bien comment se déroule une vie quand on approche un pôle. Se plient-ils aux montres des hommes qui ont fait le cycle, ou s'allongent-ils avec les jours?

J'en reste subjuguée.
Cet état de captivation intense m'ensuque un peu.
En même temps, vu l'heure...

samedi 3 novembre 2012

Calcul mental

Je parviendrai peut-être à tenir un rythme de vie régulier lorsque les jours compteront 26 heures.

vendredi 2 novembre 2012

Arret maladie

On peut être jeune et être déjà tombé amoureux. Avoir vécu des expériences multiples et singulières. Des amourettes naïves, quand on connaissait pas le mode d'emploi. Et puis, des déceptions qui valent pour toute une vie.

J'ai l'impression que la mienne file en accéléré, empilant les existences comme on empile les mottes de foin, écrasées par le poids des années. Je ne sais pas si c'est en rapport avec mes sens exaltés et mes émotions crues. Ou si c'est juste mère nature qui s'est acharnée avec les pots de peinture penchée sur mon berceau à saturer mon monde en couleur et intensité. Je ne peux pas savoir si, techniquement, je respire plus fort que les autres.

Ce n'est qu'un ressenti.

Certains se transforment parfois en certitude.
Celle d'avoir trouvé l'homme de notre vie.
Qui s'en va la faire ailleurs.
Ça reste.
Qu'il puisse se marier si jeune.
Histoire de bien anéantir l'espoir.
Même celui qui ne fait de mal à personne, logé au chaud dans nos inventions romanesques.
Je n'ai jamais eu que cette certitude là je crois.
Eh bien ça t'apprendra, tiens.

Evidemment, les rêves se foutent allègrement de ce qui est possible ou non de réaliser.
Alors ils continuent à rendre cela crédible, les renouements, les happy end. Et le matin, je les engueule et leur mets des mauvaises notes.
Eux, ne comprendront jamais la leçon.

Il y en a bien eu, des leçons retenues. Sur les mensonges, les jalousies et colères excessives, les dépendances, les excès. Les départs, les retours incertains, les jeux d'emprise, de séduction et les illusions. J'ai encaissé, souvent en silence, avant de pouvoir mettre quelques mots dessus. J'ai aussi essayé un paquet d'alternatives, ne voulant jamais recommencer deux fois la même histoire. J'ai couru après des amours non partagées, des amours en pointillé, simulées, insinuées, j'ai couru après des amours rendues, des amours tendues, teigneuses, destructrices et passionnelles, fusionnelles, improbables, délectables, uniques, parfaites, trop parfaites. J'ai couru après l'amour.
Et parfois, je l'ai rattrapé.

J'ai aussi couru après les rêves et les fantasmes. J'en ai rendu palpables quelques-uns. J'en ai également aperçu la limite. De mes envies, de ce dont j'étais capable. De ce que je voulais faire ou ne pas faire, vivre ou ne pas vivre. De ce que je ne voulais pas subir, ni faire subir à autrui. J'ai pu observer où se trouvaient mes libertés. Et même si elles restent à l'intérieur d'un cadre, il est très, très vaste.

Alors, il faut garder espoir, et aller de l'avant.
Malgré les déceptions et la crainte que l'inconnu nous ravage. Même si certaines couleurs s'estompent avec l'âge. Je ne suis plus une enfant. Il m'est difficile de sauter à pieds joints dans l'amour et les opportunités sans tenir compte du chemin parcouru et des différentes menaces. Mon coeur s'est refermé lentement pour chaque coup ascéné. Aujourd'hui, il n'est plus qu'une boule sur laquelle gisent les cicatrices.
Mais j'ai confiance. Une fois que les croûtes seront toutes tombées, comme neuf, il pourra à nouveau se déplier sans que cela ne le fasse souffrir.

Les douleurs mal digérées ne prennent jamais de jours de congés.
Heureusement, les cadeaux de la vie et petites joies qui réchauffent non plus.
Il suffit d'accepter de trimballer son gros sac bourré de vécu avec soi, le bon comme le mauvais.

Et un jour, le larguer sur la route.