mardi 8 janvier 2013

J'ai fait une rencontre

J'ai fait une rencontre.
Dans ce bal effréné, quand emporté par la foule il s'est retrouvé derrière moi, j'ai senti son emprunte.
Solaire.

L'envie définitive de le connaître s'est installée en moi lorsque j'ai intercepté son accent québécois entre deux applaudissements. Il était un sourire. En tout cas sur mes lèvres.
Quand je suis sortie transpirante respirer un bol d'air frais, j'ai aperçu mon ami violoniste qui devait me rejoindre, en compagnie de cette idole de chanteur.
Surprise, qui n'en est plus vraiment une. Un peu comme le comique de répétition, ça finit par s'anticiper. Et à leur tablée, le troisième compagnon était ce québécois solaire qui me titillait l'esprit depuis.

Nous avons discuté, d'une manière tellement limpide et facile, décontractée. J'ai été répugnante dès les premières secondes, à enchaîner les blagues affreuses et il riait, il riait, de son humeur rayonnante. Nous avons dansé à deux la dernière danse, interrompus par l'annonce de la fermeture du bar et je suis repartie seule avec ma rose.

J'aurais voulu lui dire "hey toi, tu me plais, rentrons ensemble et faisons l'amour avec humour".

Mais il m'a coupé l'herbe sous le pied en noyant mes questions et mes propositions par du vague et de polis refus. Il ne m'a rien laissé, à part un "au prochain bal" qui a lieu dans deux mois. Quand j'ai rétorqué que deux mois c'était long il a répondu "non, ça va". Bide total.

Malgré tout, ayant récupéré la carte de visite qu'il avait donnée à mon ami violoniste, je lui ai envoyé un message le lendemain. Très courtois, concernant le groupe auprès duquel il devait m'introduire pour le boulot. C'est lui qui m'a rappelée plus tard me proposant de partager un café dans la soirée.

Etant vagabonde dans Paris, j'ai été assez directe en lui parlant avant toute chose de dormir chez lui, question pratique pour les sacs à dos encombrants. Il a refusé entre deux fous rires. C'est fou à quel point le ridicule des uns peut éclater les autres.

Nous avons arpenté les rues sous un ciel violet presque onirique, cherchant les recoins où se forment les musiques. Puis, entre deux sujets, il a avoué habiter avec une elle. Je comprends, je comprends...
J'ai envie de dire, pourquoi veut-il me revoir alors?
Puis, si je réfléchis, c'est tellement ce que j'attends de quelqu'un.
C'est tellement ce que je fais aussi.

Nous avons alors échangé une certaine beauté du geste.

Et nos pas sur le retour, sous le tunnel de la ligne 14, il a prononcé ces mots qui remettent le cœur en place.
Il a dit, à peu près :
- "Ce sont les gens comme toi, qui persistent à continuer leur non-projet, qui montent de grandes choses. Ceux qui refusent de vivre si ce n'est pas pour aimer ce qu'ils font. Ils attirent souvent la chance, et finissent par entraîner les autres avec eux, qui ressentent ce plaisir là qu'ils prennent à être. Pour en avoir déjà rencontré, je suis persuadé que tu vas aller loin dans ce non-projet que tu mènes."

Il n'a pas vraiment saisi ce que j'étais en train de lui répondre lorsque le métro s'est garé devant nous.
Je lui expliquais que si je transmettais les choses de cette manière particulière, c'était pour être utile. C'était pour servir. Parce qu'être sincère et entière dans ce qu'on donnait, ça aidait toujours quelqu'un. A réfléchir, encourager, se remettre en question, dans sa vie, que ça touchait, troublait, guérissait parfois. Que ce n'était pas qu'un cri dans l'immensité du monde. Et qu'il avait la possibilité d'être entendu.

Seule dans le wagon me ramenant à la vie normale, je lui ai écrit un dernier message.
"Et si jamais d'ici samedi en passant par Paris tu avais du temps à tuer, on pourrait toujours l'abattre ensemble."

J'ai fait une rencontre.
Elle a mis du baume sur mes doutes.
Et demain, s'il le veut bien, ce sera au tour de mon idole de chanteur.

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Du temps à tuer?