dimanche 20 janvier 2013

Il est des notres

Je devais rentrer samedi et nous sommes mercredi soir.
Mon petit studio dans le sud, la solitude soufflée par les notes envolées des scherzos de Chopin.
Bredouille.

Le soir du réveillon, je m'étais enfuie par la porte de devant, pressentant l'entourloupe.
Tu revenais d'un tour du monde de 14 mois et à la question "maintenant quels sont tes projets?" tu avais annoncé "me barrer travailler au Brésil". Ça puait la redite. La veille d'un faux départ pour l'Australie. M'enticher d'un autre dont l'esprit est déjà loin. J'avais pas trop réfléchi, j'étais partie. Te laissant là où se posaient les draps, avant de m'attacher à ta chair. Je le savais. Que ça allait être rapide.

J'ai regretté, un peu.
Tu m'avais rallumée.

Après ça, je cherchais emprise. Un corps sur lequel m'agripper. Après toi, je faisais des vas-et-viens vers l'occasion innée, me prenant des râteaux à la pelle, comme rarement on repousse une fille. Peut-être visais-je trop haut, peut-être étais-je trop directe, effrayante dans l'assurance de mes envies. Peut-être que me faire courtiser, j'en avais rien à foutre. Que ce que je voulais moi, c'étaient des bras. Des bras qui ferment leurs bouches. Et ne parlent que d'eux-mêmes.

Puis ce weekend, comme une surprise d'anniversaire qui foire sur le palier de la porte, on me dit que tu montes sur Paris quelques jours sac de rando sur le dos explorer les pays du nord.
J'ai hésité.
Ai repoussé mon départ.
Nous nous sommes retrouvés là, à trois sur le canapé lit, les pieds sur la table basse, sans fermer l’œil de la nuit.

Je t'ai trouvé beau.

J'ai voulu te toucher.
Alors, dans le noir de ce troquet que je connais très bien, j'ai déroulé mes doigts sur ta jambe et lorsque tu as intercepté ma main pour la recueillir contre ta paume, ça m'a fait comme la première fois.
Des picotements entre les cuisses.

Tu n'es pas allé visiter les pays du nord.

A la place, tu as parcouru ma peau, toutes ces heures où tu ne trouvais pas le sommeil.
Je me suis attachée très vite, comme prévu.

C'était ta douceur, tes doigts qui filaient sans heurts le long des courbes et cette capacité instinctive à me saisir avec force lorsqu'il le faut. Mon coeur qui s'emballe à l'idée de se coller contre un autre battement, un autre rythme. Contre ton torse. Magnifique. Ta silhouette, ton corps entier. Je reste ébahie devant la précision anatomique de tes formes au toucher, à la vue, mes yeux se brouillent, soumis, mon être ronronne.
Charmée devant un physique comme cela m'arrive peu.

Nous ne nous mélangerons pas en entier.
Mauvais timing, mauvaises dispositions, mauvais contextes.
Ce n'est pas faute d'avoir essayé, ni tendu la perche.
Tu as bien quelques fois tenté de la prendre mais bon.
Tu n'avais pas le cœur à bondir.
Je m'en veux de ne pas l'avoir compris plus tôt.

Les rencontres ne sont-elles pas minutieusement orchestrées par la vie malicieuse?

Tu allais décoller en février pour la Colombie t'installer avec ton amoureuse qui t'attendait là-bas. Mais, quelques jours avant le nouvel an, elle t'annonce qu'on lui a proposé une mutation au Costa Rica et qu'elle compte s'y rendre sans toi. Ta superbe projection mentale s'écroule avec toi et tu te retrouves sans travail, sans amoureuse et sans lieu de vie pour les mois à venir. J'ai envie de dire...
...bienvenue au club coco.

Cette situation n'est quand même pas des plus banales, non?
C'est franchement incroyable qu'on se retrouve toi et moi simultanément dans le même embarras.
Évidemment, nous n'avions aucune idée de nos similitudes avant de se plaire l'un à l'autre.

On était mardi, je devais prendre mon train dans moins de deux heures quand je t'ai avoué la tête enfouie dans l'oreiller :
-"Je n'ai pas envie de rentrer. Je n'ai pas envie de te laisser. Parce que...je crois que je t'aime bien."
A cela, tu as répondu que tu étais complètement paumé.
Perdu dans tes doutes, éparpillé.
Que tu ne savais pas quoi faire de ta vie, que tu n'avais rien de concret à m'apporter, que tu n'avais pas de travail. J'ai été surprise :
-" Je n'attends pas de toi que tu travailles. En fait, je n'attends rien de toi."
Mais ça n'avait pas l'air de te consoler plus que ça.

Je le répète, je m'en veux de ne pas avoir compris sur le moment combien était puissant ton mal-être. Je soupçonnais que ça n'allait pas, mais je ne savais pas à quel point. Quand tu m'as demandé s'il m'était possible de faire s'évacuer les nœuds profonds de ton être. J'ai acquiescé. Je n'ai pas compris que tu voulais que je le fasse, maintenant. Parce que tu ne supportais plus ta douleur intérieure. Ce n'était alors pas la drogue qui t'empêchait de dormir. C'était toi-même. C'étaient tes questions incessantes qui parasitaient ton repos.

Moi, j'étais encrée dans mon désir.
Tu étais beau. Je voulais toucher.
Alors, je suis passée à côté.
A côté de l'interrupteur que tu me tendais précautionneusement pour que je fasse exploser toutes tes barrières et qu'enfin tu te livres à quelqu'un sans demi-mesure.

Pardon.

Pardon pour mon égoïsme.

La dernière nuit, en rentrant de nos soirées respectives, tu étais distant. Tu as dormi loin de moi en évitant les caresses. J'ai pensé que c'était parce que tu ne voulais pas que je me fasse de fausses idées, de vaines promesses. Je t'ai reproché en mon esprit de gâcher ce temps qu'il nous reste. Puis, assez déçue, je me suis rendue à la gare seule en esquissant un vague au revoir antisentimental. Faisant le point sur les faits, persuadée avec le recul de t'avoir un peu forcé la main et concluant que tu avais en premier lieu à te remettre sur pieds avant même de penser à prendre de mes nouvelles.

Deux jours plus tard, dans mon petit studio, je reçois une foule de textos en retard, un problème avec mon téléphone surement.
Des messages de toi datant de plusieurs jours qui criaient expressément, "je ne vais pas bien" et quelques autres où tu te souciais de comment j'allais et si j'avais pu avoir mon train dans les temps.
Je me suis sentie con.

J'ai cru que tu ne penserais pas à moi.

J'avais parié avec quelques amis que tu ne me contacterais plus.
Mais ce soir, c'est à moi que tu te confies en t'excusant.
"Je ne devrais pas te mêler à ça mais c'est comme si tout s'écroulait derrière moi."
Tu n'as pas l'air d'être quelqu'un qui quémande facilement de l'aide ou qui a l'habitude de se reposer sur les autres alors touchée que tu te tournes vers moi, je me suis engagée.
"Si tu as besoin d'un soutien, je veux bien me dévouer, le temps que tu te relèves."

Je me demande si ce n'est pas moi qu'il faudra ramasser une fois que tu t'en iras.

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Du temps à tuer?