Je me rappelle, c'était un peu avant Noël sur la capitale.
Une tonne
de mois que je n'avais plus visité Paris. Il m'avait dit, "amuse-toi là
bas, ne te retiens pas pour moi alors que je ne peux t'apporter l'amour
que tu recherches". J'avais pensé, encore ce manque de confiance en soi
biaisé par une forme équitable d'échange. Quand mon sorcier
bienveillant m'avait posé la question "et si jamais il devait y avoir
quelqu'un d'autre après moi, tu verrais qui?" je lui avais répondu sans
détour ni hésitation le prénom de ce garçon à la rencontre atypique.
Je lui avais raconté le coup des bras tendus pour pleurer, et aussi de
comment ça c'était fini, c'est à dire du jour au lendemain, un bon coup
du lapin sans aucune excuse et plus de nouvelles avant son départ pour
la Californie. Puis je m'étais ravisée. Même s'il me plaisait plus que
les autres et qu'entre temps par de longues séries de mails nous nous
étions platoniquement rabibochés, je ne crois pas pouvoir construire
quelque chose de sérieux qui tient la route avec un homme pareil.
C'était un peu avant Noël donc.
Mon garçon des étoiles, ex amoureux
avec qui je devais partager un an de ma vie en Australie avait pris un
sursis en France de deux semaines. Nous nous étions vus une soirée dans
le sud et promis que nous nous reverrions avant son départ lors de la
crémaillère parisienne de cet ami commun danseur manouche qui nous avait
réuni, à l'époque. Soirée déterminante, puisqu'était également revenu
de Californie ce type et cette histoire de sanglots dans des bras qui ne
se sont pas ouverts. Deux ans d'intermède au milieu. J'appréhendais.
J'en avais parlé à mon sorcier bienveillant, qui m'avait alors lancé la
fameuse : "amuse-toi là bas, ne te retiens pas pour moi alors que je ne
peux t'apporter l'amour que tu recherches". Ce n'était concrètement pas
mon but. Et en même temps.
Il s'était avéré que lors de
ces deux années, mon garçon des étoiles et ce type aux larmes non
embrassées s'étaient découvert une passionnante amitié respective, et
qu'avec mon ami danseur manouche, ils formaient un trio incomparable.
J'avais une histoire (plus ou moins amoureuse) avec chacun et bien que
sincère et vraie, je redoutais les petits conflits d'égo.
Il n'en fut
absolument rien.
Tellement rien que c'en était presque étonnant. Le
danseur manouche valsait d'une convive à l'autre (après tout, c'était sa
soirée) et se préoccupait avec sa compagne du bien-être de tous, le
garçon des étoiles et moi-même nous liguions d'un commun accord contre
le reste du monde dans des débats enflammés et ça faisait du bien de
retrouver un allié d'une telle qualité d'esprit et de coeur. Quant au
type aux larmes non embrassées, il m'ignorait, et n'était
pas venu me dire bonjour. Pas plus mal. Rustre, mais pas plus mal.
La
cuisine-salon s'était métamorphosée en une énorme piste de danse
contact, où chaque protagoniste faisait un avec les corps autant qu'avec
le mobilier. Les quelques glandus pas habitués à la fusion de groupe se
retrouvaient sur le canapé à converser comme s'ils ignoraient
délibérément ce qui était en train de se passer juste devant eux. C'est
comme ça que je me suis retournée vers lui, assis à côté de moi. Il
m'avait ignorée, mais il n'avait jamais été bien loin. Nous nous
sourions, tout en prenant de nos nouvelles respectives. Nous causions
exploration du soi en observant ce spectacle étonnant des physiques qui
se meuvent et s'imbriquent dans une musicalité et une beauté étonnante.
- Ça donne envie, m'enquis-je.
- Qu'est-ce qu'on attend pour y aller?
Il
me prit la main, me larguer dans la foule. Mon ami danseur manouche en
profita pour rameuter les autres timidement assis, dont le garçon
des étoiles et je fermai les yeux. Je m'abandonnai au mouvement et à la
vague des peaux qui surfent les unes sur les autres sans jamais
s'entrechoquer. Le poids du corps. L'équilibre. La fluidité de certains
êtres.
Et une main qui m'attrape.
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Du temps à tuer?