vendredi 14 mars 2014

Admirable et dommage

A nos rendez-vous retranscrits un 23 février 2014, vers les 03h00 du matin :


Un appel de Peter à 10h30 du matin. Cela faisait environ cinq heures que j'étais couchée et le temps que je tende ma main vers le téléphone, fasse ces satanés codes de déverrouillage de l'appareil (je me suis compliquée la vie), il cessait de retentir. Ça a duré deux, trois sonneries peut-être. Allez, coupons la poire en deux sonneries et demie.

Étant souvent en haut de la liste des contacts avec ma première lettre de l'alphabet des prénoms, j'ai l'habitude de ce genre d'embrouille où tu décroches et tu entends les gens marcher. Mais là, c'était Peter, à 10h30 du matin, au bout de deux sonneries et demie. Ça faisait quoi maintenant, quinze jours que j'attendais qu'il m'appelle? En réalité, comme je garde difficilement les visages en imagerie mentale, je n'attendais plus.

Bref, pas pressée de le contacter et me réveillant doucement, je lui ai envoyé un petit message vers les 13h00 qui demandait l'objet de sa démarche (enfin, je ne lui ai pas écrit texto "quel est l'objet de ta démarche?" ç'aurait été bizarre). Pas de réponse. J'oublie vaguement. Tout un travail personnel pour passer légère, au dessus des situations palpitantes.

Puis 16h00, je suis aux toilettes. J'y suis souvent, c'est peut-être pour ça. Il m'invite à écouter G*rshw*n à l'Opéra. Musique de chambre, un quintette de cuivres. Je pense à un mélange complètement improbable et je suis presque excitée à l'idée d'entendre ça. Sauf que c'est à 17h00 et que je suis aux toilettes, en pyjama.

Je me demande s'il essayerait pas de foirer le rendez-vous. D'abord il m'appelle le matin, et raccroche avant que je n'ai eu le temps de décrocher. Puis il m'invite, mais une heure avant seulement. Je veux dire, il a eu toute la journée. Je me prépare perplexe.

J'arrive avec dix minutes de retard, presque un record. C'est complet, mais on l'a autorisé à se poser sur les marches en marbre dans l'entrée, l'acoustique est formidable. Nous parlons en chuchotant lorsque le silence n'est pas roi. Je suis calme, il l'est aussi. Heureuse de me déterrer de mon trou à rat, de donner à manger à mes oreilles qui sont en pleine diète depuis un certain temps. Je suis sur la marche du bas, dos à lui. Je ne sais pas ce qu'il fait, je ne sais pas ce qu'il pense. Mais mon cœur tient un rythme régulier, je suis rassurée. Je préfère quand il ne s'emballe pas plus vite que la musique.

Le concert terminé, nous marchons pendant longtemps, sans but. Sans trajectoire. J'ai l'impression que nous nous éloignons, alors que nous n'allons nulle part. Il veut bien aller boire un verre, mais quelque chose de chaud. Ça tombe bien car lorsqu'il m'en parle, nous tombons sur ce petit café resto bio dont les tables en terrasse me connaissent bien, ainsi que le piano. J'y ai passé bon nombre d'après-midi ensoleillées pour sécher mes peines de cœur. Seule, avec de quoi écrire. Le patron était le contraire de ce qu'on peut appeler déprime, et son sourire, ses phrases enthousiastes me faisaient du bien. Quand nous sommes rentrés dans sa demeure, il a dit "J'ai presque su que c'était toi". Il était vraiment content de me revoir. Il y avait un concert ce soir.

Peter et moi nous sommes assis avec nos petites tisanes respectives, on avait l'air de jeunes vieux heureux d'être encore vivants. Je ne sais pas si c'était la barrière du langage, mais je n'ai pas senti d'étincelles dans ses propos. Il était calme, peut-être trop. Peut-être étaient-ce les lunettes qui atténuaient son regard. Peut-être était-ce la fatigue, d'avoir tenu sa soutenance la veille. Peut-être qu'il se laissait tout simplement porter, sans jamais vraiment saisir le coche.

J'ai besoin de tellement plus d'impudeur.

Le concert commence, un duo. La fille est posée sur son cajon, les jambes dénudées par sa jupe qu'elle replisse pour jouer, un angle terriblement sexy. Je glisse discrètement ma remarque aux oreilles de Peter. C'est un garçon d'un sang froid remarquable. Que j'aurais presque envie de provoquer ses sueurs. J'évoque André Minvielle, La Vie d'ici bas. Lui fais noter dans son petit calepin du ciboulot, la référence à écouter en priorité. Croyez-le ou pas, ça a été la chanson suivante jouée par le groupe. Au milieu de toutes ces coïncidences prodigieuses, il m'a avoué qu'il avait composé mon numéro de téléphone pendant son sommeil. S'endormir sur son portable, et se faire réveiller par la tonalité d'appel...

Ce sont des petits accidents heureux que distribue la vie à tout va.

D'un côté, j'aurais aimé qu'il ait eu envie de me contacter lui-même. Mais je me contenterai très bien de l'entremetteur hasard. Bien que cela me fasse réfléchir à deux fois.
Était-ce mon réel choix? Désirais-je au plus profond ce qui pourrait éventuellement advenir?
Peter n'était pas du genre à se confier. Alors, je lui posais les questions nécessaires. Je veux bien comprendre que ce ne soit pas dans sa culture de faire le premier pas. Ou juste une question de respect. A moins qu'il ne soit pas du tout intéressé?

Ils m'ont fait chanter, ce soir là. Je ne voulais voler la vedette à personne, alors j'étais gênée. Mais heureuse de pouvoir lui transmettre un peu de mes poèmes intérieurs. Il en était ravi, avec ce grand sourire. Ce sourire qui ne projette rien, aucun désir. Aucune volonté de possession qui emprisonne le sentiment. C'en était à se demander s'il existait quelque chose.

Et dans la nuit tombée, lorsqu'il m'a ramenée chez moi, nous discutions physique. Physique, oui. Mouvement des liquides. Adhérence de l'eau sur le verre. C'était pas top glamour, mais ça avait son charme. Curieuse, je lui ai posé des questions, sans savoir qu'elles étaient piège. Ca lui a retourné le cerveau. Devant les bornes de vélo, il s'est tellement remué la cervelle qu'il s'est fait prendre le dernier deux roues sous son nez. Alors qu'il avait la main sur le guidon depuis 5 bonnes minutes. Sans s'énerver, il s'en est allé trouver d'autres bornes. Nous avons cherché ensemble la traduction anglaise de crépuscule, un mot imprononçable pour son accent à tomber. De toute manière, il n'arrivait plus à aligner les syllabes dans le bon ordre. Il a concédé qu'après 22h, son français l'abandonnait subitement. Je me suis dit qu'il était un couche tôt comme j'ai rarement eu l'occasion d'en côtoyer.

Nous nous sommes fait une bise des plus convenues. Et malgré une certaine myriade de compliments et autres recommandations que des vieilles connaissances rencontrées ce soir là avaient baratiné à mon sujet, comme s'ils voulaient me vendre, Peter n'a pas bronché d'un cil. Pas levé de petit doigt. Pas profité des ouvertures assez béantes que je lui offrais (sans mauvaises allusions, s'il vous plait). J'ai trouvé ça admirable. Et dommage à la fois.

Et puis finalement, pas plus mal.

Une fois son vélo en route, je suis rentrée seule à mon domicile. C'est le paradoxe de celui qui raccompagne qui se fait raccompagner. Quand j'ai regardé l'heure, il était 01h30. Pas si tôt que ça, mine de rien.

Le lendemain, un texto de Peter qui répondait à ma question piège, LA grande problématique scientifique.
Comme s'il n'en avait pas dormi de la nuit.

J'aurais préféré qu'il rêve de moi...

2 commentaires:

  1. C'est frustrant d'avoir envie de passion, de sueur et d'emballement quand on a quelqu'un de froid et timide en face. Mais il a peut-être peur, tout simplement. Ou peut-être n'est-il pas encore prêt à se laisser aller ? Quand je pense qu'on nous explique que les femmes sont compliquées...Les hommes aussi ! (BORDEL !!!).

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  2. C'est frustrant lorsque comme moi on a décidé d'aller lentement et prendre le temps nécessaire à chacun. C'est frustrant parce qu'à la saison des amours on voudrait faire éclore les papillons dans le ventre et semer les graines de la passion tout autour de nous. C'est frustrant parce que j'adore enflammer les timides et les rendre rouge d'embarras, mais que je me suis promis de ne pas succomber à mes vieilles habitudes et essayer de nouveaux schémas qui me parlent plus en profondeur. Etre patient lorsque l'on a envie de s'embraser, ce n'est franchement pas évident.

    Pour Peter, mon amie me disait que c'était surtout un américain. Un air cool et ouvert, mais difficile de percer sa coquille protectrice et rentrer dans l'intime...

    M'enfin, je n'en sais trop rien. Les hommes, les femmes, c'est compliqué. Et si on mélange les cultures, on s'en sort comment hein? (BORDEL !!!)

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Du temps à tuer?