dimanche 5 juin 2022

Gillet rose

Je passe mes journées en compagnie d'une boule de chaleur vivace logée au creux du plexus. Elle est là, elle tourne sur elle même et cherche à sortir lorsque j'ai le malheur de penser à toi. J'ai l'impression que c'est tous ces "je t'aime" qui n'ont pas trouvé destinataire et qui se sont regroupés entre eux pour monter une sorte de syndicat des "je t'aime" non avoués, compactés en une masse intense et impatiente, et qui poussent comme un foret contre les parois de ma poitrine, me transperçant de l'intérieur tant que je ne n'aurai pas rétabli "l'ordre naturel des choses". Parfois ils m'entraînent malgré moi, et je commence à concevoir des phrases à t'envoyer par texto qui clameraient la puissance de mon émoi, puis je réalise que c'est dans ma tête, que mes "je t'aime" me font perdre les pédales et me lobotomisent à l'usure de leur existence. A l'intérieur, c'est une manif qui ne cesse de s'accroître avec le temps et les entrevues, je les entends piétiner et se révolter en brandissant leurs petits panneaux "je t'aime, je t'aime", récupérer quelques pavés des marches de mon coeur pour me les balancer à la cervelle mais jusqu'alors, ma raison a toujours tenu tête, non sans risquer parfois de plier.

Je ne suis pas fermée aux pourparlers mais c'est souvent mon éthique qui clôt chaque débat. On ne négocie pas avec l'éthique. Cependant, mes "je t'aime" sont en supériorité numérique et les forces de "l'ordre naturel des choses" ont de plus en plus tendance à se ranger de leur côté, rendant leurs revendications intimidantes, voire oppressantes. Ils veulent passer aux aveux. Ils n'ont rien à faire du bon timing. Ou du respect des contextes. Tout ce qui les intéresse, c'est dire. C'est vomir leur attirance. Plus qu'un besoin, une question de survie.

Cette guerre civile battant son plein en intérieur, je ne tiendrai pas très longtemps. Je me laisse un mois avant de flancher sur mon programme et mes objectifs. Je ne voulais pas en arriver là, mais si ces "je t'aime" continuent à semer la zizanie en mon esprit, je n'aurai pas d'autre choix que de m'armer de courage, expulser les mots et les sentiments là où ils sont nés parce qu'après tout, je ne suis pas là pour accueillir tout l'amour du monde...

lundi 2 mai 2022

Certainement pas un chef-d'oeuvre

Je ne sais pas à qui dire tout ça alors je fais comme si tu pouvais m'entendre.
Forcément, c'est étrange, ce sont des mots que je n'aurais probablement pas le droit de prononcer. Des aveux qu'il serait incorrect de te faire. Mais, c'est le printemps, mes hormones me jouent des tours. Tu dégages un truc, une odeur d'émoi adolescent mêlée à une virilité que j'ai pas l'habitude de fréquenter. Je le sens bien, que ma peau vient se frotter à la tienne, l'air de rien, par hasard, pour ne pas que j'aille la réprimander. A quel point me ment mon corps, que je pourrais le surprendre à trébucher sur toi. Mettre en place des stratagèmes vicieux pour te frôler, se rappeler ta douceur, y'a vraiment un truc chelou dans le concept de force de gravité entre nos êtres. Et ça me rend dingo et électrique et je sais pas toi mais, l'euphorie du désir me fait péter des câbles. Tu présentes tes mains à mon visage et tu me dis "frappe". Tu me pousses à jeter mes poings contre tes paumes et je me demande, forcément, si ta proposition c'est pas un moyen d'évacuer la violence de ta pulsion. Parce que clairement, je veux bien faire semblant de me battre avec toi si c'est le seul détournement qu'on ait trouvé pour se faire l'amour très fort de manière platonique. D'ailleurs, c'est vraiment sournois que dans platonique, il y ait "nique". Mais c'est un autre sujet.

C'est fou l'énergie que peut dégager une attirance. On pourrait alimenter des villes avec ça.

Je crois que ce qui me donne envie de te manger, c'est tes petits pics d'adrénaline quand on fait de la musique ensemble. Quand tu cuisines, aussi, t'es vraiment sexy. Moi à côté de toi et d'une planche à découper les légumes, il se passe un truc incontrôlable. Ton extrême douceur et gentillesse, ta générosité et ton attention pour les autres, au sein du bulldozer sur pattes que tu es, ça ne peut être qu'attendrissant. Dans le fond je le vois bien, que tu m'aimes déjà. Mais genre, vraiment. Peu importe la manière. Je crois que t'as eu un coup de foudre sans couleur à l'amour. J'ai vu que t'as tout retenu, mes goûts, ce que j'aimais et ce que je n'aimais pas, les anecdotes, les détails, que tu ne te trompes jamais. Tu prends tellement soin de moi, tu me ramènes de quoi me réconforter quand tu sais que je suis fatiguée, à chaque fois, tu le dis pas aux autres mais tu fais quand même en sorte que je sois la reine de la soirée. Quand j'ai mal au ventre, tu me portes comme un prince pour me relever du canapé. Puis après t'ajoutes "n'en profite pas pour me peloter". Mais qui fait ça, sérieux ?

Allez, avoue-le. Ce projet, c'est un prétexte pour que je vienne te voir dans ta ville. T'as craqué quand on s'est rencontré, tu m'as lancé plusieurs fois pendant mon séjour "c'est con que tu sois pas là plus souvent" et le lendemain de mon départ, t'as trouvé une solution. C'est tout. Et je sais bien que c'est prétentieux de le croire.
Mais déjà à notre troisième entrevue, tu me préparais un des meilleurs anniversaires de mon existence. Autant d'amour en une seule personne, je me dis que ça n'existe pas de manière inconditionnelle et ouverte à tous. Qu'il a dû se passer en toi quelque chose de vraiment exceptionnel pour être une personne si adorable. Qu'à ce degré là, ça ne peut pas être juste une nature. Sinon y'aurait pas d'excuse à ce que tu sois un peu parfait, quoi.

Enfin, si t'étais célibataire.
Marrant comme une simple info change les souvenirs en un tableau assez dégueulasse.

lundi 14 mars 2022

Mutisme Sélectif

C'est quand j'ai découvert sous le papier d'emballage ce que tu avais choisi pour moi que j'ai compris un peu que tout ça n'était pas si vain. Tu avais écouté les conversations et même, tu les avais retenues. Tu avais gardé les petits détails anodins alors que je pensais que tu étais du genre à ne garder que l'essentiel. C'était si subtil et personnel, un cadeau si tendre que ça m'a frappée à la gueule que c'était comme ça que tu témoignais l'amour.

Et comment ne pas t'aimer en retour ?

Fait chier, t'entends ? Tu es vraiment trop cute, c'est un cycle infernal.
Faudrait que je t'exorcise.
Mais t'as pas la tronche habituelle du truc néfaste qu'il faut chasser de sa vie. Toi t'es juste.... Pas pareil. T'es juste, pas comme moi. On parle chacun un autre langage. Mais ça veut pas dire qu'on s'aime pas, je crois.
Enfin, je sais pas toi. Mais moi, ça veut pas dire que je t'aime pas. Je le ressens parce que quand je te vois vivre, je ne peux pas m'empêcher de te regarder. C'est étrange. Ton coeur, je l'aime comme mon enfant. Je veux chérir la plus petite part de ton être parce que je te sens chancelant, bloqué dans ta propre prison comme si on ne t'avait pas expliqué que tu pouvais juste sortir, je te sens, minuscule et à l'étroit, te dépatouiller comme tu peux avec ce que tu as. Je te sens plein de respect et de bonnes intentions, te réjouir tellement des petites choses, comme s'il n'y avait que celles là. Le reste, les trucs trop grands, c'est trop pour toi. C'est trop imposant, trop lourd, trop signifiant. Et toi, dans ta toute petite cage, tu te fais vite écraser par ce qui prend de la place.

Tu sais, depuis je réfléchis à comment rendre mon amour plus léger. Même si ça veut dire renoncer à t'aimer, ou renoncer à te le dire. Parce que, j'arrive plus à voir autre chose quand je te regarde, qu'un être fragile et pas à sa place. D'une certaine manière, le monde est probablement injuste avec le genre de personne que tu es. Et on ne se comprendra sans doute jamais. Je le sais. J'aurais beau tous les jours te déclarer le feu que t'embrases en moi, je ne te toucherai pas avec des images. Je ne te toucherai pas avec mes mots. Je ne sais même pas comment te toucher.

J'ai tellement cherché ces derniers mois, je t'assure. Toutes les façons, toutes les manières. Trouver un chemin commun pour exprimer nos émotions ensemble. J'ai même creusé des sentiers qui n'existaient pas avant toi, parce qu'on aurait très bien pu inventer les propres modalités de notre histoire. Je me suis tapée la tête contre les murs parce que je refusais de croire qu'il n'y avait pas de route possible entre toi et moi mais c'était pas ça. C'était juste que t'avais rien à exprimer.

Et c'est pas ta faute.
C'est bon j'ai compris.
C'est pas ta faute.
C'est juste que tu peux pas.

jeudi 20 janvier 2022

Superficialité de l'intime

 Qui es-tu ?
Je pense qu'il faut que j'arrête simplement de me poser la question. On ne peut pas tout comprendre et je suis loin de t'avoir cernée. Deux possibilités parmi tant d'autres : soit tu es bien plus complexe que ce que je n'ose imaginer, soit je m'évertue à trouver un sens caché là où il n'y en a pas. Je n'ai pas l'habitude du simple et avec toi, tout est simple. Et en même temps, c'est impossible de lire en toi. Comment je peux croire au simple que tu proposes s'il n'est pas limpide ? Si tu es opaque, si aucune émotion ne transparait ?

Ça fait des jours que je me casse le crâne.

Je rembobine toutes les situations. Je requestionne toutes les vraisemblances. Je te questionne, toi, mais tu ne donnes aucune réponse. Tu me laisses parler, et tu passes à autre chose. Rien ne t'atteint. Ça coule sur ton être.

Es-tu touché par l'amour ?

Parce que quand je te vois agir à l'extérieur, je t'épouserais bien. Je suis si fan de ta finesse, ton humour, tes effets de surprise.
Mais quand on est juste tous les deux, je me demande. Qui es-tu ?
As-tu besoin de moi ? Finalement, est-ce que ça compte ? Que je sois là ou pas.
Moi ou une autre.
Qu'est-ce qui fait que ?

Qu'est-ce que je pourrais apporter véritablement de plus à ta vie ?
Si tu n'es pas amoureux, qu'as-tu à prendre de moi ?

Je suis décontenancée.
Je ne connais ni tes intentions, ni ce que tu ressens.

Je sais juste que tu fais tout ce que tu peux, pour être là quand il faut. Je sais que tu m'ouvres des portes, que tu me crées des occasions. Je suis peut-être débile, mais pas aveugle. Je vois que tes efforts sont tournés vers moi. Que tu me respectes, que tu prends soin de moi.

Et c'est ce qui me rend perplexe. Parce que malgré la place que tu me fais à tes côtés, y'a pas de chemin qui mène à ton coeur. Y'a pas d'espace, ni de lumière. Y'a pas de serrure ni faille. J'ai pas de prise émotionnelle à laquelle me raccrocher. Vu de l'extérieur, t'es parfait et nos moments, ils sont géniaux. Mais ils gravitent en surface. Dans la superficialité de l'intime. On partage des tâches, pas des instants.

Qu'est-ce qu'on va retenir de nous ? Qu'est-ce qu'il restera, une fois les bonnes blagues balancées, une fois les bons films visionnés et les soirées terminées ? Quand on rangera nos histoires dans des boîtes, qu'est-ce qu'on gardera ? Un regard, un geste, un frisson, une main tendue, un je t'aime, une déclaration, quelque chose qu'on serre fort contre soi...

Dis-moi, de tout ça, qu'est-ce qu'il nous restera à chérir ?

dimanche 16 janvier 2022

Et après

 Et après avoir déversé mes mots crus sur le clavier, en éteignant mon écran j'éteindrai mes secrets. Je ravalerai ma salive quand je me glisserai sous ta couette et je respirerai doucement et profondément pour calmer mes battements de cœur. J'aurai laissé mes larmes sur le canapé et sous tes draps, je sentirai ta chaleur. Comme un aimant, tu viendras à mon contact te coller à ma peine et tu me demanderas en plein sommeil paradoxal "ça va ?". Tu me demandes à chaque fois si ça va. Tu n'en gardes aucun souvenir le matin mais moi je sais que même dans tes rêves tu fais attention à moi. Alors je te répondrai "ça va". Ce sera un mensonge présent mais une vérité future. Je délierai tes cheveux avec mes doigts. Tu frissonneras comme un animal et je t'aimerai un peu.

Ton mur de pierre

Est-ce que ça y est ?
Est-ce que je suis arrivée au bout de mon rêve étroit ? A la limite de ma bulle mièvre, sur le point d'exploser, ce microcosme fragile rempli de vide qui fut un court instant le fruit de mes fantasmes. D'un avenir pour nous.

Ca y est ? Retour à la case départ, celle qui indiquait qu'on avait un fonctionnement radicalement opposé et des besoins si peu compatibles ?

Dans le fond, je savais qu'on ne pouvait récrire l'histoire.

Je vais néanmoins essayer de t'expliquer, avec mes mots et sans pleurer, ce qui pèse sur mon cœur depuis plus d'un mois.

Je te trouve extraordinaire.

T'es le genre de personne que je pourrais juste observer évoluer en société avec un regard admiratif et curieux. Tu me fascines, m'émerveilles et m'émeus. Au quotidien tu me fais rire, m'intrigues et m'attendris. Quand tu t'endors contre moi, ton crane entre mes doigts, tu le sais pas mais c'est si précieux de te sentir t'apaiser et respirer près de ma poitrine. Je me sens reconnaissante et comblée. Je la trouvais pas dégueu non plus, l'idée de te faire un môme. Bien que tu sois malin comme un renard, tu es plutôt honnête et droit. Respectueux, patient et attentionné. A l'écoute et digne de confiance. Pertinent, si intelligent et ludique, absurde comme j'aime, doux, sexy, hypnotisant, passionnant et j'en perds mes mots parce que tu m'impressionnes un peu.

C'est ce qui me rend triste à faire des insomnies près de toi dans le lit.

Malgré ce qui s'anime en moi et ce qui brille en toi, j'ai cette sensation de m'embraser face à un mur de pierre. Comme s'il m'était impossible de t'atteindre, de te toucher. D'éveiller l'amour dans tes yeux. Je les vois s'allumer quand on délire ensemble, mais je sais bien qu'ils s'éclairent en toutes circonstances, tes yeux. J'en viens à douter qu'il me soit accessible d'être sereine avec toi.

Savoir ce que tu penses et ressens ne m'est pas disponible. J'ai beau creuser, chercher des pistes, j'ai aucune boussole, aucune carte pour m'aider dans ma démarche. Mes questions reçoivent des réponses génériques, mes doutes, un silence expéditif. Je ne sais pas à quoi me raccrocher pour te comprendre.
Ça ne ressemble en rien à un début de relation enflammé. Ça ressemble à une attirance qui s'éteint.
Tu ne me parles pas, ne m'a jamais dit que j'étais belle ni même que je te plaisais, la tendresse ne se transforme pas en désir et tu n'es pas capable toi-même de comprendre pourquoi tu es avec moi.

Si je n'ai ni les mots, ni la raison, ni le désir, ni les regards pour attraper la couleur de ton émoi, comment veux-tu que je laisse mon cœur s'exprimer sans angoisse ? Je te jure que j'essaie de t'atteindre. Parfois, j'ai l'impression de me débattre, de m'agiter sous tes yeux qui ne fixent pas ma direction et c'est très perturbant. Est-ce que je me noie ?

Est-ce que tu comprends que c'est trop dur pour moi ?
Ton être de marbre, c'est trop dur. Et quand je m'approche, je me fais mal.

Je sais que c'est tôt un mois.
Je sais que j'avais dit que je prendrais mon temps.
Mais dans toutes mes projections, à la fin, c'est moi qui souffre.

J'arrive pas à te faire comprendre à quel point je te kiffe et à quel point ça m'inquiète dans le contexte actuel. Tu me donnes tellement et tu me donnes rien à la fois. C'est si déroutant. Qui es-tu ? Pourquoi l'émotion ne suit pas ? Qu'est-ce que je dois faire ? On se fréquente depuis quinze ans et en fait, je ne te connais pas. Tu ne m'as jamais permis d'entrer, n'est-ce pas ?

Je toque à ta porte.

S'il te plait. Ne me laisse pas comme une connasse moisir sur le pallier. Je ne suis pas un robot. Je ne pourrais pas étouffer mes sentiments éternellement. J'arrive pas à être comme toi, prudente, modérée, concentrée sur d'autres choses. Tout ce désir, toute cette tendresse qui m'habitent, si je les garde trop longtemps en moi, ils vont pourrir et nécroser. Devenir toxiques pour moi. Tout cet amour que tu laisses sur mes bras, deviendra mes boulets. S'il te plait. Quand je le tends vers toi. Prends-le. Me laisse pas avec ça. Me laisse pas.

Me laisse pas te quitter.

vendredi 3 décembre 2021

Jamais deux sans trois

Je l'avais anticipé pourtant. J'avais vu de loin l'embuscade arriver.
Je m'y étais préparée. Je l'avais envisagée. J'avais préparé les différentes phrases à dire selon les contextes, les réactions et les réponses. J'avais demandé conseil à mes amis : "Est-ce que je suis maso ?", "Est-ce que je déconne ?", "Est-ce que je me fais des films ?". Je n'avais pas laissé le moindre hasard s'immiscer dans le soupçon d'un coin sombre, j'avais balayé toutes les éventualités potentielles pour ne pas me faire surprendre par un aléa de la vie, quel qu'il soit et j'arrive quand même, après cette mise en condition digne du meilleur athlète des jeux olympiques catégorie "relations sentimentales", à avoir ce sourire béat du nouveau venu dans la discipline qui découvre comment ça marche les choses du coeur.

J'ai été déroutée par ta réponse, je l'avoue. Par tes mains, aussi. Déroutée par le tremblement de tes doigts qui caressent ma nuque. Sentir ton excitation monter par le simple fait de frôler mon visage. Me suis-je méprise à ton sujet ?

Plus de quinze ans qu'on se connait. Je te pensais froid, pas porté sur l'émotion d'un geste. Je te pensais pragmatique et peu emballé. Peut-être que dans le fond c'est un choix pragmatique. Et j'entendrais bien que tu aies pesé le pour et le contre de cette histoire. Moi-même, avec ma préparation d'athlète de jeux olympiques de l'amour, j'ai fait ma petite liste des points inconciliables.

Je t'ai tout déballé. Toutes mes peurs et mes doutes, quand j'ai senti dans le lit ta paume se poser sur ma taille. Je t'ai même demandé à quoi ça sert ? On avait déjà essayé à deux reprises dans notre histoire d'amitié et c'était décevant. Pourquoi recommencer ? Il me semble qu'avec les mêmes ingrédients on finit par reproduire la même recette, non ?

J'avais tellement brûlé de ne pas t'avoir exprimé toutes ces choses en quinze ans, mes incompréhensions face à tes méthodes et ton silence, le mystère de certains de tes comportements....ils me déboussolent, me font flipper parce que moi, je suis une parleuse, une fille qui ne sait pas mentir, je suis toute entière et j'ai besoin de creuser, sans cesse, vers la profondeur. Et malgré nos différences, nos manières de procéder, toi et moi on en arrive souvent aux mêmes conclusions sur les choses. C'est étonnant, je trouve.

Comme ce debriefing sur notre deuxième fois. J'ai cru que tu voulais pas t'investir, t'as cru que je voulais pas m'investir alors on s'est pas investis. J'ai cru que t'étais pas affectueux, t'as cru que j'étais pas expressive alors on s'est rien dits et on est restés distants et sans tendresse et on a très vite arrêté parce que du sexe pour du sexe, toi comme moi, on n'en voulait pas. Et quand on en a parlé, bien trois ans après, on était l'un en face de l'autre à se dire "mais je croyais que c'était toi qui...." et on a ri. En débiles que nous sommes. Tu vois, c'est ça quand on communique pas en amont. C'est juste la merde.

Et moi je ne veux plus présumer.

Alors, quand je t'ai demandé :
- "Tu voudrais quoi juste, toi, si t'avais pas à prendre en compte le désir de l'autre ?"
Et que tu m'as répondu doucement :
- "Je voudrais apprendre à te connaître. Je voudrais pouvoir découvrir quelle personne tu es dans l'intimité."
Ça m'a surprise et un peu touchée. Que tu désires continuer à apprendre à me connaître après quinze ans de soirées jeux, d'après-midi glaces, de calages en tailleur près des fontaines, ces partages de bouffe, ces binge watching et conversations geek, ces dépannages, des mois à dormir chez toi et tu me supportes encore, ces confidences, de quand on allait mal, même si retenues, ces débats enflammés, ces spectacles, de toi, de moi, t'as toujours été là et moi pas tant, parce que tu demandais peu, et pourtant, t'es pas parti en courant, t'es resté, la dernière fois que je t'ai invité pour un truc qui sentait le plan foireux tu m'as dit "je te fais confiance. Et en vrai, si c'est une occasion pour te voir, je viens." et quand je t'ai dit merci t'as répondu "merci de quoi ?" comme si tu voyais pas que t'étais adorable.

Quand tu m'as demandé ce que moi, je souhaitais, si je ne devais pas tenir compte de l'avis de l'autre, je t'ai expliqué que comme toi, avant tout, je ne voulais pas briser ce qu'on était déjà parvenu à construire et solidifier dans le temps et que j'avais envie de tendresse. De prendre mon temps, parce qu'ainsi, à tout moment, si l'on revenait sur nos envies et décisions, on pourrait s'arrêter dans notre course sans bavure parce qu'on roule à vitesse des plus raisonnables. Je me suis tellement précipitée par le passé. Une petite tornade d'amour, qui arrache quelques toitures sur son passage. Je veux pouvoir avancer les yeux ouverts. Parce que c'est tranquille. Que ça ne fait de mal à personne. Que ça tient compte de la vie qui nous reste.

Tu m'as demandé si pour l'instant je t'autorisais à être câlin devant nos amis commun.
Et c'est seulement là que j'ai réalisé que tu te projetais dans quelque chose de sérieux.

Et que j'avais pas vraiment anticipé ce genre d'éventualité...
Je croyais, au mieux, que ce ne serait pas pour tout de suite.

Je me rends compte qu'avec toi, c'est pas que j'étais pas emballée, c'est que j'avais fermé les vannes. Il y a longtemps, plus de dix ans, après la première fois. Je m'étais dit que de toute façon, t'aurais jamais d'autre intention que celle de jouer avec mon coeur. Mais on grandit, n'est-ce pas ? On n'a plus vingt ans. On s'émerveille pour d'autres qualités, d'autres valeurs dorénavant.
Et malgré ça, ce matin dans tes bras, c'est la jeune fille qui a palpité contre ta poitrine. Neuve et naïve. Je ne t'ai pas reconnu non plus. Tu étais si intense, tout en retenue. Je te sentais vibrer au rythme de mes inspirations, tu m'embrassais si doucement en me serrant si fort. C'était, une sensation d'antan. Quand on savait s'émoustiller d'une caresse.

Je n'aurais pas cru avoir attendu ce moment.
Pourtant, quelque chose en moi se libère.

lundi 29 novembre 2021

L'amitié, ce n'est pas un feu de bois

J'ai trente minutes avant de vider ma batterie.
J'espère que d'ici là, les voisins du dessus auront arrêté de balancer la musique, après tout, il n'est que  six heures du matin. L'immeuble entier vit-il sur un autre fuseau horaire ?
Et puis, pourquoi Jacques Brel ? Ce décalage temporel, on n'est même plus à parler de fuseau...

Un lundi matin des plus ordinaires.

J'ai relu ces vieux textes qui parlaient de toi. C'était il y a seize ans. J'ai ressenti la fascination que tu avais pu exercer sur moi. Ta vivacité d'esprit, tes vannes absurdes. La finesse de tes mouvements, cette capacité exacerbée de surprendre...tu avais déjà compris tous les codes, probablement. Et moi, j'étais si naïve.

A attendre quatre ans un garçon qui a l'art de séduire.
C'est complètement masochiste, non ?

La désillusion de la superficialité de ces gestes, le langage des corps interprété bien trop vite... j'étais immature, je voulais croire à notre romance alors que la seule romance factuelle, c'étaient mes doigts sur le clavier qui récrivaient l'histoire telle que j'avais envie de la vivre. Je m'en suis voulue d'être idiote. Mais dans le fond, ce n'était que de la jeunesse.

La deuxième fois, nous étions de vrais adultes. Nous avions le recul sur les relations de couple, mais toujours pas les mots. Si peu de tendresse, autant de non-dits. A quoi ça servait ? Tu n'étais même plus un bon coup et j'avais du mal à saisir ce que tu me trouvais.

"Je pense que tu lui plais."
"Tu devrais essayer".

Est ce que ce ne sont pas ces autres qui continuent à m'induire en erreur ?
Les portes paroles spontanés de tes éventuels sentiments.

Pourquoi tu ne m'en parles jamais ?
Pourquoi l'on s'envisage par cycles ?

On n'en a jamais discuté toi et moi mais je vois bien que c'est louche. Ton rythme. T'es à deux mille à l'heure. Tu souris bêtement sans me dire pourquoi. Tu ne me dis jamais au revoir. On vient à peine de fixer un rendez-vous que tu m'en proposes deux autres dans la semaine. Pour voir des films. Ah. Netflix and chill, vraiment ? La même recette depuis quinze ans ?

Pour n'importe qui d'autre, j'aurais trouvé ça gros comme le nez au milieu de la figure mais t'es un bluffeur professionnel, je le sais. T'attends quoi de moi, exactement ?

Tu feras comme les autres fois ? Tu me laisseras venir, lentement, sans jamais avoir fait le premier pas ?
Tu créeras les contextes pour que ça me monte à la tête, pour que je commence à t'envisager à nouveau, naturellement ? Tu ne te mouilleras jamais, ne laissera jamais entrevoir ton jeu ni tes intentions, comme à ton habitude ? En amour, t'as de si mauvais réflexes.

Et j'ai peur, un peu. Parce que j'ai envie de te palper les cuisses. Parce que mes mains trahissent mes intentions. Je me suis vue attraper tes doigts à deux reprises, impuissante, assister spectatrice à mon élan qui va plus vite que l'information jusqu'à mon cerveau. Je suis tellement pas tactile, d'ordinaire.

Est-ce que tu as lu en moi ?

Je ne sais pas vraiment ce que je dois faire. Je sais juste que je pense à toi, et ces flashs d'images indécentes qui viennent parasiter mon fil de réflexion. On est amis, n'est-ce pas ?

N'est-ce pas ?
C'est bien de l'amitié, non ?

Je ne sais plus à quelle certitude me fier.
Je crois pouvoir affirmer que je me sens perdue.

Jamais deux sans trois,
je redoute tellement le dicton...

mercredi 15 septembre 2021

Voir la date au dessus de la boîte

C'est drôle. C'est quoi ma vie ?
Les journées qui défilent sont pas si mal, au final. J'étais partie pour chercher l'amour, encore. J'ai l'impression d'être dans la phase grise de mon existence, un peu avant les starting blocks. Là où t'as droit de t'échauffer parce que le top départ n'a pas encore sonné. De faire ce que tu veux de ton corps.
Me sens comme ça. A l'endroit de la libre action et de la libre pensance. A l'endroit où tenter et se tromper, c'est pas très grave.

Ma réflexion m'a menée à ce constat.
Je veux un mec bien, avec qui je prendrai mon temps.
Je veux aussi un max de gourmandise.

Suffit de trouver un mec bien et gourmand avec qui prendre son temps. Mais, en attendant, quand t'as qu'une moitié des deux ?

Faut être honnête avec soi-même. A s'embarquer dans quelque chose d'un peu moins coloré mais sérieux, je préfère l'édulcoré de l'éveil des sens. Il y a une raison à cela, j'ai de fins gourmets devant moi. Qui travaillent la précision des recettes, la virtuosité des mélanges, qui ont le palais affiné, entraîné.
C'est rare de trouver tant d'artisans passionnés par leur domaine sur une même période. Pouvoir ensemble, façonner la matière.
Est-ce que j'ai envie de lâcher ce labeur, nos champs de recherche respectifs pour un mec sérieux avec de belles valeurs ? Est-ce que ça suffit ?

Pour clôturer mon insatiable curiosité et la diriger dans un seul sens, faudrait me mettre un certain nombre de paillettes dans les yeux et être prêt à recevoir mes envies féroces de découverte. Pour l'instant, pas de magie à l'horizon. Pas d'émoi grandiloquent. Pas de petite flamme qui nait sans se casser la gueule, se faire étouffer par la vitesse avec laquelle on prend les tournants sur un site de rencontre. De vrais chauffards de l'attraction.

Je suis exigeante, romantique, passionnée, crue.

Au milieu de la phase grise de mon existence.

Dans cette temporalité où ma peau est encore douce et élastique et le sablier du temps qui continue de se déverser. Je privilégie ce qui survit à la décrépitude de la vie. Ce qui compte au delà d'un regard. D'une attirance furtive. Mais on sait bien, vous et moi. Quand la date de péremption approche.

Faut manger tout ce qu'on a.

samedi 4 septembre 2021

Insomnie

 J'ai oublié de dormir.
A la place, je me suis raconté des blagues. Toute seule dans mon lit, me suis entraînée à les scander correctement, mettre l'emphase sur l'effet de surprise. Et je me suis fait rire.
Me suis fait rire de me voir solo à sept heures sur matin, mimer des blagues en direction du plafond en position horizontale. Mais qui fait ça, sérieux.

J'ai refait l'intégralité de la stratégie de mon jeu mobile les yeux fermés, j'ai corrigé le dossier de subventions de mon pote sur mon matelas parce que je me suis rappelée qu'il me l'avait envoyé par mail pour avoir un avis mais c'était plein de fautes, j'ai repensé à ma mère qui disait de la merde sur les cotons tiges des tests antigéniques alors je suis allé vérifier les infos, remonter les sources d'un article qui parlait d'autres chose, mal interprété ensuite par des dizaines de blogs vaseux, ça m'a réconfortée et en même temps je me suis dit que ce serait cool que ma mère soit plus méfiante sur la véracité des infos qu'elle véhicule plutôt que sur la dangerosité des cotons tiges des tests antigéniques, j'ai repensé aux cycles circadiens, à ma digestion et sa potentielle influence sur mon éveil en essayant de faire des statistiques de mes nuits et de leur évolution, je suis tombée sur le post Instagram d'une capture d'écran d'un texte de Navo d'il y a dix ans alors j'ai retracé son blog, j'ai lu, mais je me suis rendue compte que j'avais déjà tout lu il y a longtemps, j'ai reconstruit en mon esprit cette discussion de rupture que j'aurai jamais avec ce gars d'OkCupid d'il y a six mois et dedans je lui disais que j'aimais pas les trucs qui s'achèvent d'une manière pas nette et qu'elle me manquait cette conversation d'adulte à adulte, j'ai repensé à l'italien mentaliste qui débarque demain, au désir, et j'ai imaginé un cours pour expliquer aux hommes que bien toucher le sexe d'une femme c'est pas si éloigné dans l'esprit que leur manière de se donner du plaisir à eux-mêmes, avec méthodes à l'appui, puis j'ai repensé à ma vie amoureuse de ces dernières années qui aurait pu ressembler au début d'une bonne blague : "c'est un italien, un belge et un américain qui rentrent dans un bar" sauf que c'est dans ma chatte. Le soleil s'est levé sur mes pérégrinations nocturnes et il a commencé à se faire faim.