Je l'avais anticipé pourtant. J'avais vu de loin l'embuscade arriver.
Je m'y étais préparée. Je l'avais envisagée. J'avais préparé les différentes phrases à dire selon les contextes, les réactions et les réponses. J'avais demandé conseil à mes amis : "Est-ce que je suis maso ?", "Est-ce que je déconne ?", "Est-ce que je me fais des films ?". Je n'avais pas laissé le moindre hasard s'immiscer dans le soupçon d'un coin sombre, j'avais balayé toutes les éventualités potentielles pour ne pas me faire surprendre par un aléa de la vie, quel qu'il soit et j'arrive quand même, après cette mise en condition digne du meilleur athlète des jeux olympiques catégorie "relations sentimentales", à avoir ce sourire béat du nouveau venu dans la discipline qui découvre comment ça marche les choses du coeur.
J'ai été déroutée par ta réponse, je l'avoue. Par tes mains, aussi. Déroutée par le tremblement de tes doigts qui caressent ma nuque. Sentir ton excitation monter par le simple fait de frôler mon visage. Me suis-je méprise à ton sujet ?
Plus de quinze ans qu'on se connait. Je te pensais froid, pas porté sur l'émotion d'un geste. Je te pensais pragmatique et peu emballé. Peut-être que dans le fond c'est un choix pragmatique. Et j'entendrais bien que tu aies pesé le pour et le contre de cette histoire. Moi-même, avec ma préparation d'athlète de jeux olympiques de l'amour, j'ai fait ma petite liste des points inconciliables.
Je t'ai tout déballé. Toutes mes peurs et mes doutes, quand j'ai senti dans le lit ta paume se poser sur ma taille. Je t'ai même demandé à quoi ça sert ? On avait déjà essayé à deux reprises dans notre histoire d'amitié et c'était décevant. Pourquoi recommencer ? Il me semble qu'avec les mêmes ingrédients on finit par reproduire la même recette, non ?
J'avais tellement brûlé de ne pas t'avoir exprimé toutes ces choses en quinze ans, mes incompréhensions face à tes méthodes et ton silence, le mystère de certains de tes comportements....ils me déboussolent, me font flipper parce que moi, je suis une parleuse, une fille qui ne sait pas mentir, je suis toute entière et j'ai besoin de creuser, sans cesse, vers la profondeur. Et malgré nos différences, nos manières de procéder, toi et moi on en arrive souvent aux mêmes conclusions sur les choses. C'est étonnant, je trouve.
Comme ce debriefing sur notre deuxième fois. J'ai cru que tu voulais pas t'investir, t'as cru que je voulais pas m'investir alors on s'est pas investis. J'ai cru que t'étais pas affectueux, t'as cru que j'étais pas expressive alors on s'est rien dits et on est restés distants et sans tendresse et on a très vite arrêté parce que du sexe pour du sexe, toi comme moi, on n'en voulait pas. Et quand on en a parlé, bien trois ans après, on était l'un en face de l'autre à se dire "mais je croyais que c'était toi qui...." et on a ri. En débiles que nous sommes. Tu vois, c'est ça quand on communique pas en amont. C'est juste la merde.
Et moi je ne veux plus présumer.
Alors, quand je t'ai demandé :
- "Tu voudrais quoi juste, toi, si t'avais pas à prendre en compte le désir de l'autre ?"
Et que tu m'as répondu doucement :
- "Je voudrais apprendre à te connaître. Je voudrais pouvoir découvrir quelle personne tu es dans l'intimité."
Ça m'a surprise et un peu touchée. Que tu désires continuer à apprendre à me connaître après quinze ans de soirées jeux, d'après-midi glaces, de calages en tailleur près des fontaines, ces partages de bouffe, ces binge watching et conversations geek, ces dépannages, des mois à dormir chez toi et tu me supportes encore, ces confidences, de quand on allait mal, même si retenues, ces débats enflammés, ces spectacles, de toi, de moi, t'as toujours été là et moi pas tant, parce que tu demandais peu, et pourtant, t'es pas parti en courant, t'es resté, la dernière fois que je t'ai invité pour un truc qui sentait le plan foireux tu m'as dit "je te fais confiance. Et en vrai, si c'est une occasion pour te voir, je viens." et quand je t'ai dit merci t'as répondu "merci de quoi ?" comme si tu voyais pas que t'étais adorable.
Quand tu m'as demandé ce que moi, je souhaitais, si je ne devais pas tenir compte de l'avis de l'autre, je t'ai expliqué que comme toi, avant tout, je ne voulais pas briser ce qu'on était déjà parvenu à construire et solidifier dans le temps et que j'avais envie de tendresse. De prendre mon temps, parce qu'ainsi, à tout moment, si l'on revenait sur nos envies et décisions, on pourrait s'arrêter dans notre course sans bavure parce qu'on roule à vitesse des plus raisonnables. Je me suis tellement précipitée par le passé. Une petite tornade d'amour, qui arrache quelques toitures sur son passage. Je veux pouvoir avancer les yeux ouverts. Parce que c'est tranquille. Que ça ne fait de mal à personne. Que ça tient compte de la vie qui nous reste.
Tu m'as demandé si pour l'instant je t'autorisais à être câlin devant nos amis commun.
Et c'est seulement là que j'ai réalisé que tu te projetais dans quelque chose de sérieux.
Et que j'avais pas vraiment anticipé ce genre d'éventualité...
Je croyais, au mieux, que ce ne serait pas pour tout de suite.
Je me rends compte qu'avec toi, c'est pas que j'étais pas emballée, c'est que j'avais fermé les vannes. Il y a longtemps, plus de dix ans, après la première fois. Je m'étais dit que de toute façon, t'aurais jamais d'autre intention que celle de jouer avec mon coeur. Mais on grandit, n'est-ce pas ? On n'a plus vingt ans. On s'émerveille pour d'autres qualités, d'autres valeurs dorénavant.
Et malgré ça, ce matin dans tes bras, c'est la jeune fille qui a palpité contre ta poitrine. Neuve et naïve. Je ne t'ai pas reconnu non plus. Tu étais si intense, tout en retenue. Je te sentais vibrer au rythme de mes inspirations, tu m'embrassais si doucement en me serrant si fort. C'était, une sensation d'antan. Quand on savait s'émoustiller d'une caresse.
Je n'aurais pas cru avoir attendu ce moment.
Pourtant, quelque chose en moi se libère.
"Tu sais ce que les gens faisaient autrefois, lorsqu'ils avaient des secrets qu'ils ne voulaient pas partager? Ils gravissaient une montagne, trouvaient un arbre, y taillaient un trou, et y murmuraient leur secret. Ils le couvraient ensuite de boue. De cette façon, personne d'autre ne le découvrait jamais." 2046, Wong Kar Wai
vendredi 3 décembre 2021
Jamais deux sans trois
lundi 29 novembre 2021
L'amitié, ce n'est pas un feu de bois
J'ai trente minutes avant de vider ma batterie.
J'espère que d'ici là, les voisins du dessus auront arrêté de balancer la musique, après tout, il n'est que six heures du matin. L'immeuble entier vit-il sur un autre fuseau horaire ?
Et puis, pourquoi Jacques Brel ? Ce décalage temporel, on n'est même plus à parler de fuseau...
Un lundi matin des plus ordinaires.
J'ai relu ces vieux textes qui parlaient de toi. C'était il y a seize ans. J'ai ressenti la fascination que tu avais pu exercer sur moi. Ta vivacité d'esprit, tes vannes absurdes. La finesse de tes mouvements, cette capacité exacerbée de surprendre...tu avais déjà compris tous les codes, probablement. Et moi, j'étais si naïve.
A attendre quatre ans un garçon qui a l'art de séduire.
C'est complètement masochiste, non ?
La désillusion de la superficialité de ces gestes, le langage des corps interprété bien trop vite... j'étais immature, je voulais croire à notre romance alors que la seule romance factuelle, c'étaient mes doigts sur le clavier qui récrivaient l'histoire telle que j'avais envie de la vivre. Je m'en suis voulue d'être idiote. Mais dans le fond, ce n'était que de la jeunesse.
La deuxième fois, nous étions de vrais adultes. Nous avions le recul sur les relations de couple, mais toujours pas les mots. Si peu de tendresse, autant de non-dits. A quoi ça servait ? Tu n'étais même plus un bon coup et j'avais du mal à saisir ce que tu me trouvais.
"Je pense que tu lui plais."
"Tu devrais essayer".
Est ce que ce ne sont pas ces autres qui continuent à m'induire en erreur ?
Les portes paroles spontanés de tes éventuels sentiments.
Pourquoi tu ne m'en parles jamais ?
Pourquoi l'on s'envisage par cycles ?
On n'en a jamais discuté toi et moi mais je vois bien que c'est louche. Ton rythme. T'es à deux mille à l'heure. Tu souris bêtement sans me dire pourquoi. Tu ne me dis jamais au revoir. On vient à peine de fixer un rendez-vous que tu m'en proposes deux autres dans la semaine. Pour voir des films. Ah. Netflix and chill, vraiment ? La même recette depuis quinze ans ?
Pour n'importe qui d'autre, j'aurais trouvé ça gros comme le nez au milieu de la figure mais t'es un bluffeur professionnel, je le sais. T'attends quoi de moi, exactement ?
Tu feras comme les autres fois ? Tu me laisseras venir, lentement, sans jamais avoir fait le premier pas ?
Tu créeras les contextes pour que ça me monte à la tête, pour que je commence à t'envisager à nouveau, naturellement ? Tu ne te mouilleras jamais, ne laissera jamais entrevoir ton jeu ni tes intentions, comme à ton habitude ? En amour, t'as de si mauvais réflexes.
Et j'ai peur, un peu. Parce que j'ai envie de te palper les cuisses. Parce que mes mains trahissent mes intentions. Je me suis vue attraper tes doigts à deux reprises, impuissante, assister spectatrice à mon élan qui va plus vite que l'information jusqu'à mon cerveau. Je suis tellement pas tactile, d'ordinaire.
Est-ce que tu as lu en moi ?
Je ne sais pas vraiment ce que je dois faire. Je sais juste que je pense à toi, et ces flashs d'images indécentes qui viennent parasiter mon fil de réflexion. On est amis, n'est-ce pas ?
N'est-ce pas ?
C'est bien de l'amitié, non ?
Je ne sais plus à quelle certitude me fier.
Je crois pouvoir affirmer que je me sens perdue.
Jamais deux sans trois,
je redoute tellement le dicton...
mercredi 15 septembre 2021
Voir la date au dessus de la boîte
C'est drôle. C'est quoi ma vie ?
Les journées qui défilent sont pas si mal, au final. J'étais partie pour chercher l'amour, encore. J'ai l'impression d'être dans la phase grise de mon existence, un peu avant les starting blocks. Là où t'as droit de t'échauffer parce que le top départ n'a pas encore sonné. De faire ce que tu veux de ton corps.
Me sens comme ça. A l'endroit de la libre action et de la libre pensance. A l'endroit où tenter et se tromper, c'est pas très grave.
Ma réflexion m'a menée à ce constat.
Je veux un mec bien, avec qui je prendrai mon temps.
Je veux aussi un max de gourmandise.
Suffit de trouver un mec bien et gourmand avec qui prendre son temps. Mais, en attendant, quand t'as qu'une moitié des deux ?
Faut être honnête avec soi-même. A s'embarquer dans quelque chose d'un peu moins coloré mais sérieux, je préfère l'édulcoré de l'éveil des sens. Il y a une raison à cela, j'ai de fins gourmets devant moi. Qui travaillent la précision des recettes, la virtuosité des mélanges, qui ont le palais affiné, entraîné.
C'est rare de trouver tant d'artisans passionnés par leur domaine sur une même période. Pouvoir ensemble, façonner la matière.
Est-ce que j'ai envie de lâcher ce labeur, nos champs de recherche respectifs pour un mec sérieux avec de belles valeurs ? Est-ce que ça suffit ?
Pour clôturer mon insatiable curiosité et la diriger dans un seul sens, faudrait me mettre un certain nombre de paillettes dans les yeux et être prêt à recevoir mes envies féroces de découverte. Pour l'instant, pas de magie à l'horizon. Pas d'émoi grandiloquent. Pas de petite flamme qui nait sans se casser la gueule, se faire étouffer par la vitesse avec laquelle on prend les tournants sur un site de rencontre. De vrais chauffards de l'attraction.
Je suis exigeante, romantique, passionnée, crue.
Au milieu de la phase grise de mon existence.
Dans cette temporalité où ma peau est encore douce et élastique et le sablier du temps qui continue de se déverser. Je privilégie ce qui survit à la décrépitude de la vie. Ce qui compte au delà d'un regard. D'une attirance furtive. Mais on sait bien, vous et moi. Quand la date de péremption approche.
Faut manger tout ce qu'on a.
samedi 4 septembre 2021
Insomnie
J'ai oublié de dormir.
A la place, je me suis raconté des blagues. Toute seule dans mon lit, me suis entraînée à les scander correctement, mettre l'emphase sur l'effet de surprise. Et je me suis fait rire.
Me suis fait rire de me voir solo à sept heures sur matin, mimer des blagues en direction du plafond en position horizontale. Mais qui fait ça, sérieux.
J'ai refait l'intégralité de la stratégie de mon jeu mobile les yeux fermés, j'ai corrigé le dossier de subventions de mon pote sur mon matelas parce que je me suis rappelée qu'il me l'avait envoyé par mail pour avoir un avis mais c'était plein de fautes, j'ai repensé à ma mère qui disait de la merde sur les cotons tiges des tests antigéniques alors je suis allé vérifier les infos, remonter les sources d'un article qui parlait d'autres chose, mal interprété ensuite par des dizaines de blogs vaseux, ça m'a réconfortée et en même temps je me suis dit que ce serait cool que ma mère soit plus méfiante sur la véracité des infos qu'elle véhicule plutôt que sur la dangerosité des cotons tiges des tests antigéniques, j'ai repensé aux cycles circadiens, à ma digestion et sa potentielle influence sur mon éveil en essayant de faire des statistiques de mes nuits et de leur évolution, je suis tombée sur le post Instagram d'une capture d'écran d'un texte de Navo d'il y a dix ans alors j'ai retracé son blog, j'ai lu, mais je me suis rendue compte que j'avais déjà tout lu il y a longtemps, j'ai reconstruit en mon esprit cette discussion de rupture que j'aurai jamais avec ce gars d'OkCupid d'il y a six mois et dedans je lui disais que j'aimais pas les trucs qui s'achèvent d'une manière pas nette et qu'elle me manquait cette conversation d'adulte à adulte, j'ai repensé à l'italien mentaliste qui débarque demain, au désir, et j'ai imaginé un cours pour expliquer aux hommes que bien toucher le sexe d'une femme c'est pas si éloigné dans l'esprit que leur manière de se donner du plaisir à eux-mêmes, avec méthodes à l'appui, puis j'ai repensé à ma vie amoureuse de ces dernières années qui aurait pu ressembler au début d'une bonne blague : "c'est un italien, un belge et un américain qui rentrent dans un bar" sauf que c'est dans ma chatte. Le soleil s'est levé sur mes pérégrinations nocturnes et il a commencé à se faire faim.
lundi 5 avril 2021
Step by step, day by day
Un pas après l'autre, Anne. Concentre-toi sur tes pieds, le droit qui dépasse le gauche, le gauche qui rattrape le droit. Comme ça. Petit à petit.
Une chose après l'autre, me souffle ma conscience. Alors que mes pensées se déchaînent et hurlent en arrière plan.
Les larmes se dévalent et le gouffre se crée, tu sais ce trou noir du plexus qui aspire tout jusqu'à se manger lui-même. Pas après pas, Anne. C'est la seule réponse qui me vient lorsque j'ai envie d'en finir avec toutes ces histoires d'existence.
Comme l'impression que l'erreur dans la matrice c'est de vouloir voir trop loin trop large tout le temps. Qu'on est conçu pour anticiper sur une certaine distance et qu'au delà, les effets bénéfiques de la projection s'inversent, que c'est la boite de pandore qui nous tombe sur la tronche et son bordel incommensurable dont il est impossible de s'extraire.
Prendre le jour tel qu'il vient.
Ca commence à se compter en années, et toujours pas vu le soupçon d'une lumière.
Il est où le bout de ce foutu tunnel ?
Je suis fatiguée.
Fatiguée de patauger dans le noir, sans idée de s'il existe une solution à mon trouble, de si je trouverai un jour l'étincelle d'un nouveau sens à ma vie et de si ce jour est programmé pour ce temps d'existence qu'il me reste.
Je n'espère plus.
J'ai démoli trop fort les fondements de mon esprit.
Cela me rend plus perspicace, plus pertinente.
Et en même temps, profondément inutile.
Est-ce que ce temps là se rattrape ?
Je ne suis même pas à la moitié de mon espérance de vie. Pourquoi suis-je déjà si épuisée d'avoir essayé ?
J'ai tellement essayé.
Je n'en peux plus.
Est-ce qu'il ne faudrait pas se rendre à l'évidence ?
T'as fait ce que t'as pu, Anne. T'as tenté ta chance maintes et maintes fois. T'as choppé les mains qu'on te tendait, tu t'es laissé tenter par les heureux hasards parce que tu ne voulais pas te laisser aveugler par une vision trop étriquée de tes rêves, parce que tu sais que tu ne peux pas tout savoir. T'as essayé de développer tes points forts, t'as bossé d'arrache pied sur tes points faibles, tu t'es débarrassée des démons de ton enfance, des croyances et concepts qu'on avait gravé sur ton image, tu t'es questionnée, t'es allé chercher tes véritables envies et besoins, tu les as comparés avec ce que t'avais déjà construit et ce en quoi tu plaçais tes efforts, tu t'es entraînée à les exprimer au plus juste, t'as cherché la justesse, toute ta vie t'as cherché la putain de justesse, dans tes actes, dans tes mots, en cohérence avec tes valeurs, t'as remis en question ce que tu pensais vrai, ce que tu pensais bon et mauvais, tu t'es demandée pour toi ce que c'était être un adulte ou même juste, un être humain et qu'est-ce que ça t'a apporté ? L'envie d'en finir ?
C'est ça, la réponse ?
Ce jeu de la vie, il est vraiment nul. Il est pas fun quand t'as pas les bonnes cartes en main et plus t'avances dans le jeu, plus l'écart se creuse et à quoi bon si on prend aucun plaisir avec ces règles à la con. J'ai envie de balancer la table et mes cartes contre le mur tellement je suis énervée, je suis pas compétitrice, je me bats contre personne, je veux juste un tant soit peu y trouver un sens.
Mais j'ai beau chercher.
Et je vous jure, je cherche.
A quoi bon tout ça.
Un pas après l'autre, qu'elle disait la petite voix de mon cerveau.
C'est le seul argument qu'elle ait trouvé pour que je ne me flingue pas ici et maintenant.
lundi 30 mars 2020
La vacuité d'un discours
A force de poser ses rêves dans des cases insolubles. Je suis tellement pas là que j'ai du mal à en finir mes phrases. Un peu partout.
J'ai perdu mes structures. Depuis que j'ai souhaité tester la solidité de mes piliers intérieurs. Un vrai château de sable, cette merde. Y'a rien qui tenait droit. Qui tenait tout court d'ailleurs. Mais dans le fond, ça aurait été la tour de Pise, j'aurais démoli pareil. Je ne supporte plus les raisonnements bancals de mon cerveau qui s'évertuait à justifier comme il pouvait mon besoin de sens mêlé à mon envie de grandeur.
Du coup, je ne suis plus trop là.
J'ai du mal à croire.
A espérer.
Et l'espoir c'était un peu mon moteur.
Chaud de changer de carburant en milieu de course, d'autant plus quand on n'a pas vu la panne venir.
C'est l'occasion de se mettre aux énergies renouvelables, alors ?
J'ai pas à me plaindre, j'ai quand même bien vécu.
J'ai l'impression d'avoir tout cramé trop vite, mais ce sera aussi la preuve que je n'aurai pas été une anorexique de la vie.
Il faut que je couche mes mots quelque part.
Si je parviens à surmonter ce No Man's Land de la pensée, j'aurai acquis l'expérience nécessaire pour construire mon futur sur des bases saines et solides.
Mais le temps est le souffre douleur de l'âge. Il se fait petit face à la pression des années. Il se rétrécit, souhaite disparaître. Bientôt, il n'y aura plus de pourparler entre l'âge et le temps. Et on connait déjà la fin de l'embrouille. On la connait tous.
Enfin, c'est faux. C'est même le contraire. Je sais pas la fin et pour l'instant, l'idée d'y aller sans raison, sans logique narrative apparente m'emballe pas de ouf. J'aime pas les fins sans queue ni tête. Les fins bâclées. Et je tolère les fins absurdes lorsqu'elles sont ficelées. Quand l'absurde est réfléchi, quand il est tout sauf absurde lors de sa conception, finalement.
En fait c'est fou, une décennie écoulée et c'est toujours le même besoin qui se hurle en interne.
Du Temps à Vivre.
Je veux du temps à vivre.
Il porte vraiment bien son nom, celui-là.
vendredi 23 novembre 2018
Mon prénom sur un porte-manteau
Pourquoi est-ce qu'il m'envoie une photo d'un porte manteau d'école primaire avec au dessus d'une veste d'enfant, un dessin de feuillage avec mon prénom écrit?
Quel est le message?
Est-ce qu'il est si peu conscient de l'effet qu'il me fait, malgré toutes mes déclarations et efforts pour me détacher de lui?
Qu'est-ce que tu veux me dire, Wind? Que tu penses à moi? Que tu as vu mon prénom quelque part et qu'il fallait absolument que tu me le signifies en prenant cette photo? C'est un prénom plutôt ordinaire en plus, ce ne sera ni la première ni la dernière fois qu'il passera sous ton regard tu sais…
Il n'y a probablement rien à comprendre, mais moi ça me rend dingue. Ca me rend dingue parce que je t'ai informé que j'essayais d'oublier mes sentiments pour toi, pour le bien de nos futurs projets professionnels et toi tu m'envoies mon prénom. La prochaine fois envoie-moi juste un "hey, j'existe" ou achève-moi directement avec un "miss you". Je comprends pas, sérieux. T'es un mec réglo à ce qui parait, alors laisse-moi tranquille. Ayons la relation pro que tu as choisie et cantonnons-nous à cela. Des rapports cordiaux.
Merde.
Tout est adorable chez toi. Dans mes yeux, là, tu es la mignonnerie incarnée sur Terre. C'est impossible que mon cœur ne batte pas quand tu me signifies de près où de loin que quelque chose ou quelqu'un t'a fait penser à moi. Quand tu m'envoies des vidéos ou des chansons parce que tu veux que je les écoute, parce que tu crois que ça pourrait me plaire. Arrête enfin. Sinon, je ne serai moi-même jamais capable de stopper le processus.
T'imagines, tu m'as même dit "trouve-toi un copain". Que ça irait mieux si j'avais quelqu'un.
Mais m'écris pas alors. M'envoies pas des trucs sans prétextes, sans but. M'envoies pas des trucs juste comme ça, sinon je vais croire qu'il y a plus, sinon je vais croire que tu ne veux pas vraiment que je tire un trait sur toi.
Tu peux être fier en tout cas, ça marche. J'ai beau chercher des hommes pour te remplacer, je me défile. J'annule les rendez-vous. Je trouve des étrangers qui repartent le lendemain. Je fais des demi-tours pour rentrer dans la nuit m'engouffrer seule dans mon lit parce que j'ai l'impression qu'il y a un truc qui cloche. Que je ne suis pas au bon endroit. Pas à ma place. J'hésite pendant des heures, je fais des pour et des contre en mon esprit, j'essaie de me convaincre mais j'ai pas envie de me donner raison. Parce que j'ai l'impression d'avoir trouvé. Parce que j'ai pas de doute sur toi. Parce que mon cœur il m'a dit "c'est lui là, ça y est c'est lui" et que ça faisait un bail qu'il m'avait pas parlé de la sorte. Si franchement, sans faire de chichi, sans faire de "oui mais bon...peut-être que...je sais pas trop…". Moi mon cœur, pour la première fois depuis longtemps il m'avait dit "fonce", il m'avait même assuré que j'étais en terrain conquis. La manière dont tu t'étais présenté à moi, la manière dont tu me dévorais du regard, tes gestes, tes attentions, tes prétextes pour me toucher, ta façon de rester tout le temps, un peu plus que ce qu'il ne faudrait, m'accompagner jusqu'à la dernière limite, prendre des heures de retard sur ton planning pour être avec moi, juste à parler, juste à se manger des yeux putain. A Halloween, me laisser me déshabiller sous ta soutane de prêtre. Avec toi dedans. Quand tu me tenais la main pour me diriger à travers la foule, sans la lâcher quand il n'y avait plus personne. On ne tient pas la main d'une collègue. C'est pas la manière la plus claire pour démarrer une relation non ambiguë je crois. Alors quoi.
Tu fais chier de pas être célib.
samedi 10 novembre 2018
Tu es le vent
J'ai appelé Wind.
Je l'ai supplié de me mettre un vent.
C'est marrant les coïncidences de nom, non?
Tu es le vent.
Je t'ai dit, s'il te plait, cesse les arguments circonstanciels.
Car j'ai eu beau me répéter que tu avais une copine et que les sentiments ne font pas bon ménage avec le travail, mon cœur a besoin d'un rejet personnel.
C'était fou.
J'appelais pour mettre les choses à plat. Pour te donner l'opportunité d'être franc avec moi. Pour ne plus cacher la séduction derrière des non-dits et s'offrir la possibilité de repartir sur des bases saines.
Mais j'ai toujours pas compris en fait et quand j'ai raccroché, je t'ai trouvé encore plus adorable.
- Eh bien, tu n'es pas mon type de fille.
- Génial, quoi d'autre?
- Je sais pas, je vais pas mentir non plus. Je suis un gentil, je peux pas...
J'ai bien entendu que tu n'avais jamais rencontré de fille comme moi auparavant. C'est ce que tu as dit, mot pour mot. Pour rajouter que c'était une rencontre professionnelle incroyable. J'ai compris que tu m'as tout de suite vu comme un potentiel, que c'est ce qui t'a stimulé et ce sur quoi tu t'es focalisé.
Je l'avais entendu mais ensuite t'enchaînes avec des lapsus de merde. Et qui écouter, ton inconscient ou ta conscience?
Quand tu me dis "Anne, j'ai une copine. Entre nous c'est impossible pour l'inst….enfin...tout court" tu gâches tout. Tous mes efforts pour tuer mon espoir. Pourquoi tu lâches un "pour l'instant" que je dois moi-même te faire corriger? Quand tu me dis "comme ça ça nous permettra d'être proches….pardon, un futur proche, ça nous permettra dans un futur proche de…" je me demande comment tu peux confondre deux choses si lointaines dans la syntaxe. Tu veux me torturer, c'est ça? Tu veux me montrer qu'à l'intérieur, ton message n'est pas le même?
Tu fais chier.
Il n'était pas unidirectionnel du tout ce vent.
C'était un mistral. Ca partait dans tous les sens. Et je ne savais plus quoi penser.
Je t'ai appelé pour y voir plus clair et casser mes illusions.
Et alors que tu me disais que toi et moi c'était impossible, j'ai réussi à me construire de nouveaux films. Et quand je t'ai avoué que je t'ai aimé avant même que l'on se rencontre tu m'as répondu qu'il n'y avait pas de hasard.
Alors je t'ai fait promettre de ne plus me toucher. De ne plus être si tactile avec moi, au moins le temps que je m'en remette. Tu vois, ça me crève un peu le cœur mais j'essaie d'y mettre du mien pour dénouer les liens.
Je veux qu'on soit heureux.
Je veux qu'on fasse de jolies choses de nos substantifiques moelles.
vendredi 9 novembre 2018
Découper les papiers
Si si, dans les films ils le disent. Ils le disent toujours, on ne peut luter contre l'amour.
Moi, je fais des petits papiers avec deux bonhommes connectés que je découpe.
Pour tenter de rompre les liens. Tenter de lancer un canot de sauvetage à mon petit cœur qui s'est jeté à l'eau avant même d'entrevoir un rivage.
C'est la merde en mon esprit.
Je remets tout le temps tout en question.
Et comme je ne peux t'avoir toi, je sors en quête d'une stimulation intellectuelle, appâter des cerveaux et perdre mes heures à refaire le monde un millier de fois. Je me dis, tu vois Anne, au moins ton imagination affamée un instant est dirigée ailleurs, vers des idées plus grandes que toi, vers un idéalisme, des valeurs. Les gens te demandent conseils et plus les gens te demandent, plus tu trouves de solutions, comme si tu t'échauffais et qu'une fois prête, tes pensées, elles faisaient la course, d'un rythme frénétique vers un objectif mais sans couloir, c'est toi qui choisis le chemin que tu souhaites emprunter en fonction des obstacles. Toutes ces réponses que tu apportes, elles sont simples et claires, elles font sens chez autrui quand tu les prononces. Elles t'occupent quand toi t'essaies de découper ce papier dessiné avec deux bonhommes dessus, incapable de lâcher prise ton obscur coup de foudre.
J'en suis pas à mon premier coup de foudre.
Je les rencontre à peine que je sais déjà que je vais tout aimer ce que je vais découvrir en eux.
Parfois, ils n'ont même pas le temps de parler que je sais qu'on va vivre une histoire ensemble.
J'aimerais bien apprendre à connaître la personne pour réaliser qu'un jour, j'en suis tombée amoureuse.
Mais souvent, je savais depuis le premier jour. Et comment rationnaliser une telle audace de cœur?
Où trouver la logique à tout ça?
Cela sonne comme de la folie et de l'ignorance.
Ou une autre forme de sagesse.
Quoi faire de toi, Wind?
Tu es le vent. Dois-je luter ou me laisser emporter?
Je sais que tu ne mènes nulle part.
Tu me l'as dit.
Tu me l'as dit, mais je t'aime déjà.
Je t'aimais avant de t'avoir rencontré.
Et tellement plus fort encore lorsque nous nous sommes croisés pour la première fois.
Et encore plus fort la seconde. Et encore, et encore.
Ca augmente. A une vitesse et une intensité fulgurante.
Tu dois bien le voir comme moi, Wind. On commence si distant, on finit si près.
Si proches. Nos corps cherchent à se mettre côte à côte. Avoir un point de contact. Je sens un réel soulagement lorsqu'un bout de mon être partage la surface d'un bout de ton être. Je me sens apaisée. A ma place. Je vois bien tes gestes d'attention, Wind. Naturellement, on a envie de prendre soin l'un de l'autre, car toute mon attention est tournée vers toi, je ne peux ignorer tes préoccupations.
Wind, est-ce que tu la sens? Cette difficulté à s'éloigner? Ces temps que l'on prolonge devant le palier de la porte à se dire au revoir, puis dans les couloirs, puis devant l'ascenseur? On a gratté des heures de la sorte. A être prêts à partir pour se donner bonne conscience mais à rester encore. Tu le sens ce dynamisme? Cette énergie folle qui nous anime lorsque l'on est ensemble? A sautiller partout, à bouillonner d'idées nouvelles, d'idées communes, à penser aux mêmes choses en même temps, à rire comme des enfants, des enfants qu'on a trop excités et qui ne se contrôlent plus et lorsqu'on a trop tiré sur la corde, se dire "à demain?" parce qu'on est impatients de se revoir? Tu les sens ces gestes d'affection? Quand tu touches mes cheveux, que tu caresses mon visage, que tu me parles très près en me dévorant des yeux? On s'est déjà cognés d'être trop près de nos bouches. Comme si on cherchait l'accident. Le baiser non coupable.
Quand deux êtres passionnés se rencontrent, il est difficile de discerner la passion globale d'une passion unique. Vis-tu de manière passionnée ou m'aimes-tu passionnément?
Ca fait une énorme différence.
Ca fait que dans un cas il y a un lien, et dans l'autre des films.
Le problème c'est que je connais la chanson.
Moi je suis instantanément tombée amoureuse, et toi tu n'es pas disponible.
Alors je reprends mes papiers. Et je coupe.
Je coupe.
Parce que j'ai vertu à trouver le bonheur.
lundi 17 septembre 2018
Du temps qui court
C'est comme si je courrais constamment d'un point à un autre, sans pause, sans jamais avoir le geste d'observer le parcours accompli, sans boire une seule gorgée d'eau, en misant tout sur une endurance féroce et la beauté des paysages traversés pour me permettre de continuer à avancer.
Plus le temps passe plus je me rends compte que je suis une personnalité atypique, qui a du mal à se fondre dans la masse. Un atypisme dur à revendiquer, avec d'autres contraintes. Quand les lumières se rivent sur moi, je ne me sens pas calibrée pour certains contextes. Pour briller, il faudrait que je sois également derrière les projecteurs, diriger les faisceaux, créer d'autres ambiances.
Je n'aime pas ce milieu de paillettes, où l'on évolue si proches en communiquant si peu. Je n'aime pas devoir mériter que l'on m'adresse la parole. Ni que l'on me juge à ma reconnaissance. Je n'aime pas que la seule manière d'échanger avec un être doive d'abord passer par moi qui rentre dans le jeu. Je n'aime pas le jeu. Une relation, ce n'est pas un jeu. Je ne suis pas un jeu. Ni un divertissement.
"Tu es étonnante."
Eh bien génial. Que veux-tu que je fasse de cette information?
Où sont les gens sincères et aimants?
Dis, est-ce que tu m'attends quelque part?
J'ai toujours voulu voir de mes propres yeux ce monde scintillant, ces personnalités uniques qui m'ont vendues du rêve derrière un écran. Je voulais vivre des histoires magiques et magistrales qui ont un goût de film. A la place, je ne fais que palper le poids d'une hiérarchie solidement ancrée où l'on te ponctionne jusqu'à l'os l'essence même de ce qui fait que tu n'es qu'un produit à leurs yeux. Ton être reflète la demande du marché. Sois vendeur. Fais ce qui doit être fait pour attirer le maximum d'acheteurs.
Ces gens se rendent-ils compte que rien ne leur appartient?
J'aimerais trouver l'amour.
Une très mauvaise idée par les temps qui courent.