vendredi 9 novembre 2018

Découper les papiers

Tu vois, on me dit que l'amour ça ne se contrôle pas.
Si si, dans les films ils le disent. Ils le disent toujours, on ne peut luter contre l'amour.

Moi, je fais des petits papiers avec deux bonhommes connectés que je découpe.
Pour tenter de rompre les liens. Tenter de lancer un canot de sauvetage à mon petit cœur qui s'est jeté à l'eau avant même d'entrevoir un rivage.

C'est la merde en mon esprit.

Je remets tout le temps tout en question.
Et comme je ne peux t'avoir toi, je sors en quête d'une stimulation intellectuelle, appâter des cerveaux et perdre mes heures à refaire le monde un millier de fois. Je me dis, tu vois Anne, au moins ton imagination affamée un instant est dirigée ailleurs, vers des idées plus grandes que toi, vers un idéalisme, des valeurs. Les gens te demandent conseils et plus les gens te demandent, plus tu trouves de solutions, comme si tu t'échauffais et qu'une fois prête, tes pensées, elles faisaient la course, d'un rythme frénétique vers un objectif mais sans couloir, c'est toi qui choisis le chemin que tu souhaites emprunter en fonction des obstacles. Toutes ces réponses que tu apportes, elles sont simples et claires, elles font sens chez autrui quand tu les prononces. Elles t'occupent quand toi t'essaies de découper ce papier dessiné avec deux bonhommes dessus, incapable de lâcher prise ton obscur coup de foudre.

J'en suis pas à mon premier coup de foudre.

Je les rencontre à peine que je sais déjà que je vais tout aimer ce que je vais découvrir en eux.
Parfois, ils n'ont même pas le temps de parler que je sais qu'on va vivre une histoire ensemble.
J'aimerais bien apprendre à connaître la personne pour réaliser qu'un jour, j'en suis tombée amoureuse.
Mais souvent, je savais depuis le premier jour. Et comment rationnaliser une telle audace de cœur?
Où trouver la logique à tout ça?

Cela sonne comme de la folie et de l'ignorance.
Ou une autre forme de sagesse.

Quoi faire de toi, Wind?
Tu es le vent. Dois-je luter ou me laisser emporter?
Je sais que tu ne mènes nulle part.
Tu me l'as dit.
Tu me l'as dit, mais je t'aime déjà.

Je t'aimais avant de t'avoir rencontré.
Et tellement plus fort encore lorsque nous nous sommes croisés pour la première fois.
Et encore plus fort la seconde. Et encore, et encore.
Ca augmente. A une vitesse et une intensité fulgurante.

Tu dois bien le voir comme moi, Wind. On commence si distant, on finit si près.
Si proches. Nos corps cherchent à se mettre côte à côte. Avoir un point de contact. Je sens un réel soulagement lorsqu'un bout de mon être partage la surface d'un bout de ton être. Je me sens apaisée. A ma place. Je vois bien tes gestes d'attention, Wind. Naturellement, on a envie de prendre soin l'un de l'autre, car toute mon attention est tournée vers toi, je ne peux ignorer tes préoccupations.
Wind, est-ce que tu la sens? Cette difficulté à s'éloigner? Ces temps que l'on prolonge devant le palier de la porte à se dire au revoir, puis dans les couloirs, puis devant l'ascenseur? On a gratté des heures de la sorte. A être prêts à partir pour se donner bonne conscience mais à rester encore. Tu le sens ce dynamisme? Cette énergie folle qui nous anime lorsque l'on est ensemble? A sautiller partout, à bouillonner d'idées nouvelles, d'idées communes, à penser aux mêmes choses en même temps, à rire comme des enfants, des enfants qu'on a trop excités et qui ne se contrôlent plus et lorsqu'on a trop tiré sur la corde, se dire "à demain?" parce qu'on est impatients de se revoir? Tu les sens ces gestes d'affection? Quand tu touches mes cheveux, que tu caresses mon visage, que tu me parles très près en me dévorant des yeux? On s'est déjà cognés d'être trop près de nos bouches. Comme si on cherchait l'accident. Le baiser non coupable.

Quand deux êtres passionnés se rencontrent, il est difficile de discerner la passion globale d'une passion unique. Vis-tu de manière passionnée ou m'aimes-tu passionnément?
Ca fait une énorme différence.
Ca fait que dans un cas il y a un lien, et dans l'autre des films.

Le problème c'est que je connais la chanson.
Moi je suis instantanément tombée amoureuse, et toi tu n'es pas disponible.
Alors je reprends mes papiers. Et je coupe.
Je coupe.

Parce que j'ai vertu à trouver le bonheur.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Du temps à tuer?