mercredi 25 mars 2015

Pour quoi faire

Sous la pluie, je me mouille à sortir de ma coquille.
Sensation de malaise.

Je me fais chier dans les bars.

J'ai pas l'énergie à faire semblant que ça m'amuse de parler pour ne rien dire.

Mon amie a croisé hier ce surdoué du piano, qui lui a dit qu'il culpabilisait de ne pas répondre à mes messages. Elle lui a fait promettre qu'il m'appellerait bientôt. Qu'à cela ne tienne, je lui envoie un texto pour lui faciliter la tâche : "Salut, je suis avec mon amie qui m'a dit qu'elle t'avait croisé récemment, j'aimerais bien qu'il m'arrive la même chose! Quand est-ce qu'on se voit?"
Réponse froide en retour. Dialogue stérile.
Les boules qui montent.

Après tout, ça ne fait que deux, trois ans qu'on ne s'est pas retrouvés, cache ta joie!

Ça m'énerve, mais après tout, je n'ai qu'à pas tenir à ce genre de rencontre. Les dernières fois, on en parlait onze heures d'affilées à en oublier de dormir. Et le sentiment rare d'en retenir quelque chose.

C'est pas grave. Je vieillis. J'ai plus de force à perdre pour ce genre d'acharnement relationnel.

A contrario, il y a ce garçon qui me prend dans ses bras, me soulève et me fait tourner lorsqu'il m'aperçoit au comptoir. Il était juste venu récupérer un tupperware, et s'en va en faisant semblant de se prendre la porte vitrée lorsqu'il me fait ses au revoir. J'ai partagé une, deux soirées avec lui. Putain! J'aimerais bien un jour, pianiste surdoué de mes couilles, depuis les 7 ans qu'on se côtoie, que t'arrêtes avec tes jeux de chaud-froid pour qu'on puisse enfin avoir un échange normal. Ou qui se construit sur la durée, par exemple. Je ne sais même pas pourquoi je pense toujours à toi.

"Quand les gens ne sont pas là, ils n'existent pas."

Tu m'avais un jour déclaré. T'étais jeune alors je te pardonne.
Mais maintenant.
Faut assumer, t'entends.
Faut l'assumer, ce lien pas commun qui nous retient l'un à l'autre.
Mais peut-être que c'est justement le moment de tourner la page d'une histoire inachevée.

C'était beau, improbable. Des instants, des déclarations envolées, subtiles, absurdes, tout à la fois.
C'était toi qui avais redonné vie à mon cœur, pour mieux le piétiner de ta lâcheté ensuite.
C'étaient nos cerveaux qui s'enlaçaient sans cesse. Nos corps qui jamais n'osaient se toucher de trop.
C'étaient nos musiques. Un respect mutuel. Ta volonté de nous laisser dans cette case à part, les gens et nous, nous et les gens. Des délires immatures. C'étaient nos redécouvertes, par hasard, des années après. D'autres formes de partage, un espoir qui renait.
T'as toujours demandé de mes nouvelles aux autres. Ils me transmettaient tes regrets de ne pas avoir gardé le contact. Et moi qui continue de t'appeler, sans t'avoir. Allez, une fois par trimestre peut-être. On sait jamais, on n'habite qu'à une rue d'écart. Une rue d'écart!

Qu'est-ce que tu fous!
Si c'est pas de l'hypocrisie, c'est quoi?
Trop fatigué pour faire l'effort de prendre ton téléphone? C'est toujours moi.
Et le courage dans tout ça?
Et ton intégrité d'homme?
Elle est où ta figure, sérieux?

C'est à chaque fois la même salade.
Je l'ai apprise par cœur. A m'en filer la gerbe.
Tu me la feras plus avaler, celle-là. Je te le promets.

Mais bon, je verrai bien jeudi.

dimanche 22 mars 2015

Et sourire aux enfants des autres

Évidemment, on se demande bien ce qui n'a pas tourné rond, lorsqu'on se retrouve seule à la table tout autour de ses amis de toujours, sans bague à l'annulaire, sans nourrisson au bras, sans mie à se mouvoir épaule contre épaule. On fait un peu tache dans le décor. On regarde l'autre clampin de la soirée qui est arrivé les mains dans les poches, et pas les doigts dans les doigts et forcément on se dit tiens. On se dit qu'on aimerait bien un peu de chair. Un peu d'envie. Un peu de cette peau pour la mordre, se nourrir d'un désir que l'on n'exprime pas depuis des mois, faute d'une relation hors norme.

A Paris, d'un de ces dimanches printaniers avant l'heure, un homme blond d'un charme sauvage, aux yeux bleus assortis au soleil, un peu à l'arrache avançait à contre sens devant moi. J'avais mes grandes lunettes noires anti-pollen alors je me sentais protégée et permise de le fixer à l’abri des regards. Et pendant que j'observais prétendument dissimulée reluire ses grandes pupilles, je compris trop tard que ses pas le conduisaient à moi. Il s'arrêta à mon niveau me faire la bise :

- Bonjour, moi c'est Marco. Et toi? Je peux te serrer dans mes bras?

Interloquée, prise par l'effet de surprise, je le laissais m'offrir son élan de tendresse.
Je ne pus que balbutier des "...m...mais pourquoi? ...en quel honneur?" qu'il me demandait déjà s'il pouvait faire un bout de chemin avec moi. Je n'étais pas toute seule, mon amie m'accompagnait.
Mais il était beau, et il avait de l'audace.
C'est sur l'instant, ce qui l'a sauvé.

Il m'a présenté son bras, je m'y suis engouffrée, le temps de rêver un peu à l'impossible.
Il avait fêté son anniversaire dans la semaine, je fêtais le mien le lendemain.
Il avait trente ans, Marco.
Peut-être qu'il s'est dit que c'était l'âge, et le beau temps pour tenter.
Tenter le diable.

Je voyais bien sous ses faux airs légers, qu'il n'avait pas eu une vie facile. Qu'il en voulait une autre, de vie. Qu'il voulait se sortir de toutes ces choses. Dans un éclat. De rire, de folie....d'existence.
Je lui dis que je repartais le lendemain dans la matinée. Il ne me crut pas. Il me demanda la permission de m'embrasser. Je refusais.

Il n'insista pas.
Et tout en me serrant dans ses bras une dernière fois, il me glissa à l'oreille avant de s'éclipser comme il était arrivé :

- Je te souhaite de faire une belle famille.

Une belle famille.

A moi.
La fille seule à la tablée, qui sourit aux enfants des autres.

Cela fait longtemps qu'un homme ne s'est pas projeté à mes côtés.
Moi je suis l'amour d'un instant, même s'il dure.
Je suis peut-être trop, aussi.
Ou pas assez.

Mon mec extra me dit que je ferais bien de le quitter. Qu'il ne sera jamais en mesure de m'offrir ce dont je mérite. Qu'il voit bien que j'aspire à construire, et que lui, eh bien, c'est un éternel solitaire. Avec toutes ses fuites, ses blessures, ses barrières.
C'est sûr que quand j'entends qu'en quarante ans, je suis sa troisième plus longue relation, je sais que ce ne sont pas des paroles en l'air. Quand je parle de notre histoire à mon entourage, la réponse est unanime : "moi à ta place, je ne pourrais pas tenir". Et moi, à ma place, qu'est-ce que je ferais?

Si personne n'y croit.
S'il n'y a que moi.

Je ne comprends pas. Il n'arrête pas de me dire qu'il ne peut m'apporter l'amour que j'attends.
Alors qu'il me l'apporte. A chaque fois.
D'une manière si touchante qu'elle m'en décroche des larmes.
A chaque fois.

Que voit-il que je ne vois pas?

jeudi 26 février 2015

Un amour informe

Tu es vraiment un mec extraordinaire.
"Et comment ne pas t'aimer?"
Touchés, émus, en fait on est pareils. En fait on s'attendrit pour les mêmes raisons.
Je ne sais pas quoi dire de cette relation.
Moi aussi, je me pose sans cesse la question.
Amoureux ou amical, ce lien qui nous unit?

Peut-être que ce n'est juste que de l'amour.
Un amour indéfinissable, sans cadre ni contexte.
Un amour informe.
Informel.

C'est marrant, quand je l'écris, c'est comme si je perdais un peu de mes parcelles de cœur, qui venaient se coller sur le bout des doigts, s'insérer mal dans les contours des lettres. Il n'y a pas de lettre qui convienne. Il n'y a pas de mot qui m’époumone. Alors que tes yeux. Que de tes yeux, il y a toutes ces larmes. Tu sais, celles qui convergent vers le creux de mes cils.

A chaque fois que je te vois, c'est ce que je me dis.
Qu'à chaque fois, je pourrais tomber amoureuse.
C'est fou, toutes ces questions qui perdent de leur sens lorsqu'on prend le temps de se regarder.
Ce sont nos petits enfants intérieurs qui pleurent de se retrouver.

Tu as dit que c'était ce qui t'émouvait le plus. Voir émerger la petite fille en moi. Dans mon regard doux et triste à la fois, lancer un appel.
- Un appel à quoi?
- A la réparation.
D'un temps très ancien, as-tu dit. Tu pensais à la jeunesse, moi aux vies antérieures.

Comment l'exprimer?
Ce qui nous retient ensemble.
On n'a rien d'un couple, et on ne fait rien comme eux. De loin, on aurait l'air de bons potes.
Tout se passe dans tes yeux. Dans ce que l'on se laisse observer.
Oui, je me sens à ma place. Je me sens retourner à la maison.
Ce n'est pas une vibrance. Une passion, un appel de la chair. Ce n'est pas le discours des sens ou de l'instinct. C'est un chant. Un chant qui traverse, de l'oreillette au ventricule, toutes les couches les plus intimes de l'être. Une émotion qui fait moins de bruit qu'une vibration, moins extravertie, moins décelable, qui s'insère en douceur, profondément. Qui résonne. L'écho, de toi à moi. Qui libère.

Peut-être que j'ai retrouvé un jumeau.
Une origine embryonnaire. Le cordon ombilical où nous sommes connectés.
Parce que quand je me sens t'aimer, je me sens m'aimer.

C'est fort, le bonheur que l'on se porte.
Si l'on pouvait maintenant s'amener les sentiments....

vendredi 13 février 2015

Quand est-ce que tu l'accouches?

Je le préfère tellement lorsqu'il parle que lorsqu'il chante.
Je sais pas. C'est peut-être l'intelligence de ses mots qui donne le grain à sa voix envoutante.
Alors qu'est-ce qu'il fait. Qu'est-ce qu'il fait bordel. Pourquoi il m'écrit pas.
Il est passé où le gars "très touché" qui me disait "Ouah, ça mérite une belle réponse tout ça, ou en tout cas une attentionnée...", qui me demande mon adresse mail perso parce que "lui aussi il aimerait me souhaiter plein de choses, alors tachons de reprendre un peu contact" blablabla tagaga tsoin tsoin la tirade pour me vendre du rêve. Avec tout le temps qu'il a passé pour me rédiger son message pour m'informer qu'il allait me rédiger un message, il aurait dû le faire directement, au lieu de me balancer un teaser de la mort qui tue là!
J'en peux plus.
J'ai de la patience, mais deux semaines, quand même.
C'est long pour écrire une réponse, surtout lorsqu'on a prévenu l'intéressée, et qu'elle attend.
Dans son coin, pour faire genre.
Pour faire genre qu'elle est souple.
Qu'elle s'en soucie pas, mine de rien.
Que ça lui passe comme ça.
Au dessus de la tête.

Hahaha.

C'est pour me punir parce que c'est pas bien d'y penser, c'est ça?
Qu'il est peut-être toujours avec sa nana, qui sait.
J'aimerais tellement qu'il m'en parle. Qu'on en parle. Qu'on sache à quoi s'en tenir.
Même si c'est rien. Même si on n'est pas dispo chacun.
Qu'on communique le cœur lesté de toute ambiguïté.

Même s'il y en a toujours eu.
De mon côté, en tout cas.

Dès la première fois qu'il s'est présenté à moi, me confier à quel point il aimait ma musique.
Je ne pouvais m'empêcher de penser à ce que m'avait dit ma mère sur lui, quelques semaines plus tôt. C'est vrai qu'il ressemble à cette star de cinéma français. Et pendant que j'y pensais, je l'écoutais pas vraiment. J'essayais de me ressaisir, mais il avait des yeux. Des yeux... Un regard... Pour la première fois, j'ai eu une faiblesse, un désir autre que pour mon sorcier bienveillant, amoureux de l'époque.
Lorsqu'il est parti, après m'avoir promis de me produire dans sa région, j'ai soufflé un coup. Évacuer l'émoustillement.

Je l'ai revu des mois après, j'ai fait le covoiturage avec sa petite famille. J'ai rencontré sa compagne. Je l'ai trouvée tyrannique. Lui, exténué. Les gens ont leurs propres histoires, ce n'est pas à moi de juger. Quant aux autres, ils jasaient : "que se passe-t-il entre eux? sont-ils malheureux?".
Moi, j'en pipais pas mot.
Moi, j'essayais de refréner mes élans.
Mais la nuit, sous le même toit, j'en rêvais.
A chaque fois.

Aujourd'hui, je me prends à rêver de lui alors qu'il n'est pas là.
Je rêve que l'on est marié, la bague au doigt pour le prouver. Qu'il m'extirpe, me sauve de ces autres hommes insistants. Je rêve que l'on assiste à une expérience sur l'amour universel, que l'on en sort transformés. Grandis, touchés au plus profond d'avoir ressenti l'essence de quelque chose. Côte à côte, épaule contre épaule et juste l'émotion qui submerge. Et puis, encore un peu stone, pouvant difficilement m'extraire de l'euphorie et me lever pour partir, je rêve qu'il me soulève et me porte contre lui sur le trajet qui mène à notre maison. Complètement émue par sa gentillesse et son amour.

M'enfin.
Plutôt que de rêver, je préfèrerais qu'il m'écrive.



mardi 27 janvier 2015

Rêveries humides

J'ai un train de vie aberrant.
J'ai perdu mes matins quelque part dans mes amoncellements de rêves, je ne sais même plus creuser, tendre vers une parcelle de commun, de communauté socialement réglée sur une certaine horloge, un soleil, peut-être.

Pas grave, les projets se bousculent.

S'oser à créer du loisir. De l'inutile.
Oser se faire plaisir dans des histoires folles qui s'inventent du bout des doigts, et se complètent par des associations fortuites. Fortuites, tu parles.
Ma team à moi.
Au service de mon imaginaire.

Dans la musique, je suis souvent seule.
L'inspiration, isolée d'une vie alerte.

Aujourd'hui, j'ai cette possibilité là de m'assembler avec d'autres, qui ne m'avait jusque là pas été donnée. Et c'est tout neuf, lavé avec Mirlaine, en machine! Je ne sais pas faire, ingénue, il y a tout à commencer, dans le but d'aboutir. D'un point A à un point B. Toutes mes références, mes paresses et errances sur l'ordi, mes moments de rêveries finiront-ils par servir?

Si j'ai ce temps de divaguer libre et sans remord...
Les fantasmes, de me bercer...
...c'est que le fil qui nous lie se détend, surement.

Tu ne me laisses pas vraiment l'occasion de t'aimer.
Peut-être qu'au fond, au fond de toi, tu ne te sens pas aimable.
Peut-être que c'est ça.

Et ce n'est pas tant que j'aie besoin d'aimer plus que toi.
C'est juste que j'y pense.

L'imagination fertile de tous ces plans à créer m'amènent à procréer.
Dans mes films.
Mes yeux se logent au creux de bras baladeurs.
Pendue, à des voix suaves, des façons d'exprimer, des regards, pénétrants.
Je songe à me faire pénétrer.

C'est parce que toi, tu n'es pas là.
Tu n'es pas là, dans le désir.
Ça me plait.

Mais j'ai pas l'habitude.


Soixante by Catherine Major on Grooveshark

jeudi 1 janvier 2015

Et comment allons-nous?

C'est décidé, l'année 2015 sera une année "ça va".

Sans chichi, ni plainte inutile.

Ça va, et avec le sourire.
Malgré la solitude intérieure. Les larmes versées au fond d'un trou de chiottes.
Ça va, parce que personne n'est obligé de savoir.
Parce que je ne suis pas obligée de transmettre.
Parce que perpétuer la morosité, les questionnements pessimistes bien qu'intimes, bien qu'étant une part de moi et de mes faiblesses, je ne sais pas ce que cela construit avec les autres. Je ne sais pas ce que cela engendre sur moi-même, ne serait-ce qu'une rengaine insidieuse.

Alors devant n'importe qui, quel qu'il soit.
Ça va.

Face à face dans la glace.
Ça ira.

Demain, peut-être.
Puisque c'est un autre jour.

dimanche 7 décembre 2014

Le gouffre du néant

Drôle de rêve eu entre deux eaux.
Dans ces passages délicats où la conscience retrouve peu à peu son esprit, il est parfois possible de choisir de modifier le songe avant le réveil. Mais ce matin là, il était davantage question de déployer ce processus dans la vie même. Dans le songe.
Confus, n'est-ce pas?

Ça l'était pas tellement pourtant, à la base.
Un rêve de grands voyages, de fêtes jusqu'à point d'heure.
Dans une immense maison, bien rangée à l'américaine, des parties endiablées. Mon mec extra et moi on prend le matelas et on va se caler dehors, sur la pelouse de l'entrée, dormir à la belle étoile. Il y avait quelqu'un d'autre, nous étions trois. Un garçon sympa que j'aimais beaucoup aussi. Regardant mon mec extra faire la maintenance de ce grand festival de hippies, je racontais à ce dernier à quel point je trouvais mon amoureux craquant et fabuleux. Nous faisions des grandes distances tous les trois, nous déplaçant pratiquement par la pensée. C'était si facile, la vie aisée.


Je suis réveillée par les doux baisers de mon mec extra qui s'en va travailler.
Après un instant de tendresse, je me rendors.

Les voyages continuent en groupe, à travers les époques et les contrées. Une ambiance peace, avec des fleurs dans les cheveux. Un peu comédie musicale, à la HAIR. Je suis tombée amoureuse d'un bel inconnu, il s'appelle John. Notre histoire est neuve et teintée d'une intensité et d'une fraicheur presque irréaliste. Un amour onirique, en somme. Nous marchons beaucoup, nous célébrons chaque instant comme l'instant présent. Avec le groupe, nous nous posons un moment auprès d'un étrange précipice.
Le lieu est d'une géométrie parfaite.
Tout en noir reluisant, comme l'hématite.
Un mur sur la gauche haut et lisse, une sorte de marche creusée dans le sol sur laquelle nous évoluons, d'environ 1m/1m50 de largeur, puis sur la droite, le gouffre, le vide.
Le néant infini, noir de jais.
C'est assez beau, cette brillance du matériau. Le danger est bien présent, mais le passage n'est pas long et l'on peut voir derrière ou devant la lumière de la terre ferme. De la vie normale. Cela nous sécurise.
Le petit groupe s'allonge ici pour reprendre son souffle. On sort les chips, on reprend des forces. On discute, le ton est à la rigolade et à la décontraction. Par précaution, je m'appuie contre le mur de gauche. Le gouffre n'a tellement pas de fond que quand on le regarde on a l'impression qu'il t'aspire. C'est hypnotisant.

Les gens se taquinent, se chamaillent. John, l'homme de mon rêve, toujours très nonchalant, en face de moi, s'étend et pose le coude par terre pour se prélasser. Un peu trop loin du bord hélas. Je le regarde faire, je vois son geste, je pressens ce qui arrive mais je n'ai pas le temps de le prévenir qu'il perd l'équilibre et glisse dans le fossé, d'un cri vite étouffé par le rien qui habite cet endroit.
Je me précipite au bord du gouffre, observe le fond, désemparée. Pas de doute, John vient de tomber dans le néant. Un néant qui n'a ni prise, ni fond. On ne le retrouvera pas. On ne pourra même pas aller chercher sa dépouille. Il n'est pas mort. En une fraction de seconde, il a cessé d'exister, c'est beaucoup plus brutal.

Je m'en veux de l'avoir entraîné là-dedans, il était beaucoup trop insouciant pour ce genre de voyage. Je pleure. Je me sens coupable. Même si c'est un rêve, je m'en veux de ne pas l'avoir protégé comme il se doit, de n'avoir rien pu faire que d'assister à son plongeon dans la non-existence.

Je reprends pieds dans une nouvelle réalité. Je n'ai plus envie de continuer le voyage pour l'instant. Pour l'instant, je dois faire le deuil de John, que j'ai aimé, même si ce n'était que le début de notre histoire. Je me rends à l'église, aux funérailles, je vois sa mère en larmes qui se recueille devant un cercueil vide. Je pleure avec elle. Je lui dis que je suis vraiment désolée pour tout ça. Il s'appelait Vaï, Laï, Raï ou Saï, je ne sais plus trop. Je ne sais plus quel était son nom onirique, et son nom réel. J'avais aimé un John dans un de mes rêves et maintenant, par ma faute, on enterrait le souvenir de Vaï. Ou l'inverse. Je savais qu'il y avait cette frontière entre la réalité rêvée et éveillée. Et je me disais, si tu veux Anne, il n'est pas mort. Puisque tout ça s'est passé dans ton rêve, si tu le souhaites, tu peux décider que cela n'influe pas ta réalité éveillée. Tu peux décider que le rêve n'implique pas le réel dans l'équation, et rendre la mort de John tel un simple élément n'appartenant qu'à l'onirique. Qu'à TON onirique, le seul, dissocié de la conscience collective. Tu peux.


Et je me suis réveillée sur un nouveau paramètre de mon existence.

dimanche 30 novembre 2014

Ces mecs qui me parlent d'aventure

Je ne sais pas.

Il sentait plus la merde que cette petite pouponne qui avait chié dans son froc un peu plus tôt dans l'après-midi, que j'ai pourtant gardé aux bras vingt bonnes minutes.
Est-ce que c'est son odeur qui faisait que je ne voulais pas de lui ou est-ce que je ne voulais pas de lui à cause de son odeur?

Il a pourtant tout pour plaire ce garçon. Il est beau et charmant, sensible, drôle, intelligent, il a mon âge, il danse, chante, multi-instrumentiste, fait du théâtre, écrit, compose. Il est sportif. Il est kiné, bonjour la dextérité. Et surtout, il est intéressé. Sous couvert de l'humour, il me fait des avances. Pas très fines, les avances...que je ne peux m'empêcher d'être saisie par le fou-rire lorsqu'il tente des rapprochements peu discrets. Pardon à lui.

En ce moment, je n'ai pas envie que l'on m'invite à danser.

En ce moment, j'ai pas mal d'occasions. Mais même quand je joue avec le feu, quand je me pose moi-même au bord du précipice, que je me pousse un peu, pour voir, l'adrénaline. Je n'ai pas envie de sauter. Je n'ai pas envie que d'autres me prennent dans leurs bras, ne serait-ce que pour avoir moins froid.

Je crois qu'à sa manière, il a rehaussé ma barre d'exigences, et celle de mes valeurs.
Pas plus tard que tout à l'heure, lorsque je disais au gérant de ce café que j'étais en couple avec mon mec extra, il m'a fait de grands yeux :

- LE mec extra? Celui que je connais? Ouaouh. C'est pas n'importe qui. C'est un homme précieux. Il a de la chance de t'avoir. Mais tu en as aussi. Si j'étais une femme, je crois que je serais amoureuse de lui.

Les gens continuent à me raconter à quel point il a été un tremplin, un soutien dans leurs vies, à quel point ils sont admiratifs de ce qu'il est, de ce qu'il fait. Moi aussi, je suis admirative, pleine de respect. Lorsqu'il prend la parole, et que mon épaule doucement touche la sienne, je me sens un renfort silencieux. Une allié à sa cause, comme il peut formidablement l'être à la mienne.

J'aime qu'il se réalise.

Je trouve ça rare. Et quand je sais qu'il n'a pas eu d'histoires depuis bien six ans, qu'il est farouche et exigeant, je me sens emplie de reconnaissance. Qu'il m'ait choisie moi. Et pas quelqu'un d'autre.
Qu'il m'ait fait de la place dans sa vie, si complète.
Je ne sais pas.

Ce n'est pas comme si j'étais davantage rassurée.
Je sais qu'avec lui, tout peut se terminer du jour au lendemain.
C'est juste que je ne sens plus le besoin de me rassurer en les autres.

mercredi 19 novembre 2014

Il est beaucoup trop tard pour être philosophe

Tu me manques.

Je me réécoute ton vieux message sur mon répondeur en me marrant comme une débile quand tu prends ton accent du sud à peine exagéré pour déclarer "salut, c'est la bichounette! la bichounette des quartiers qui appelle sa panthérounette!".

Tu me manques. Tes fous-rires solitaires me manquent. Ils sont contagieux. J'ai terriblement envie de te regarder sur le lit te plier en deux, la crampe du sourire. Tu me manques. Nos combats de tétons me manquent. Tels des gamins, se donner des défis bizarres à relever. C'est un peu comme si c'était ta première histoire, n'est-ce pas? Comme si tu découvrais ce qu'était l'amour à deux, partager, s'ouvrir sans honte, sans débat. Tout ça. T'es un peu mon renard à apprivoiser à moi. Cela prend du temps, pour te découvrir. T'effeuiller au fur et à mesure. Doucement, passer le savon sur ta peau. Effarouché. Et le fait de savoir que ce simple geste là dans ta vie, tu ne l'as accordé que très peu de fois, ça le rend précieux. Ça rend tout précieux. Chaque étape anodine de franchie, un véritable trésor à mes yeux.

Tu sais, j'ai mon coeur qui vadrouille un peu partout à la fois, et j'ai pas les yeux dans la poche pour autant. Mais je crois que tu le sais. Je crois que tu vois les serrages de bras à la fin des concerts, et que ça te va bien comme ça. Après tout, tu la vis toi aussi, la place de tous les regards. Tu la connais. Elle et ce qu'elle implique, ce qu'elle remue en les autres. Moi j'ai confiance en toi. Mais c'est pas difficile, t'es du genre admirable alors. J'ai confiance en toi pour ce qui est de moi. J'ai confiance en ce que tu peux m'apporter. Me transmettre. J'ai confiance en l'amour, le respect, la vertu que tu me portes. J'ai confiance en mes faiblesses parce que je te les communique. Je te les offre. Sans m’apitoyer, ni me conforter dans mes erreurs. Juste, ensemble, se donner le courage d'être ce que l'on est, tout en continuant nos efforts pour évoluer vers d'autres choses.

En ce moment, je lis, écoute, regarde pas mal d'informations sur divers courants de pensées et leurs dérives. Aussi éloignés soient-ils.
Je me dis qu'on dit tous la même idée avec des mots différents.
Qu'on va tous au même endroit sur des routes variées.
Je me dis que le monde n'est pas si incohérent, que le reflet de la société non plus, vis à vis du reste.
Je me dis qu'on a souvent ce que l'on veut, mais qu'on ne désire pas forcément les bonnes choses de la vie.

Toi, je t'ai souhaité. Lorsque j'ai écrit sur le petit papier "les hommes sont courageux".
Lorsque j'ai désiré très fort "je veux prendre le temps".
Tu étais la formulation de mon vœu.

Alors au fond, même si c'est difficile à admettre pour moi, ça ne regarde personne.
Parce que c'est au fond, justement.
Bien là. Dans l'intimité de chacun.


samedi 25 octobre 2014

Décontractés du gland

Ce matin était un beau cadeau.
Ses bras qui reviennent me tenir chaud alors que je me rendors doucement contre son cœur. C'étaient des gestes qu'il ne se permettait pas forcément, avant. Je le vois prendre confiance, s'ouvrir à moi. Étendu dans mes draps, je le vois chez lui. En sécurité, dans son petit cocon intérieur qui se superpose à mon être. Je lui ai dit, depuis quelques temps, tu me touches différemment. Dans tes mains, c'est toujours aussi doux, mais il y a quelque chose de plus. Une certaine valeur ajoutée. Comme si mon visage entre tes doigts, c'était précieux. Je le sens. Tu es de plus en plus libre. Léger. Tu te permets de vrais fous-rire à gorge déployée. Tu te permets de jubiler à mes couillonnades, sans bienséance. Tu te permets de lâcher des caisses en me regardant dans les yeux. Parce qu'il n'y a pas de honte. Il n'y a pas de peur. Il n'y a que toi et moi. Tels que nous sommes.