dimanche 7 octobre 2012

Mascarade

Ah, mon chanteur me manque, cette idole des jeunes. J'aimerais revenir à l'époque où je pouvais lui écrire des lettres naïves d'inspirations nocturnes et l'attendre, comme ça, des mois entiers.
Maintenant je suis grillée.
J'ai trop tiré sur la corde sensible et usé mes cartouches une à une.

Me restera ce goût âpre d'inachevé et de sable qui s'échappe d'entre mes doigts, me dire que j'aurais pu, quinze fois, si j'avais pas piétiné chacun de ses élans, marché sur son courage pourtant pris à deux mains et remis au lendemain les miens, d'efforts. J'ai été naze, je le sais. Mais un peu amoureuse. Alors, ça vaut peut-être une excuse.

Au fond de moi, je n'arrive pas à tirer un trait sur l'histoire, passer sereinement à autre chose. Parce que je n'ai pas réussi. Être moi-même, faire du mieux que je peux. Je ne peux m'empêcher d'avoir envie d'y retourner, et retenter ma chance, parce que cette fois-ci, j'aurais vraiment essayé, ça aurait été la bonne.
Ce sont à chaque fois les mêmes sensations qui se pointent à la fin.
Sentiment de vague déception. De n'avoir vécu que le commencement alors que. Youhou. Ils sont tous partis. Tu t'es plantée. Le temps de te mettre à l'aise et merci bonsoir.

La dernière fois était criante de vérité. A anticiper le malaise et tenter de l'éviter tout du long avant son concert. Lui tourner le dos, constamment. Pour ne pas qu'il me remarque. Pour ne pas qu'il vienne. Me parler. Planter sa face d'ange à ma cornée et me couper le sifflet. Il a quand même fini lui, le grand timide, par me toquer l'épaule pour lui claquer la bise et là, mascarade, les mots s'emmêlent, mon verre déborde lorsqu'il m'aborde "vous vous êtes coupée les cheveux?", -"bien sûr que non" répondis-je sur une ironie massacrante qui méritait même pas un sourire, sur cette phrase maladroite d'accroche, je vois qu'il se fait tomber sa cendre sur la veste et je rigole en le pointant légèrement du doigt mais il n'a pas vu son geste, juste mon doigt, et mon rire, sans savoir pourquoi, et me regarde comme ça, interloqué, et je ravale mon éclat en pivotant vers mon voisin de droite entamer une conversation mettre un terme à la torture de son être désarmant face à ma verve incapable. Et là je pense : "tout à l'heure, à la fin du concert". Tout à l'heure, j'irai lui causer tranquille. La pression retombée. Comme au début, où c'était facile. Où sans m'en rendre compte, le charme opérait. Sans moi. Même sans moi.

Existe-t-il réellement d'erreur de timing?

Le spectacle terminé, je me suis fait trente millions d'amis. Parce qu'à part lui c'est facile, tellement facile, et que je suis du genre accueillante. Et qu'on discutaille peut-être une plombe voire davantage devant les portes du théâtre avec A***s B**l et les autres et que pas là, l'idole des jeunes (des surtout moins jeunes, entre parenthèses). Et que quelqu'un devait passer me prendre, à contrario des autres soirs. Et que, ne pouvant plus repousser l'heure, j'ai vu la voiture rentrer dans l'allée en même temps que mon chanteur dans mon petit cercle d'entourage, vaillamment lancer "bon eh bien, moi je vais finir la soirée dans un bar, si jamais quelqu'un veut suivre..." pendant que la portière s'ouvrait à mes pieds j'ai dû répondre à l'offre par un "bon eh bien, moi je rentre" savamment placé et un geste de la main à la peuplade. J'ai observé sa mine moitié déconfite, moitié rien d'autre articuler un "au plaisir" et je me suis engouffrée dans la bagnole frustrée, furax, farouche et fauchée en plein vol par l'inexactitude des horaires qui tombent pile poil ensemble au même moment, au même endroit.

C'est assez nul.

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Du temps à tuer?