dimanche 10 novembre 2024

La vertu a un goût amer

Ce soir je reprends corps avec mes mots parce que je crois qu'il faut que ça sorte. 
Je ne sais pas comment expliquer tout ce chemin que j'arpente pour construire pierre après pierre les fondations de mes jours heureux. Chaque matin, à me demander si je fais les bonnes choses, ou du moins, si je fais les choses pour les bonnes raisons. Est-ce que mon contact avec la vie est sain ? Mes échanges avec les autres les rendent-ils globalement plus lourds ou plus légers ? Avec soin, je prends du temps à intégrer des réflexes émotionnels justes, qui n'éclaboussent personne de mon égocentrisme. J'apprends à communiquer sur ce qui est important, à reconnaitre mes faiblesses, à aimer mes qualités. A demander pardon. J'apprends à regarder. A trouver beau les gens. A leur exprimer. A veiller sur eux. Et en prenant de l'âge, à devenir un refuge. 

Je n'accueille plus toute la misère du monde, parce que c'est plus que ce que je peux encaisser. Je crois que l'altruisme dans son concept absolu est une forme de suicide personnel. Et qu'il ne donne à manger qu'aux parasites, avant de laisser les restes aux vautours. Je pense fondamentalement qu'une relation qui fonctionne est une relation d'intérêts mutuels compatibles. C'est à dire, ce que je recherche chez l'autre, l'autre peut et veut me l'apporter, et vice-versa. Simple, basique. Il y a des milliers de manières de formuler un intérêt pour autrui, par exemple : l'envie de rire, qu'on ramène du positif, de la magie dans un quotidien, de la sécurité matérielle ou émotionnelle, une famille, un projet commun, un sens, quelqu'un à rendre heureux, quelqu'un à qui se confier, etc.

Et après m'être épurée des relations toxiques, avoir fait des efforts pour me donner moi-même ce dont j'avais réellement besoin...j'avais enfin plus de temps, d'énergie et de volonté à accorder à ceux qui avaient été généreux envers moi. Aux candides. 

Je me suis rapprochée de ceux qui prenaient soin des autres.

Ca me donne toujours envie de rendre la pareille à ces personnes qui se donnent sans compter. Juste pour le plaisir de voir leur entourage sourire. Je crois que j'ai besoin d'être la justicière des bienfaiteurs de l'ombre. Mais c'est aussi parce que j'ai peur que leur pureté les annihile. 

J'ai rencontré quelqu'un comme ça.

Qui s'oublie. Mais qui fait des efforts pour se retrouver. A mes yeux, il reluit. Il reluit de toute la sueur qu'il perd à essayer. Etre témoin de sa croissance c'est comme être aux premières loges d'un événement unique, c'est un privilège. Il craint toujours de ne pas m'apporter assez mais personne ne m'a jamais apporté autant. C'est bizarre mais, il me donne l'impression d'être réellement utile à quelqu'un. Comme si moi, le long de mon existence, il l'avait remarqué. Comme si, il voyait que j'étais là. Comme s'il me voyait. 

C'est souvent les personnes qui ont l'impression de faire le b.a.-ba qui en fait défoncent tous les scores. Leurs valeurs sont tellement hautes, ils sont si consciencieux et responsables qu'ils ne se rendent pas compte à quel point ils sont 2% de la population à accorder autant d'attention aux choses.

Mais malgré tout ce que l'on s'apporte. Malgré le fait qu'on est de vrais partenaires. Qu'on se laissera pas tomber. Et c'est important, à nos âges, de savoir qu'on se laissera pas tomber parce que la chute est plus probable mais, malgré le fait que je me projette si simplement dans ton avenir et qu'avec toi, j'ai pas d'efforts à faire pour que ça marche tu vois, ce soir, je regardais sur YouTube un épisode de podcast où il y avait ce gars qui parlait de son histoire d'amour. Il expliquait qu'il l'avait attendue des années. Qu'il s'était déclaré au début de leur rencontre et qu'elle l'avait recalé à l'époque. Mais qu'ils étaient restés amis. Qu'il y avait une sorte d'alchimie qui les rapprochait inévitablement quand lui et elle étaient dans la même pièce et qu'un jour, plusieurs années après, elle lui avait laissé un message sur son téléphone : "va dans ta voiture". Sur son GPS, une adresse entrée, qui l'amenait à son restaurant préféré, où elle se tenait avec sa rose tout en lui confessant "je suis désolée que ça ait pris si longtemps". C'était une autre histoire aussi où il disait avoir une nuit écrit 16 pages recto verso à cette fille pour lister les raisons pour lesquelles ils devraient être ensemble et c'est pas si rare, j'ai bien un ami qui a fait tout un PowerPoint à son date pour expliquer pourquoi ce serait génial qu'ils soient en couple et ils le sont aujourd'hui et c'est con mais, à voir les gens sentimentaux et romantiques, j'ai les larmes qui me sont montées. 

Vivre l'amour de cette façon me manque. 

Je sens un vide dans ma vie. Qui me rend profondément terne. J'ai l'impression de vivre continuellement avec des bouchons enfoncés dans mes oreilles, où tout est atténué, où rien ne sonne vraiment, où les mélodies sont trop lointaines, impalpables. Je ressens cet acouphène intérieur, un bip qui couvre la beauté de la musique, une note invariable qui fausse les harmonies. Parce que ça sonne faux. Parce que c'est pas juste ! C'est pas normal de vivre sans romantisme. Moi aussi j'y ai droit. J'y ai droit, merde ! 

J'y ai droit. 

Quand je repense à mes premières amours, mes souvenirs sont emplis de passion, de beauté des gestes, de fantaisies romanesques, de preuves... De preuves que l'amour était là et était vécu. L'effusion des sentiments. Je comprends pas. Je comprends pas pourquoi tout s'est arrêté il y a environ 10 ans. Je comprends pas comment les gens se sont dit que c'était quelque chose dont ils pouvaient se passer. Que la souffrance engendrée ne valait pas le bonheur procuré. Qu'ils n'aient pas envie de redonner des chances à la romance. Que ça leur paraît plus tranquille comme ça. Eux et leurs petites satisfactions. 

Moi je me flétris de l'intérieur. J'essaie de m'adapter à mon époque, aux contextes. Je les connais aussi et je les affectionne les petites satisfactions. Mais j'ai une méga flamme. J'ai toujours eu une méga flamme dont la chaleur était gaspillée, j'ai une putain d'ardeur de vivre, de ressentir, d'aimer qui sert à rien dans ce monde de frileux aux cœurs meurtris qui ont peur de se lancer. Ca me désespère. Je crève de vivre l'amour encore une fois. Qu'on me laisse la chance d'être aimée par quelqu'un qui m'inspire. Ca peut pas s'arrêter comme ça juste parce qu'on est devenus matures. J'y crois pas. Moi je suis prête hein. Ca fait 10 ans que je suis prête. C'est long. 

C'est quand qu'on appelle mon nom.